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Le processus de création du court métrage d’animation Charles, entre la France et le Canada

Le processus de création du court métrage d’animation Charles, entre la France et le Canada

Le processus de création du court métrage d’animation Charles, entre la France et le Canada

Entretien avec le cinéaste Dominic Étienne Simard

Plus de quatre ans auront été nécessaires pour mener à terme Charles, un court métrage d’animation que Dominic Étienne Simard s’apprête à lancer cette année. Tout comme Paula, présenté par Simard en 2011, ce film dramatique emploie l’animation traditionnelle pour mettre en scène un enfant qui devient adulte trop vite. Mais le processus de création de Charles représentait aussi bon nombre de nouveautés pour le créateur. Le cinéaste nous raconte comment s’est déroulée sa première coproduction Canada/France et son premier film créé en collaboration avec d’autres animateurs. Il nous explique aussi les particularités de Charles et de la trilogie dans laquelle ce film s’inscrit.

La production de Charles s’est étendue sur plusieurs années. Peux-tu nous raconter l’origine de ce projet?

Le film a été conçu à partir d’un scénario que j’ai écrit dans le cadre du concours Cours écrire ton court, de la SODEC. En 2012, il y avait un spécial animation et j’ai remporté le prix, ce qui était de bon augure déjà pour le financement. Ensuite, j’ai fait lire le scénario à Julie Roy de l’ONF. Ensemble, on a décidé de faire une coproduction avec la France.

Comment as-tu procédé pour mettre en place ce type de coproduction internationale?

On a directement approché un premier producteur français, mais ça n’a pas super bien collé. J’étais prêt à apporter des changements dans le récit, mais en deux rencontres Skype, je savais qu’on n’avait pas la même vision. Donc on a décidé d’approcher un autre producteur : Dora, des Films de l’Arlequin. Là, ça a tout de suite cliqué. Ensuite, on a contacté le CNC pour le financement, et Ciclic, qui propose des résidences artistiques.

Au Canada, j’ai soumis le projet au Conseil des arts et des lettres du Québec et à la SODEC, et il a été accepté aux deux places. C’était un peu comme le grand chelem du financement! Puis ARTE a embarqué. Le processus de financement était long – environ 2 ans, à partir de la première demande – mais ça s’est vraiment super bien passé. Beaucoup d’institutions ont été sollicitées, mais le processus était facile et positif.

Charles a donc été créé sur deux continents. Comment s’est déroulée ta résidence artistique en France?

J’ai passé plusieurs mois à Château-Renault, qui est un minuscule village dans la vallée de la Loire. C’est là que la production a commencé. C’était étrange et très dépaysant parce qu’il n’y avait vraiment rien là-bas. Ça force à se concentrer sur le projet, mais ce n’était pas évident pour meubler les temps libres. J’ai travaillé avec l’animateur français Benoît Chieux, mais tout s’est fait à distance parce qu’il était à Valence, à 500 km de moi. Je lui envoyais des fichiers avec des dessins, des poses… J’expliquais l’animation plan par plan, l’intention pour chacun, avec les décors et tout.

Faire appel à un animateur quand on est habitué à animer soi-même, c’est difficile?

Oui, mais la collaboration s’est super bien passée. J’ai même travaillé avec plusieurs animateurs : Benoît en France et, plus tard, Jérémy en Belgique, Jens et son assistant François au Canada. Au début, j’étais nerveux. Il faut s’adapter. Mais Benoît a beaucoup de métier, et il était prêt à s’adapter à ma façon de travailler, qui n’est pas très orthodoxe. C’est celui dont la sensibilité se rapprochait le plus de ce que je recherchais. Les animateurs, c’est un peu comme des acteurs, si on veut. Choisir le bon animateur, c’est une démarche de casting. Ils ont tous leurs forces et leurs faiblesses. On leur a fait faire un test et c’est vraiment Benoît qui était la personne idéale. Je sentais que le projet était entre bonnes mains.

En quoi ta méthode de travail est-elle différente?

Je ne fais pas de scénarimage, de storyboard et tout ça. Je pars juste avec le scénario et je ne sais jamais ce que sera le plan suivant avant de le commencer. C’est épeurant pour les producteurs! (rires) Ça demande une bonne base de confiance. Mais j’ai toujours fait comme ça, et les résultats sont là. Pour moi, faire un scénarimage, ce serait comme faire le plan de ce que je ne ferai pas. En animation, t’as le temps de voir venir les choses. Tu travailles pendant des semaines sur un plan, donc tu peux déjà penser au prochain. Tout se place, même quand ce n’est pas vraiment conscient. Je laisse l’idée naître.

Comment Charles se compare-t-il aux autres courts d’animation que tu as créés?

