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Enseignement supérieur | L’Ordre secret

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L’Ordre de Jacques Cartier : d’un secret familial à l’histoire d’une organisation clandestine en Acadie

Le documentaire L’Ordre secret, du cinéaste acadien Phil Comeau, nous plonge dans un récit où s’entrelacent des souvenirs de famille et une tranche méconnue de l’histoire acadienne. Dès les premières minutes, nous sommes interpellés par le désir de vérité, éminemment personnel, qui motive le cinéaste dans sa quête. C’est sur son lit de mort que le père du réalisateur lui fait un aveu : il a été membre d’une société secrète.

L’ordre secret, Phil Comeau, offert par l’Office national du film du Canada

Un ordre secret ?

La curiosité du fils à l’endroit de cette facette cachée de la vie de son père sert de fil conducteur au film. Phil Comeau nous invite à l’accompagner alors qu’il explore l’univers de l’Ordre de Jacques-Cartier, cette société secrète catholique de langue française communément appelée « la Patente ». Adoptant le style du documentaire de réflexion ou du documentaire participatif, le film expose la démarche du cinéaste — visites aux archives, entretiens avec d’anciens membres — sans perdre de vue la relation, somme toute subjective, qu’il entretient avec son sujet. Si L’Ordre secret intègre habilement des renseignements plus généraux, nous permettant de nous familiariser avec l’histoire de l’Ordre, il importe de souligner que le documentaire s’interroge surtout sur son rôle en Acadie, notamment en raison de l’intérêt du cinéaste pour la trajectoire de son père, membre d’une cellule de la région de la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

L’intrigue et l’enquête

L’harmonie entre intrigue et enquête permet à L’Ordre secret de capter son auditoire tout en mettant en valeur les sources qui, à mon sens, font la richesse du documentaire. Aux entretiens avec les anciens membres s’ajoutent des scènes filmées lors des visites du cinéaste au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF) de l’Université d’Ottawa et au Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson de l’Université de Moncton, notamment. On retrouve aussi un agencement percutant de documents d’archives : extraits de documentaires, documents textuels, enregistrements audiovisuels tirés des archives familiales. Des reconstitutions historiques nous permettent en outre d’explorer certaines expériences vécues par les membres de « la Patente ».

Réunion des commandeurs de l’Ordre de Jacques-Cartier. (reconstitution) Image tirée du film – Avec la permission de l’Office national du film du Canada, 2022.

Parmi les nombreux tours de force cinématographiques du documentaire, il faut souligner la reconstitution du rituel d’initiation de l’Ordre de Jacques-Cartier. D’un point de vue pédagogique, il s’agit d’un élément central du film avec lequel ne peut rivaliser aucun texte explicatif. Ces scènes minutieusement conçues sont réparties sur l’ensemble du documentaire. Alliant le jeu des comédiens à l’animation, elles donnent vie aux expériences vécues, de même qu’aux descriptions très imagées qui nourrissent le rituel. Qui plus est, certains détails du rituel trouvent écho dans les propos de certains intervenants. Comme historienne et professeure, je trouve l’usage de reconstitutions historiques pertinent. Bien qu’il importe d’aborder le tout avec un regard critique, les reconstitutions s’appuient sur une recherche détaillée et représentent un élément important du documentaire historique.

Réflexions pédagogiques  

Le visionnage de L’Ordre secret peut facilement s’inscrire dans de nombreux cours universitaires, notamment des cours d’histoire de l’Acadie ou des cours portant sur la francophonie canadienne. La richesse du documentaire est largement attribuable à la rigueur de la recherche, de même qu’aux choix artistiques du cinéaste, notamment les reconstitutions historiques. De plus, puisque nous accompagnons Phil Comeau lors de ses visites dans des musées et des centres d’archives, le film peut servir d’exemple concret de ce à quoi peut ressembler la recherche en histoire, que ce soit par l’entremise de documents ou la méthode de l’enquête orale. L’Ordre secret aborde aussi de nombreux sujets, dont le rôle de la religion catholique dans les communautés acadiennes et canadiennes-françaises, les mœurs de l’époque en ce qui a trait à la place des femmes, ou encore les relations entre la population de langue française et celle de langue anglaise. Le documentaire met également en lumière la contribution à l’Ordre de certains Acadiens, notamment au moment de sa fondation, de même que l’importance de cette société dans la trajectoire de vie de certaines personnalités acadiennes de renom, comme le politicien Louis Robichaud.

Phil Comeau et Gérald Carroll. Image tirée du film – Avec la permission de l’Office national du film du Canada, 2022.

Si le documentaire suit la quête personnelle du cinéaste, qui souhaite comprendre un aspect particulier de la vie de son père, la démarche de Phil Comeau sert aussi de porte d’entrée sur un monde complexe qu’on nous invite à découvrir. Bien que le propos soit engagé, voire militant, la présentation des actions de l’Ordre se veut nuancée. On aborde la situation des femmes, généralement écartées par l’Ordre, de même que certaines facettes plus sombres de la société secrète, notamment par l’entremise d’entretiens avec des individus s’y étant opposés dans les années 1960. Le cinéaste expose aussi les contrastes entre, d’une part, les revendications et les actions plutôt discrètes de l’Ordre et de ses membres et, d’autre part, le militantisme public de la population acadienne du Nouveau-Brunswick dans les années 1970.

L’Ordre secret est un film captivant pouvant s’adresser à un vaste public et dont le contenu est propice à l’échange et au dialogue. Le documentaire présente habilement l’Ordre de Jacques Cartier, son histoire et ses objectifs dans l’ensemble de la francophonie canadienne, et en particulier en Acadie.

Pour en savoir plus : Marc-André Gagnon, « Ordre de Jacques-Cartier », Encyclopédie canadienne, Historica Canada, 2016. www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ordre-de-jacques-cartier.

Stéphanie St-Pierre est professeure adjointe à l’Université Sainte-Anne, dans la région acadienne de la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse. Titulaire d’un doctorat en histoire de l’Université de Montréal, elle axe principalement ses recherches sur la francophonie canadienne, l’histoire intellectuelle et la production historique en milieu francophone minoritaire.

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