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Marcy Page, lauréate du prix Winsor-McCay

Marcy Page, lauréate du prix Winsor-McCay

Marcy Page, lauréate du prix Winsor-McCay

Chaque année, lors de la cérémonie des Annie Awards à Los Angeles, l’Association internationale du film d’animation (ASIFA-Hollywood) remet le prix Winsor-McCay, récompensant l’ensemble de la carrière d’un ou d’une artiste en animation. Cette prestigieuse récompense a été remise, notamment, à Walt Disney à titre posthume en 1975, au cinéaste Tim Burton en 2009 et au créateur de la série Les Simpson, Matt Groening, en 2010. Cette année, le prix est décerné à la cinéaste et productrice Marcy Page, qui a longtemps travaillé à l’Office national du film.

Originaire de la Californie, Marcy Page émigre au Canada, puis entre à l’ONF en 1990, d’abord comme réalisatrice et productrice associée, puis comme productrice. Travaillant en tant que productrice au studio d’animation anglais, elle garde toujours à l’esprit l’idée de rechercher des projets éclectiques et inhabituels, qui repoussent les limites de l’animation.

Au cours d’une fructueuse carrière de 24 ans, elle a produit des dizaines d’œuvres de cinéastes de la relève et d’expérience, qui, au fil du temps, ont récolté plus de 350 prix internationaux pour le studio d’animation de l’ONF ! Six d’entre elles ont été nommées par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences dans la catégorie « court métrage d’animation ». Il s’agit de Ma grand-mère repassait les chemises du roi (1999) et Ma Moulton et moi (2014) de Torill Kove, Madame Tutli-Putli (2007) de Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, Une vie sauvage (2011) d’Amanda Forbis et Wendy Tilby, ainsi que deux films qui ont finalement remporté l’Oscar, Ryan (2004) de Chris Landreth et Le poète danois (2006) de Torill Kove.

Le poète danois, Torill Kove, offert par l'Office national du film du Canada

Quelques jours avant la remise de son prix, Marcy Page a bien voulu répondre à quelques questions.

En quelques mots, que fait une productrice en animation ?

Je ne peux parler que de mon expérience de productrice d’animation à l’Office national du film du Canada, un organisme tout à fait unique en son genre. Il y a de nombreux aspects passionnants : chercher des projets, rencontrer des autrices-réalisatrices ou auteurs-réalisateurs, des artistes qui repoussent les frontières de l’animation, élargissent les possibilités du médium, touchent notre humanité ; aider ces créatrices et créateurs à clarifier, à concrétiser leur propre vision au mieux de leurs capacités. Pour ce faire, il faut se montrer honnête, comme premier public de ce projet en évolution, mettre sur pied une équipe inventive qui complétera les forces et les faiblesses des artistes, pratiquer intensément une « écoute créative » et défendre le projet auprès de l’institution. Bien sûr, il y a beaucoup d’autres tâches moins prestigieuses que l’on a tendance à glisser sous le tapis. Avant de me lancer dans la production, j’ai été enseignante et animatrice indépendante. J’ai toujours été guidée par ce que j’aurais moi-même aimé voir à l’écran.

Comment en êtes-vous venue à travailler à l’ONF ?

J’ai rencontré de nombreux cinéastes, productrices et producteurs d’animation de l’ONF lorsque j’enseignais cette matière à l’Université d’État de San Francisco, avec mon collègue Marty McNamara. Le consulat canadien de San Francisco considérait à juste titre les films d’animation de l’ONF ainsi que leurs réalisatrices et réalisateurs comme autant d’ambassadeurs culturels du Canada. Le consulat soutenait avec vigueur les échanges culturels. Normand Roger, qui a travaillé comme compositeur et concepteur sonore indépendant pour de multiples films d’animation renommés de l’ONF, était venu donner une conférence. Il a finalement accepté de collaborer à un film d’animation que j’avais commencé. Des années plus tard, nous avons mixé le film terminé à Montréal. Disons que c’était une période merveilleuse pour moi. J’ai fini par immigrer au Canada en 1988, pour rejoindre Normand. Nous ne nous sommes plus jamais quittés.

Dès l’obtention de mon statut de résidente permanente, en 1990, David Verrall, alors producteur de films d’animation à l’ONF, m’a engagée pour travailler à titre provisoire sur une série de séquences d’animation éclectiques dans le cadre d’un projet de documentaire. Il a aussi joué un rôle clé dans la suite de ma carrière, puisqu’il a contribué à ce que je sois embauchée comme productrice lorsqu’Eunice Macaulay a pris sa retraite. Plusieurs réalisatrices et réalisateurs m’avaient encouragée à poser ma candidature, entre autres John Weldon, qui s’est jeté à mes pieds, m’a suppliée, convaincu que nous pourrions faire de beaux films ensemble. J’ai naïvement présenté un dossier et j’ai obtenu le poste. Grâce à toutes ces personnes visionnaires et talentueuses avec lesquelles j’ai travaillé sur des productions par la suite, je n’ai jamais regretté cette décision.

