Le Canada de 1966 dans toute sa splendeur | Perspective du conservateur
Il y a quelques années, en naviguant sur le site de Netflix, une journaliste du Globe and Mail a par hasard découvert le film de l’ONF Hélicoptère Canada. Intriguée, elle l’a visionné, puis nous a contactés afin d’obtenir des renseignements sur ce documentaire singulier, mis en nomination aux Oscars, dans le but d’écrire un article sur ce dernier. Je n’ai disposé que de deux heures avant notre rencontre pour rassembler toute l’information sur le film. L’entrevue s’est bien déroulée et, depuis, je me promets de faire une recherche plus approfondie afin d’écrire, à mon tour, quelque chose sur cette production.
Alors que nous nous apprêtons à célébrer la fête nationale, je me décide enfin à rédiger un billet à propos d’Hélicoptère Canada. Si vous ne l’avez jamais vu, voilà une belle occasion de découvrir ce documentaire réalisé pour notre centenaire.
Avant tout chose, il faut dire que le film a été entièrement tourné depuis un hélicoptère (un Alouette II de Sud-Aviation, pour être précis) et qu’il donne à voir des panoramas du Canada, d’un océan à l’autre. Réalisé par l’ONF en collaboration avec la Commission du centenaire, il avait pour objectif de capturer la splendeur du pays et d’encourager la venue de visiteurs étrangers à l’occasion de son centenaire.
L’hélicoptère est arrivé de France en pièces détachées et a été assemblé au Canada. Il a fallu plusieurs mois à l’ONF pour concevoir un harnais de caméra qui permettrait de filmer depuis un aéronef. Il revint à l’un de nos caméramans chevronnés, Eugene Boyko, de faire ces prises de vue aériennes, mais également de réaliser le documentaire. Boyko, un membre de la Société canadienne des cinéastes, a signé plus de 100 films en carrière pour l’ONF, dont Champ d’honneur et Norman Jewison, Filmaker.
Équipé d’une caméra Panavision de 35 mm, Boyko est parti filmer le Canada à bord d’un hélicoptère piloté par Claude Forcade. Ensemble, ils ont voyagé dix-huit mois, filmant chaque recoin du pays et parcourant 24 000 kilomètres de territoire. Pour réaliser ce film, ils ont passé 540 heures dans les airs et failli s’écraser au sol à deux reprises. La première fois, à la poursuite d’un aigle, au-dessus des Rocheuses : le pilote, momentanément désorienté, a évité de justesse une collision avec une montagne. La seconde s’est produite au-dessus du cap Diamant, à Québec. Par chance, la catastrophe a été évitée. La porte de l’hélicoptère avait été retirée pour faire de la place à la caméra et à son harnais ; filmer ainsi à certains endroits par -35 degrés constituait un défi de taille.
De retour à Montréal, Boyko avait à sa disposition plus de 40 500 mètres de pellicule 35 mm, ce qui équivaut à 24 h de film en continu. C’est au monteur Rex Tasker qu’est revenue la tâche herculéenne de réduire cette matière première à un documentaire de 50 minutes. Donald Brittain et Derek May se sont chargés d’en écrire le commentaire, et Stanley Jackson, un autre collaborateur de longue date de l’ONF, a assuré la narration. Comme les prises de vue étaient silencieuses, il a également fallu enregistrer des voix et des effets sonores.
Columbia Pictures a accepté de distribuer le film au Canada. Présenté en première le 23 décembre 1966 dans plusieurs villes canadiennes, dont Toronto, Hamilton et Winnipeg, le documentaire a reçu des commentaires dithyrambiques. « Ce film fera sûrement la fierté et le bonheur des Canadiens de tous les âges », a écrit le Toronto Telegram. « Un journal de voyage délicieusement désopilant », a commenté le Time Magazine. Durant les mois qui ont suivi sa sortie, le documentaire a été présenté dans tout le pays, et une version française a également été créée.
Peu à peu, le film a pris l’affiche à l’extérieur du Canada, et ce sont 12 versions en langues étrangères qui ont finalement été présentées. Une version plus courte de 20 minutes intitulée Take It From the Top et ayant connu un égal succès a été achetée par Sovexport Film pour diffusion dans les cinémas de l’Union soviétique. Finalement, la version originale a été mise en nomination aux Oscars, dans la catégorie du meilleur documentaire, et a remporté deux Canadian Film Awards, entre autres honneurs.
Hélicoptère Canada offre ce à quoi on peut s’attendre d’un documentaire filmé des airs : de multiples vues panoramiques des merveilles naturelles canadiennes, de la baie de Fundy aux Rocheuses, avec de nombreuses escales entre les deux. Le film s’intéresse plus particulièrement aux industries du pays, des mines de charbon à l’hydroélectricité, en passant par les fermes céréalières.
Son ton est humoristique. Un de mes moments préférés est celui durant lequel le narrateur, Stanley Jackson, évoque un fort construit pour protéger le Canada d’une invasion américaine. Elle ne s’est jamais produite, mais les soldats qui y sont en poste s’y entraînent encore assidûment, et les Américains paient pour voir ça. D’autres temps forts comprennent la découverte d’une île grecque… en Colombie-Britannique, l’apparition de la goélette Bluenose II et celle, éclair, de quatre garçons dans le vent originaires de Liverpool.
Hélicoptère Canada, Eugene Boyko, offert par l’Office national du film du Canada
Hélicoptère Canada se regarde avec le même bonheur aujourd’hui. De toute évidence, le Canada a bien changé au cours des 54 dernières années, mais le film brosse le formidable tableau d’un pays à l’aube de ses cent ans.
Joyeuse fête du Canada, et bon film !