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Le Québec et son américanité | Perspective du conservateur

Le Québec et son américanité | Perspective du conservateur

Le Québec et son américanité | Perspective du conservateur

Le 24 juin, le Québec célèbre sa Fête nationale. Le visage de la belle province a bien changé depuis une trentaine d’années. Plusieurs Québécois et Québécoises sont originaires d’autres cultures. Les identités sont multiples, les perspectives différentes, les points de vue diversifiés. Et c’est tant mieux!

À la fin des années 1980, les francophones, qui occupent largement le paysage culturel au Québec, s’interrogent sur leur identité. En 1986, le cinéaste Denys Arcand triomphe avec son film Le déclin de l’empire américain. En 1987, le Cirque du Soleil entame sa première tournée à l’extérieur du Québec sur la côte ouest américaine; un périple qui marque le début d’une grande aventure internationale pour le cirque. En 1988, l’auteur-compositeur-interprète Richard Séguin connaît un succès retentissant avec son album Journée d’Amérique. Le Québec découvre soudainement son américanité.

Parler d’Amérique

À la même époque, plusieurs cinéastes francophones de l’ONF s’interrogent sur le sujet. En 1987, le producteur Éric Michel lance une série de films documentaires intitulée L’américanité. La série veut jeter « un regard analytique et poétique sur les valeurs et les réalités contemporaines qui touchent le Québec de près.[1] » Cinq cinéastes se regroupent pour réfléchir et discuter de la question pour ensuite réaliser chacun leur film.

Jean Chabot et Jean-Daniel Lafond s’intéressent à la notion de territoire avec, respectivement, les films Voyage en Amérique avec un cheval emprunté (1987) et Le voyage au bout de la route ou la ballade du pays qui attend (1987). Herménégilde Chiasson, un cinéaste acadien, et Jacques Godbout racontent la vie de deux écrivains américains d’origine francophone avec, dans l’ordre, les documentaires Le grand Jack (1987) sur Jack Kerouac et Alias Will James (1988) sur un des plus célèbres cowboys américains, Will James, de son vrai nom Ernest Nephtali Dufault. La cinéaste Micheline Lanctôt s’intéresse à la question du bonheur avec La poursuite du bonheur (1987).

Le grand Jack, Herménégilde Chiasson, offert par l'Office national du film du Canada

Alias Will James , Jacques Godbout, offert par l'Office national du film du Canada

À peine un an plus tard, une deuxième série sur le même sujet, également produite par Éric Michel, voit le jour. Parler d’Amérique (1989-1993) compte sept films. Mentionnons au passage Un cirque en Amérique (1989) de Nathalie Petrowski, Hotel Chronicles (1990) de Léa Pool et Le diable d’Amérique (1991) de Gilles Carle.

Américanité ou américanisation ?

Les thèmes du territoire, du voyage, de l’errance, de la perte de sens et de la domination de la culture américaine traversent la plupart des films des deux séries. La forme utilisée par les cinéastes diffère d’un film à l’autre, mais plusieurs d’entre eux optent pour le « road movie », un genre cinématographique cher au cinéma américain.

Mais qu’est-ce donc que l’américanité ? Une identité renouvelée pour les Québécois et les Québécoises, qui, tout à coup, sortent d’eux-mêmes et se voient dans un plus grand ensemble, l’Amérique ? Le fait de retrouver, au sud de la frontière, une part de notre histoire ? Une domination de la culture américaine ? La lente disparition de la culture québécoise ? La poursuite du rêve américain (American Dream) et l’adoption du mode de vie américain (American Way of Life) ? En d’autres mots, l’américanisation du Québec.

Les films de la série L’américanité et de Parler d’Amérique semblent proposer un peu toutes ces réponses. Mais une chose est claire, quand on parle d’Amérique, on parle des États-Unis. La plupart des films associe le terme Amérique au pays de l’Oncle Sam.

La peur du vide

Si Alias Will James et Le grand Jack n’abordent pas le sujet d’une américanisation du Québec, mais mettent plutôt en lumière le fait qu’il y a une part de notre histoire dans la culture populaire américaine, quelques films s’y attardent. Et le constat est assez pessimiste. Dans son essai documentaire Voyage en Amérique avec un cheval emprunté, Jean Chabot se propose de « traverser le territoire de notre américanisation progressive ». Pour lui, une homogénéisation de la culture s’opère au Québec, un vide se crée. L’Amérique nous avale peu à peu. Le cinéaste a le sentiment de faire partie de la dernière génération « d’avant l’engloutissement ».

Voyage en Amérique avec un cheval emprunté, Jean Chabot, offert par l'Office national du film du Canada

En 1988, lors de sa tournée américaine, le Cirque du Soleil s’installe à New York. La journaliste et cinéaste Nathalie Petrowski va à la rencontre de ses artisans dans son documentaire, Un cirque en Amérique. Si le succès du cirque reste un grand accomplissement, la réalisation d’un rêve (le rêve américain), il ne va pas sans un prix à payer pour ses artistes et pour le cirque lui-même, celui de perdre sa véritable nature, de perdre de vue ses origines, de se faire avaler par la machine américaine, de devenir américain en quelque sorte. Le titre complet du film n’est-il pas Un cirque en Amérique ou la rançon de la gloire ? On sent la cinéaste sceptique, non pas quant aux chances de succès du projet de Guy Laliberté, mais à la nécessité d’une pareille entreprise. Pourquoi vouloir conquérir le marché américain ?, demande-t-elle au cofondateur du cirque. Cela en vaut-il la peine ? Les quelques mesures, à la fin du film, d’une chanson de Beau Dommage, Le phoque en Alaska, dont le refrain nous met en garde en nous disant que : « Ça vaut pas la peine de laisser ceux qu’on aime, pour aller faire tourner des ballons sur son nez… », nous donne la réponse de la journaliste et cinéaste.

Un cirque en Amérique, Nathalie Petrowski, offert par l'Office national du film du Canada

Cette américanisation de la culture québécoise, cette crainte de disparaître et cette peur du vide ne se sont pas concrétisées. Notre culture a évolué. Elle s’est diversifiée. Elle ne l’est peut-être pas encore assez, plaideront certains, mais il est indéniable qu’elle a changé. Elle a de nouvelles couleurs, de nouveaux accents et de nouvelles figures.

Je vous invite à voir les quelques films mentionnés dans ce billet. Peut-être y découvrirez-vous votre part d’américanité ?

 

[1] Rapport annuel 1987-1988, Office national du film, p. 12

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