Que signifie pour vous le fait de recevoir le prestigieux prix Winsor-McCay couronnant une carrière exceptionnelle, décerné par les prix Annie à Los Angeles ?

La surprise a été totale. Je suppose que je baigne depuis trop longtemps dans l’atmosphère propre à l’humilité canadienne. « Pourquoi moi ? » (c’est aussi le titre d’un de mes films préférés de l’ONF !) a été ma première réaction, je crois, lorsqu’on m’a annoncé la nouvelle au téléphone. J’en suis arrivée à me dire que j’étais simplement une figure de proue et qu’à travers moi, ce prix récompensait tout le secteur de l’animation de l’ONF.

Pourquoi moi?, Janet Perlman et Derek Lamb, offert par l'Office national du film du Canada

L’Association internationale du film d’animation (ASIFA) est un étonnant regroupement international de sections réparties dans le monde entier, qui unit divers animatrices et animateurs dans cette forme d’art transcendante que ces artistes partagent. ASIFA-Hollywood, qui parraine les prix Annie, est peut-être la plus grande section. Elle représente les animatrices et animateurs indépendants et la très dynamique industrie de l’animation californienne. Je pense que cette reconnaissance de leur part illustre l’affection que les gens du secteur, dans le monde entier, portent à l’ONF, institution culturelle gouvernementale très active ; une sorte de licorne dans le monde d’aujourd’hui et, certainement, aux États-Unis. L’ONF a fait un travail considérable pour encourager l’expérimentation en animation dans la tradition d’auteur de Norman McLaren, l’un de ses pionniers. L’Office a ainsi constitué une collection d’œuvres audacieuses, drôles, exigeantes et touchantes, dont il peut être fier. De plus, il est un exemple d’inclusion, d’équité entre les sexes et de diversité. J’ai constaté qu’il est souvent plus facile pour les personnes de l’extérieur de reconnaître ce que de nombreux Canadiens et Canadiennes semblent tenir pour acquis : une institution gouvernementale qui soutient un tel travail créatif relève parfois de l’impossible ; c’est presque un oxymore. Pourtant, l’ONF y est parvenu, et il reflète ainsi les valeurs canadiennes et le multiculturalisme d’une manière inégalée. L’ONF a joué un rôle positif et central dans l’évolution et l’écologie de l’industrie cinématographique au Canada. L’inspiration qu’il génère s’est propagée dans le monde entier.

Parlez-nous d’un ou deux moments importants dans votre rôle de productrice ou dans votre carrière ?

Il y a tellement d’impressions fugaces — bien plus qu’une ou deux — qui me traversent quand je réfléchis à cette question, c’est comme un flux de conscience. Je revois Torill Kove remporter un Oscar pour The Danish Poet (Le poète danois) et porter le trophée — la clé de l’admission — haut au-dessus de sa tête pour pouvoir s’incruster à la réception de Vanity Fair avec tout son « entourage » canado-norvégien… je me rappelle Chris Landreth entrant dans mon bureau pour me présenter Ryan, son documentaire animé « psychoréaliste », et, bien plus tard, être soufflée par l’animation obsédante du personnage de Ryan Larkin qui touche un dessin de Walking (En marchant)… je suis assise, ravie, à une Steenbeck avec Janet Perlman et la compositrice Judith Gruber-Stitzer pour regarder un montage approximatif de Bully Dance (La danse des brutes) synchronisé sur une piste pilote de percussions, rien d’autre… et que dire de ma chance de débutante et de mon euphorie alors que je conclus une coproduction lors d’une soirée d’ouverture d’un festival en Norvège avec Studio Magica et l’Institut norvégien du film pour My Grandmother Ironed the King’s Shirts (Ma grand-mère repassait les chemises du roi) ; je pensais naïvement que tout serait toujours aussi simple à l’avenir !… Torill Kove et moi-même, encadrées par David Verrall sur la manière de transformer la narration en action pour obtenir le meilleur effet comique possible…

Ma grand-mère repassait les chemises du roi, Torill Kove, offert par l'Office national du film du Canada

…jeter un coup d’œil au travail de Lynn Smith pour voir l’évolution de son étonnante animation de peinture sur verre pour Soup of the Day (La soupe du jour) et me laisser surprendre par l’une de ses histoires drôles… planifier, bavarder et rire, toujours, avec l’ineffable Hélène Tanguay… assister à l’installation de la marionnette de Madame Tutli-Putli avec toutes ses possessions terrestres alignées sur un quai de gare tandis que Chris Lavis bricole les lumières et que Maciek Szczerbowski ajoute encore d’autres petites choses à cet assemblage magique…

Madame Tutli-Putli, Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, offert par l'Office national du film du Canada

