Catherine à l’ONF dit :
Bonjour Marie-Hélène!
Où te trouves-tu?
Marie-Hélène dit :
Je suis au bureau du festival situé dans le quartier des musées <MuseumsQuartier Wien>. Plus précisément, je suis au Quartier21, à l’adresse Museumsplatz 1 dans le quartier numéro 7 de Vienne. Il y a 23 quartiers en tout dans la ville. Le 7 est très central et on y retrouve beaucoup de musées. L’ouverture du festival était hier soir à 20 h, je me suis donc permis une « journée au musée » hier matin. Je suis allée au superbe Musée Leopold, tout de marbre, qui regroupe une des plus importantes collections d’art moderne autrichienne. On peut y voir des œuvres d’Egon Schiele, de Gustav Klimt, d’Oskar Kokoschka et de plusieurs autres peintres de cette période. Je me suis empressée d’y aller hier matin pour voir de près les œuvres de Schiele, un de mes peintres et dessinateurs préférés.
Catherine à l’ONF dit :
Ce doit être une ville magnifique et inspirante… Tu es à Vienne pour le festival Tricky Women. Peux-tu nous expliquer la particularité de cet événement?
Marie-Hélène dit :
Le festival international présente exclusivement des films d’animation réalisés par des femmes, des filles.
Catherine à l’ONF dit :
Est-ce qu’il y a, selon toi, une différence entre le cinéma fait par les hommes et celui réalisé par les femmes?
Marie-Hélène dit :
C’est la première fois que j’assiste et participe à un festival de films d’animation consacré aux femmes cinéastes. Il y aura peut-être des thèmes récurrents, des sujets de prédilection ou des sujets très féminins, comme c’est le cas dans La formation des nuages. Une chose est certaine, tous les films poseront un regard féminin sur leur sujet. Est ce que la vision d’une femme est différente? Oui, comme la vision de deux personnes différentes – femme ou homme – est différente.
Il me sera plus facile de répondre à cette question après avoir vu tout le programme du festival. Est-ce que l’animation au féminin se démarque? Est-ce qu’elle se différencie de celle des hommes? Parfois oui, parfois non.
Catherine à l’ONF dit :
Tu y présentes ton très beau film d’animation La formation des nuages, sur le passage à l’âge adulte et la naissance du désir chez la femme. Pourquoi as-tu voulu aborder ces thèmes?
Marie-Hélène dit :
C’est un premier film, j’aborde un sujet qui ne m’est pas étranger, une expérience, la réminiscence d’un passage où l’on est plus tout à fait un enfant, où la conscience du corps et de l’autre, des autres, prend place dans la vie. Au départ, il y avait l’idée de traiter du non-dit à l’écran. Puis à travers cette idée générale, je me suis attardée au passage de la fin de l’enfance, de la perte de l’innocence, de la conscience du corps et de la naissance du désir. Le non-dit est en quelque sorte la scène noire de mon film, une expérience propre à chacun qui engendre des changements.
Le point de départ du film vient d’un dessin que j’ai fait et intitulé La formation... Il illustrait le cycle de la vie. Je ne l’ai pas utilisé pour aucune scène finalement, mais j’ai conservé son nom pour le titre du film.
Catherine à l’ONF dit :
Quelle technique d’animation as-tu utilisée pour ce premier film?
Marie-Hélène dit :
Le dessin à la ligne à l’encre noire sur papier transparent. J’ai utilisé la transparence du papier pour créer des jeux de transition entre les plans et pour isoler ou ponctuer des sections d’animation.
Catherine à l’ONF dit :
On voit très bien cet effet de transparence et de superposition lorsque les petites filles s’amusent au début.
Marie-Hélène dit :
La couleur joue aussi un rôle narratif dans le film. J’ai utilisé des couleurs primaires de tons pastels, appliquées aux crayons de bois, ainsi que de la mine pour les ombres.
La multiplication des couches de papier pour un même dessin m’a permis d’obtenir de la profondeur dans le dessin et des subtilités dans les teintes de couleurs.
Catherine à l’ONF dit :
Tu retourneras à Vienne en juillet prochain, puisque tu as aussi été invitée à participer à une résidence d’artistes. Peux-tu nous expliquer en quoi ça consiste?
