Fridolinons, un film pionnier sur le théâtre québécois | Perspective du conservateur
Fridolin, vous connaissez? Tout droit sorti de l’imagination de l’homme de théâtre Gratien Gélinas, ce personnage de gamin malicieux, à l’allure délurée, issu d’un quartier populaire de Montréal, apparaît dans le paysage culturel québécois à la radio en 1937.
Interprétés par Gélinas lui-même, les monologues de Fridolin connaissent un succès immédiat.
Dès l’année suivante, l’auteur et comédien décide d’incarner son célèbre personnage sur une scène de théâtre. La première représentation, qui a lieu au Monument-National à Montréal, prend la forme d’une revue annuelle. C’est le début d’une série de spectacles intitulée Fridolinons, qui se poursuivra jusqu’en 1946. Au début des années 1980, les textes de ces spectacles seront publiés sous le titre de Fridolinades.
De la radio à la scène
Tout comme à la radio, Fridolin, par l’entremise de la plume de Gélinas, pose un regard critique et comique sur l’actualité. Mais cette fois, il est entouré de plusieurs autres personnages incarnés, entre autres, par Olivette Thibault, Juliette Huot, Albert Cloutier et Fred Barry. Ces revues annuelles, qui se déploient sous la forme de saynètes réalistes ou de parodies de la vie sociale, sont toujours accompagnées de musique, de danse et de chansons. Elles sont à la fois légères et engagées.
Gélinas n’hésite pas à aborder les thèmes difficiles de la guerre et de la misère économique qui accable les Canadiens français de l’époque. Encore une fois, le succès est fulgurant! De 1938 à 1946, la troupe présentera neuf spectacles qui tiendront l’affiche pendant plusieurs semaines à Montréal et à Québec.
Deux pionniers
Gratien Gélinas est né à Saint-Tite au Québec en 1909 et décédé le 16 mars 1999. Acteur, metteur en scène, producteur, dramaturge et cinéaste, il a écrit notamment les pièces de théâtre Tit-Coq (1948) et Bousille et les justes (1959). Il est sans contredit un pionnier de notre dramaturgie, l’auteur qui a jeté les bases du théâtre québécois contemporain.
En 1945, un autre pionnier, de notre cinéma cette fois, Roger Blais, immortalise avec une équipe de l’ONF la revue annuelle de cette année-là.
D’une trentaine de minutes, le film Fridolinons, qui se présente comme un résumé cinématographique du spectacle de 1945, est un moment important pour le cinéma francophone à l’ONF.
Fridolinons , Roger Blais, offert par l’Office national du film du Canada
En effet, il s’agit d’un des tout premiers films réalisés par un cinéaste francophone et destinés à un public francophone. Seul La cité de Notre-Dame (1942) de Vincent Paquette le précède.
Il est vrai que l’équipe française de l’époque, qui est composée d’une quinzaine de réalisateurs, produira, entre 1941 et 1945, une centaine d’épisodes de la série Les reportages, mais il s’agit de courts films d’actualité, qui font tout au plus une douzaine de minutes.
Les films de Paquette et de Blais vont paver la voie à une véritable production française, qui prendra son envol dans les années 1950 et connaîtra sa consécration dans des œuvres documentaires et de fiction durant la décennie suivante.
Je vous propose donc ce court métrage sur un pionnier du théâtre québécois réalisé par un pionnier du cinéma francophone, pour ceux et celles qui auraient manqué les représentations des Fridolinades à Montréal et à Québec entre 1938 et 1946!