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Forces tranquilles | Le journal de bord de Sophie Dupuis

Forces tranquilles | Le journal de bord de Sophie Dupuis

Forces tranquilles | Le journal de bord de Sophie Dupuis

À l’occasion de la première mondiale du film Forces tranquilles aux Rendez-vous du cinéma québécois, nous avons demandé à la réalisatrice Sophie Dupuis de nous raconter son expérience de tournage, une aventure qui s’est avérée hors de l’ordinaire. Voici son journal de bord.

Tout a commencé avec une résidence artistique des Forces armées canadiennes… Oui, oui! Vous avez bien lu. Et j’étais aussi surprise que vous de savoir que ça existe! Une vraie de vraie résidence, avec carte blanche et tout. J’ai à peine eu le temps de me préparer qu’Alexandre Lampron (le directeur photo) et moi sommes partis vers Esquimalt, B.C., en juin 2013, pour monter à bord du HMCS Ottawa avec l’intention de faire un court documentaire contemplatif sur le quotidien des soldats à bord d’une frégate. On n’avait jamais mis le pied sur un navire et je ne connaissais pas du tout mon sujet. J’allais avoir seulement 10 jours en mer pour le découvrir et le filmer.

Tout était nouveau pour moi. L’ambiance, le sentiment d’enfermement, le labyrinthe dans l’antre du bateau. Puis le mal de mer… Ha! Le mal de mer.

Ce fut la pire sensation que je n’ai jamais vécue de toute ma vie. On venait de quitter le port et on me ramassait déjà dans les toilettes pour m’apporter à l’infirmerie, où j’ai reçu une injection de Gravol ultra-puissante. Couchée dans mon minuscule bunk-bed juste assez gros pour qu’une seule personne puisse s’y glisser, secouée par les vagues et agrippée à mon sac de plastique, je me suis sérieusement demandée dans quoi je m’étais embarquée.

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La mer vue du pont du navire HMCS Ottawa

Une fois cette horreur surmontée, Alex et moi avons commencé notre découverte du bateau et de son équipage. D’abord, comment expliquer la sensation que j’ai ressentie en sortant enfin du ventre du vaisseau? Le vide complet autour de moi. L’eau à perte de vue. Aucune montagne, aucune verdure, rien sur quoi accrocher mon regard, comme dans le premier plan de mon film ou l’image de l’affiche. Pour certains, cela peut sembler paniquant, mais ce que j’ai ressenti, c’est plutôt la grandeur de tous les possibles. Je me suis sentie libre, alors que j’étais pourtant clairement prisonnière du même bateau que 250 soldats. D’ailleurs, je me suis bizarrement sentie près d’eux. Intime, déjà, puisque nous partagions cette même expérience.

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L’équipage se prépare à un exercice sur le navire.

Bon, je me suis vite rendue compte que mon intention de filmer le quotidien des soldats sur un bateau était mise à l’épreuve par le contexte particulier dans lequel on se trouvait. Nous étions en pleine période de formation pour l’équipage! Tous les jours, toutes les nuits, des alarmes retentissaient sans cesse. Des pratiques de feu, des mannequins jetés à la mer, des simulations de déversement de produits chimiques, des imitations d’attaques armées.

On se faisait réveiller en pleine nuit pour un recensement, auquel nous devions participer comme tout le monde, parce qu’un exercice d’homme à la mer avait lieu.

Mon réveille-matin était remplacé par des coups de canon, qui se trouvait juste au-dessus de mon dortoir. Lorsque nous voyions tomber les objets des tables et que nous devions nous tenir sur les murs pour ne pas tomber, nous savions que nous avions à faire au plus divertissant des exercices : la valse de la frégate afin d’éviter une torpille virtuelle. Nous espérions alors que les soldats au repos aient attaché leur ceinture dans leur bunk-bed, parce que tomber du quatrième lit, c’est très haut. Nous avons tenté tant bien que mal de filmer ce rare exercice, mais le bateau tanguait tellement que nous avions de la difficulté à retenir le trépied qui glissait constamment.

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Un soldat se déplace à l’intérieur du navire incliné par les vagues.

Habituellement, sur une frégate, le temps est long. Il n’y a pas autant d’action. Quand nous expliquions aux soldats quel était le but de notre film, ils riaient et nous confirmaient que nous n’étions pas là au bon moment. Mais je me disais bien qu’en dix jours, j’allais réussir à attraper des petits moments paisibles et même un peu d’ennuis.

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Un des rares moments de repos de l’équipage.

Le moment le plus difficile de l’aventure fut le montage. Habituée de faire de la fiction, Forces tranquilles est mon premier documentaire. Mais une chose m’a paru évidente, monter du documentaire, c’est éprouvant. Beaucoup plus que de la fiction. J’avais une centaine d’heures de matériel et je devais faire un film de quinze minutes. J’avais des entrevues très intéressantes, des images impressionnantes et des moments inusités, qui mettaient en scène toutes leurs formations. Faire le ménage là-dedans fût crève-cœur. Accepter qu’une image d’exception ne serve pas le propos du film. Aoutche! Accepter de ne pas centrer le film sur des gens hors du commun parce que je voulais faire un film où le personnage principal serait l’équipage en soi. Aoutche! Le montage d’un documentaire, c’est se faire violence. Encore aujourd’hui, plusieurs images me hantent. J’aurais tant voulu toutes vous les partager…

Je suis tout de même très contente de vous présenter ce que j’ai choisi de mes dix jours en mer. Les soldats de la frégate HMCS Ottawa sont des gens bien, accueillants et fascinants. Chacun a son histoire, mais quand on est dans l’armée, on est comme anonyme. Voici donc la réalité d’une vie à bord d’un navire des forces armées.

Merci à eux d’avoir partagé leur intimité avec nous.
Merci à vous.

Sophie Dupuis

Forces tranquilles, Sophie Dupuis, offert par l'Office national du film du Canada

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