C’est une variation sur le même thème que Paula – l’enfant projeté vers l’âge adulte de façon prématurée –, mais le traitement est différent. Dans Paula, le coup de poing, c’est l’agression; tout le film mène à ça. Et au niveau de l’animation, il y a de gros coups de pinceau, de la grosse texture. Dans Charles, c’est plus sournois. C’est un glissement. Charles est un enfant en surpoids qui devient adulte progressivement parce que sa mère s’occupe de moins en moins des responsabilités familiales. Tout est plus lent : la mise en scène, les déplacements de Charles, l’animation. Tout est plus délicat, même les ombrages.

Au début je savais que je voulais une animation moins rough que pour Paula, mais je pensais quand même à quelque chose d’assez énergique. Sauf qu’il a fallu que j’adapte l’animation pour qu’elle s’inscrive mieux dans la mise en scène que je voulais. Les plans sont relativement longs : dans un film d’animation, la plupart du temps les plans sont de 3-4 secondes, mais dans Charles, ils durent en moyenne une vingtaine de secondes.

La création de Paula a été vraiment difficile pour moi, dans la mesure où ça me mettait dans un état d’esprit particulier. J’ai vraiment aimé faire ce film, mais j’ai aussi eu beaucoup de difficulté à le mener à bout. C’est une violence avec laquelle je n’étais pas toujours à l’aise. Ça faisait mal. Avec Charles, le processus a été moins pénible.

Comment le travail s’est-il poursuivi au retour à Montréal, après la résidence?

À mon retour, j’avais beaucoup de travail d’intégration à faire. Après, j’ai commencé travaillé avec les animateurs au Canada pendant un peu plus de six mois. J’ai travaillé sur les décors : ce sont des montages de petits bouts de photos que j’ai prises à gauche et à droite… mais si je ne te l’avais pas dit, tu ne l’aurais pas su! Il y a beaucoup de grain, de texture. Tout est assez simplifié, « désaturé » pour enlever de l’information. Et le reste, c’est de l’animation traditionnelle qui bouge sur ces photos-là. Puis, il y a le son : c’est tout un travail!

Avec qui as-tu collaboré pour le son du film?

Oliver Calvert pour le son, et Ramachandra Borcar pour la musique. C’est lui qui avait fait la musique de Paula et on a fonctionné de la même façon : je lui ai fourni des trucs que j’ai écoutés en animant et il est parti de ça pour trouver la bonne émotion. Ici, c’était beaucoup de Daniel Lanois, des choses comme ça. Son travail est vraiment fort, et tout le montage sonore aussi. J’ai beaucoup de respect pour ça : ce n’est pas évident de trouver la bonne ambiance, le bon dosage pour exprimer mes intentions et faire ressortir le mieux possible le récit. Il ne faut pas trop en mettre. Je suis vraiment content du résultat! Et c’est bizarre, parce que le travail visuel se compte en années, alors que tout le son est bouclé en plus ou moins deux mois. C’est démesuré, quand on y pense.

Maintenant que Charles est terminé, sais-tu déjà quel sera ton prochain film?

En tant que réalisateur, mon plaisir est de ne jamais refaire la même chose, de jouer avec le langage cinématographique, tant au niveau visuel que sonore. J’aime faire des variantes, arriver avec des propositions complètement différentes. Il faut changer les paramètres. Je n’ai pas écrit le prochain, mais c’est certain que la démarche sera différente. Je pourrais par exemple aller vers le dialogue, comme mes autres films ne sont pas dialogués.

J’ai une idée, mais je n’ai pas trouvé l’élément déclencheur. Je veux faire une trilogie, 3 fois 10 minutes, donc une autre variation sur le thème de l’enfant qui va trop vite vers l’âge adulte. J’aimerais que le personnage cette fois-ci soit une fille, même si je ne sais pas encore quel âge, et que ce soit raconté selon le point de vue des parents.

Tes films d’animation partent donc d’une histoire, et non du visuel?

Souvent, les animateurs dessinent et ensuite commencent à apprendre à faire des films. Moi, je suis arrivé au dessin par erreur, au début de la vingtaine. J’ai appris à dessiner pour faire de l’animation. Je n’étais pas censé faire ça, mais je trouvais que c’était un mode de création qui s’apparentait mieux à ma personnalité que la prise de vue réelle. Je pars d’un scénario puis je développe le visuel pour aller avec l’histoire. C’est l’écriture d’abord. Ensuite, c’est de l’animation très traditionnelle. C’est très long : je fais un dessin, j’en fais un autre après… C’est du quotidien. L’animation, c’est de la constance. On ne le dit pas assez, mais c’est surtout ça, la difficulté.

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