…Ines Hardtke, Marie Renaud et moi-même nous demandant comment faire entrer Paul Driessen dans l’ère de l’informatique pour The End of the World in Four Seasons (La fin du monde en quatre saisons) et comment monter huit histoires racontées simultanément à l’écran… Gayle Thomas qui me montre ses motifs de courtepointe préférés pour animer de façon abstraite son film Quilt (Courtepointe)monter le scénario de Seth’s Dominion (Le dominon de Seth) avec Luc Chamberland… entendre le rire si caractéristique de Luc lors de toutes les avant-premières… passer du rire aux larmes en écoutant Sheldon Cohen raconter l’épisode réel qui a conduit à My Heart Attack (Ma crise cardiaque)ramasser des dessins à l’encre, tracés de façon spontanée et délicieuse, que Chris Hinton avait jetés lors de l’animation de Flux… découvrir, sur grand écran, avec Wendy Tilby et Amanda Forbis, les mouvements de peinture magnifiques et luxuriants de Wild Life (Une vie sauvage), leur faux « western » documentaire, lors de la projection de la copie zéro…

Une vie sauvage, Amanda Forbis et Wendy Tilby, offert par l'Office national du film du Canada

…m’émerveiller devant la séquence d’ouverture de Craig Welch, délicatement dessinée et absolument Rube Goldbergesque, pour How Wings Are Attached to the Backs of Angels (Comment les ailes sont attachées au dos des anges)… la première de l’installation stéréoscopique de June, l’hommage abstrait de Munro Ferguson à Joyce June Wieland, créée sur SANDDE (le nouveau système de Roman et Paul Kroitor), au Musée des beaux-arts de l’Ontario… la réalisation de mon premier dessin stéréoscopique dans l’espace sur SANDDE… le café et les notes de scénario avec ma collègue productrice Melissa Malkin pour Rose & Violet de Luc Otter et Claude Grosch… trouver les vieilles pantoufles de Norman McLaren dans une poubelle après avoir vidé un bureau désaffecté et littéralement « marcher dans ses chaussures »… et bien d’autres choses encore.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Des projets en cours dont vous pourriez nous parler ?

Je travaille sur un court métrage d’animation indépendant intitulé Virgin Fandango depuis une petite éternité. Le film s’inspire du Portugal, où Normand et moi passons une partie de l’année dans une grande maison que nous partageons avec les célèbres cinéastes d’animation Abi Feijó et Regina Pessoa. La Casa de Vilar est en train de devenir une sorte de centre d’animation, car Abi y possède un petit musée et y donne de merveilleux ateliers. Regina et lui y ont leur studio pour leurs projets de films personnels, tout comme Normand et moi. Regina et Abi ont travaillé avec l’équipe de l’animation française de l’ONF sur divers projets, et ainsi contribué à faire connaître l’Office aux quatre coins du monde et à démultiplier l’inspiration de façon exponentielle. Les deux sont partenaires de Virgin Fandango avec leur entreprise, et Abi est producteur partenaire.

Le film est réalisé à l’aide d’azulejos, ces carreaux de céramique portugais dont la base blanche est ornée de motifs bleu cobalt. Je crée l’animation figurative initiale sur papier, puis je projette ces images sur la base blanche des carreaux, qui sont ensuite peints avec des pigments cobalt, image par image, par moi-même et d’autres artistes courageuses, entre autres Belinda Oldford, qui a réalisé le film d’animation de l’ONF Come Again in Spring (Reviens au printemps) à l’aquarelle. Belinda est une ardente défenseure de ce projet. Nous avons installé un four où nous cuisons les tuiles que nous photographions de nouveau par la suite, image par image. Nous avons fabriqué des milliers et des milliers de tuiles. La peinture des tuiles est presque terminée et le film, à moitié tourné, mais il reste encore beaucoup à faire. C’est vrai, il faut être un peu fou, parfois, pour se lancer dans l’animation. J’imagine qu’il s’agit plus d’une « vocation » que d’une profession.

Témoignages de cinéastes

« Je pense que nous devrions toutes et tous remercier notre bonne étoile d’avoir placé Marcy sur notre chemin. Non seulement parce qu’elle est une productrice accomplie et douée, mais parce qu’elle est un être humain exceptionnellement adorable. Je suis sûre que bien des gens, aux quatre coins de la planète, seront d’avis que personne ne mérite davantage ce prix que Marcy Page et je suis ravie de joindre ma voix à ce chœur qui chante ses louanges. Elle est et restera toujours un phare dans la communauté internationale de l’animation et une étoile lumineuse dans la vie de beaucoup de gens. » — Torill Kove, cinéaste

Marcy Page, Håkon Lammetun (concepteur sonore), Kevin Dean (compositeur) et Torill Kove après avoir remporté l’Oscar pour Le poète danois. (Photo : Normand Roger)

« Marcy Page s’est faite notre championne dès notre première rencontre : elle a reconnu en nous quelque chose que nous-mêmes n’avions pas vu. Elle nous a guidés à chaque étape de la création d’un film, puis à chaque étape de la réussite (car celle-ci peut par moments nous submerger). Elle nous a protégés, nous a remonté le moral et n’a jamais cessé de croire en nous. Elle mérite tous les prix qu’elle a reçus et plus encore. » — Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, cinéastes

Les réalisateurs de Madame Tutli-Putli, Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, Marcy Page et le commissaire de l’ONF, Claude Joli-Coeur, au Festival de Cannes.

Photo d’entête : Le réalisateur Patrick Doyon, Marcy Page, et les réalisatrices Amanda Forbis et Wendy Tilby aux Annie Awards en 2012.

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