Découvrez Erik Goulet, concepteur d’armatures pour LA GIROUETTE
Voici une entrevue avec Érik Goulet, directeur du Festival Stop Motion Montréal, qui a conçu les armatures des marionnettes du film La girouette de Jean-François Lévesque. Pour en connaître davantage sur son art, nous l’avons rencontré.
Le parcours
Diane Ayotte – Érik, parle-nous de ton parcours… sur quels projets as-tu travaillé avant de collaborer au film La girouette de Jean-François Lévesque?
Erik Goulet – Mon parcours est bien atypique, j’ai gradué de l’université Concordia en Cinéma d’animation et j’ai travaillé pour différentes compagnies dans le domaine du cinéma. Mais c’est en 2008 que tout a basculé avec un retour à mon premier amour, la technique de Stop Motion. Un de mes premiers contrats a été de fabriquer des armatures pour le film de Patrick Péris : La famille Sac-à-Papier. À partir de cette production, j’ai fait des contacts avec des gens de l’animation et grâce à Dale Hayward (animateur de Stop Motion à l’ONF), il m’a référé pour le long métrage Le Petit Prince de Mark Osborne, une production cinématographique d’envergure entièrement réalisée à Montréal.
Jean-Francois Lévesque m’a par la suite approché pour concevoir le personnage de Barnabé dans son film. Il m’a ensuite proposé la fabrication de trois autres armatures illustrant des stages de la transformation du personnage principal.
La technique
DA – Tu fabriques des armatures pour les films en Stop Motion. En quoi consiste la base de ton travail exactement?
EG – Bien que j’aie étudié l’animation à Concordia, il faut dire que le travail de fabrication d’armatures est similaire au travail d’un machiniste ou même d’un bijoutier, car nous travaillons avec le miniature. On coupe, on perce, on fait des filets, on soude. L’armature est le squelette sous le personnage permettant à l’animateur de le déplacer, mais elle doit avoir assez de tension pour garder sa position, peu importe les mouvements. Bien que l’on puisse acheter des armatures préfabriquées, il faut mentionner que les productions cinématographiques exigent des designs de personnages bien spécifiques, ce qu’une armature générique ne peut satisfaire. Mon travail consiste à fabriquer le squelette selon les plans initiaux du réalisateur.
Les défis
DA – Quelles pièces as-tu précisément fabriquées pour le film La girouette et quelle est la composition des armatures?
EG – Pour La girouette, j’ai travaillé avec un précieux collaborateur, Hamish Lambert, un collègue de la production du film Le Petit Prince. Nous avons fabriqué les deux armatures du corps de Barnabé ainsi que les trois stages de transformation du personnage principal. Nous avons eu plusieurs contraintes à respecter, car nous devions toujours trouver une solution mécanique selon les requêtes du réalisateur… Une de celle-ci a été de fabriquer un cou extensible pour l’armature du coq. Un défi que nous avons su relever et qui a suscité des éloges de la part de Jean-Francois Lévesque.
DA – Combien de temps estimes-tu avoir consacré pour la réalisation de ces armatures?
EG – Chacune des pièces des armatures a été machinées, c’est-à-dire les plaques de métal, les billes d’acier, les tiges, tout cela devaient être coupé, percé, soudé, selon ce qui était requis. Chaque armature a nécessité environ 100 heures de travail, un long processus, mais le résultat justifie toujours l’investissement de temps.
DA – Jean-François m’a révélé qu’il recherchait quelqu’un qui pouvait créer un personnage avec des petits pieds, pour les coqs. Est-ce que ce mécanisme a été plus compliqué à fabriquer?
EG – Les pieds sont les parties les plus complexes de la marionnette, car ils doivent pouvoir soutenir le personnage et ce, même dans une position de déséquilibre comme pour un cycle de marche. Durant la production du long métrage Le Petit Prince, nous avions un animateur de renom, Anthony Scott, qui avait travaillé sur L’étrange Noël de M. Jack. Nous étions en constante communication avec lui pour fabriquer les meilleurs petits pieds possibles. Le test d’Anthony consistait à attacher le bout du pied au sol, puis de pencher la marionnette à un angle de 45 degrés… Nous avons donc appliqué cette expertise pour les marionnettes du film de Jean-Francois.
DA – Quel a été ton plus grand défi dans ce projet? Et que retiens-tu de ta collaboration pour ce film?
EG – Le défi semble être mécanique au premier abord, mais en réalité, notre travail est de faciliter la vie des animateurs, grâce à une armature qui bouge bien et qui survit à une longue période de production, sans problème. En bout de ligne, cette collaboration fut l’une des plus importantes de ma vie et je dois remercier Jean-Francois Lévesque, car grâce à lui, l’ONF sait que nous avons l’expertise pour la fabrication des armatures ici même à Montréal. J’ai par ailleurs fabriqué par la suite quelques autres spécimens pour le projet Nadine de Patrick Péris et plus récemment pour Alexandra Lemay pour son film intitulé The Supper.
Jim Randall, collaborateur au projet LA GIROUETTE
DA – Un autre important créateur d’armatures – Jim Randall – a travaillé au mécanisme à l’intérieur de la tête d’un personnage du film. En quoi son travail pouvait être différent du tien?
EG – Je connais Jim depuis plusieurs années déjà, il est un créateur extraordinaire d’animatronique. Depuis quelques années, il souhaitait fabriquer des têtes miniatures de marionnettes, un peu comme dans le film Corpse Bride de Tim Burton. Ces marionnettes possèdent de très petits mécanismes et sont minutieusement fabriquées à la main, tout comme pour un horloger. La tête possède des trous d’insertion pour tourner des micro-manivelles afin de contrôler la bouche et les expression faciales. C’est très intéressant et surtout très impressionnant. Pendant qu’Hamish et moi nous étions concentrés sur les corps des personnages, Jim fabriquait les têtes. J’aimerais bien en fabriquer un jour, mais cela exige du temps, beaucoup de temps.
Stop Motion – plus populaire que jamais
DA – Erik, pour terminer, au Studio d’animation nous sommes bien conscients que la technique en Stop Motion a en quelque sorte « explosé » à Montréal depuis quelques temps. Comment ressens-tu ce phénomène?
EG – Oui, c’est le plus beau moment pour être dans le domaine de l’animation surtout avec cette technique. J’enseigne un cours de Stop Motion à l’Université Concordia et j’avais l’intuition, dès 2009, que cette vague se préparait, c’est pourquoi j’ai lancé le Festival Stop Motion de Montréal. C’est le premier Festival au monde à mettre de l’avant cette technique. Le temps d’un week-end, on y présente 70 court-métrages en compétition officielle, en plus d’avoir des invités de renom qui donnent des classes de maître.
Je me considère extrêmement chanceux et je suis très reconnaissant, car j’enseigne le Stop Motion à Concordia, dans les écoles primaires et secondaires, mais j’ai aussi la chance de participer à des productions inspirantes et de transmettre mes connaissances à mes élèves. La roue tourne ainsi et je pressens que Montréal deviendra bientôt une plaque tournante pour cette merveilleuse technique.