Marie-Hélène dit :
Oui, tout juillet. Je vais d’ailleurs rencontrer Delia Hess au cours du festival, qui est actuellement en résidence. C’est le festival Tricky Women qui m’invite à cette résidence au Quartier 21.
Catherine à l’ONF dit :
Tu as la chance d’être à Vienne pour ce festival grâce à une subvention. Est-ce que tu peux nous dire comment tu t’y es pris?
Marie-Hélène dit :
J’ai d’abord présenté mon film La formation des nuages au Tricky Women à Vienne. J’ai ensuite rempli le formulaire spécifique aux bourses de déplacement du CALQ (Conseil des arts et des lettres du Québec) et fourni un dossier complet : la description du projet, le calendrier et l’itinéraire des déplacements, un budget détaillé du projet, des renseignements sur la structure d’accueil et l’historique du festival, une description du film présenté au festival, un dossier visuel et un DVD du film présenté au festival, un curriculum vitæ et, l’essentiel : une preuve d’invitation. Les informations du programme et le formulaire pour la bourse sont accessibles à cette adresse : http://www.calq.gouv.qc.ca/artistes/deplacement.htm
Catherine à l’ONF dit :
Merci. Je suis certaine que plusieurs cinéastes vont apprécier cette information! Quel est ton horaire pour les prochains jours?
Marie-Hélène dit :
Aujourd’hui, de 11 h à 17 h, j’ai assisté au Forum international. Le tout se déroulait au Film Museum. Esther Leslie, professeure de l’Université de Londres, Annegret Richter, directrice de la programmation du festival DOK Leipzig, et Brigitta Hosea, directrice d’un programme d’animation au Saint Martins College of Art and Design, ont présenté leur vision de l’animation, la réalité de la pratique de leur pays respectif et les programmes d’études offerts en animation. Ensuite, la délégation chinoise nous a présenté le développement fulgurant de l’animation en Chine. Les chiffres sont éloquents : en 1999, il y avait une seule école d’animation en Chine, tandis qu’en 2009, il y en avait 447. J’en ai conclu que nous, les réalisateurs de film d’animation d’auteur du Québec, sommes des privilégiés dans le monde de l’animation. Notre travail est soutenu par nos institutions (ONF, SODEC) et nos conseils des arts. La crise économique a touché plusieurs programmes de financement dans le milieu des arts dans le monde et les réalisateurs peinent à trouver du financement pour faire leur film.
Samedi et dimanche seront des journées bien remplies pour moi et passées dans l’obscurité d’une salle de cinéma. En gros, j’irai voir les 5 programmes de la compétition, Je présente 2 fois La formation des nuages vendredi et samedi (Compétition 2) et les programmes spéciaux. Ce soir, je suis invitée à l’ambassade du Canada avec Caroline Leaf, qui présentait un atelier de maître au Tricky Women hier. Dimanche matin, il y a une table ronde avec les réalisatrices et nous sommes invitées à un dîner par le festival. On va manger des spécialités viennoises, ça promet. En soirée, c’est la remise des prix. Lundi, je vais visiter la structure d’accueil de ma résidence en juillet et visiter la ville. Le festival est très bien organisé. Comme tu peux le constater, nos journées et nos soirées sont bien remplies, et les nuits sont courtes!
Catherine à l’ONF dit :
Quel(s) film(s) iras-tu voir ce week-end?
Marie-Hélène dit :
Quelques films du programme ont retenu mon attention. Entre autres :
The Tongueling, Elli Vuorinen
The Counterpane, Katharina Zimmerhackl
Who Dares, Sanni Lahtinen
My Mothers Coat, Marie-Margaux
Thoughts Are Free, Urte Zintler
Les projections débutent ce soir.
Catherine à l’ONF dit :
Merci beaucoup Marie-Hélène d’avoir pris le temps de discuter avec moi. Bon festival et amuse-toi bien!
Marie-Hélène dit :
Merci! Bon week-end.
La formation des nuages de Marie-Hélène Turcotte sera présenté au festival Tricky Women ce vendredi soir, le 11 mars, à 20 h, et samedi le 12 mars, à 19 h, dans le cadre du programme Compétition 2.
La cinéaste retournera à Vienne pour participer à une résidence d’artiste au Quartier 21 au mois de juillet 2011.
