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Documentaire et jeu vidéo, un mélange incongru?

Documentaire et jeu vidéo, un mélange incongru?

Documentaire et jeu vidéo, un mélange incongru?

Le studio des productions interactives de l’ONF ouvre sa boîte crânienne pour vous dévoiler ce qui se passe à l’intérieur. À quoi pensons-nous? De quoi parlons-nous? Qu’est-ce que nous aimons? Qu’est-ce qui nous donne du fil à retordre? À travers la plume de Valérie Darveau, chargée d’édition du studio, nous publierons chaque mois un billet sur un sujet auquel nous réfléchissons, et surtout, sur lequel nous voulons échanger avec vous.

Prenez cinq ingrédients qui a priori ne vont pas ensemble : une réalisatrice documentaire, l’innovation sociale, le jeu vidéo, l’ONF et un public cible de 9 à 12 ans. Mélangez le tout avec une boîte de jeu indépendante. Mettez au four à high et surtout, surtout, prenez bien soin de le retourner plusieurs fois pendant la cuisson. Avec des ingrédients de qualité, et une bonne chimie, vous obtiendrez J’aime les patates.

L’ONF et le jeu vidéo, une rencontre incongrue?

Lorsque Vali Fugulin présente son projet à des collègues ou devant la presse, rare sont les fois où elle n’a pas un petit gloussement dans la voix. Ce n’est pas sérieux, une documentariste qui réalise un jeu vidéo? Et avec des patates?

Pas si vite. The Guardian écrivait récemment : « Les jeux vidéos pourraient être le plus grand média de mise en récit de notre époque – si seulement les mondes de l’art et de la technologie pouvaient arrêter de s’obstiner et prêter attention. »

Pour le studio des productions interactives, le jeu vidéo, bien qu’il soit une chasse gardée, est un moyen pour mieux raconter des histoires. Pour le designer de jeu et cocréateur de J’aime les patates Ruben Farrus, les patates sont un moyen de parler d’un sujet plus sérieux, celui du parcours typique d’un innovateur social.

Très tôt dans la collaboration entre Vali et Ruben, la métaphore s’est imposée pour parler du sujet. Leur objectif était de trouver un enrobage sucré qui rendrait le sujet attirant. Il fallait aussi rejoindre les 9 à 12 ans, un public plutôt inhabituel pour l’ONF.

« Avec des patates, c’est certain que tu prends un grand détour pour parler du sujet, mais c’est intrigant et ça touche les gens », explique Ruben.

J’aime les patates, c’est deux univers qui se rencontrent. Pour Vali comme pour Ruben, ça veut dire s’adapter au langage de l’un et de l’autre pour arriver à travailler ensemble.

lexique
Afin de bien se comprendre, Vali et Ruben ont dû se créer un lexique pour définir certains mots utilisés dans leur univers respectif.

Comment créer une bonne histoire en jeu?

Le jeu vidéo emprunte plusieurs codes à la structure traditionnelle d’un film, soit une histoire en trois actes : événement déclencheur, première tentative de solution et premier échec, puis découverte de la solution finale. C’est de cette façon qu’est construit J’aime les patates.

« Le piège est d’écrire une histoire, mais de ne pas avoir de gameplay qui te la fait ressentir », dit Ruben.

Selon lui, ce qui arrive souvent dans les jeux est que l’auteur écrive des scènes qui deviennent comme des petits films, qu’on place ensuite entre les moments de gameplay.

Dans un jeu de guerre de type first-person shooter, par exemple, l’histoire est racontée dans ce qu’on appelle des cut-scenes, soit des séquences cinématographiques qui ponctuent le scénario à des moments clés. Dans le gameplay en tant que tel, soit le moment où le joueur fait des actions, se promener et tirer sont les seules mécaniques qu’il peut expérimenter.

Ruben poursuit : « Dans ce type de jeu, les émotions sont dans les cut-scenes, pas dans le gameplay. Les deux sont déconnectés, et les apprentissages sont vécus par le personnage dans ces petits films, et non par le joueur. »

Ruben et Vali, les cocréateurs de J'aime les patates.
Ruben et Vali, les cocréateurs de J’aime les patates.

Quand l’histoire et le gameplay ne font plus qu’un

Dans l’histoire du jeu vidéo, à mesure que la technologie avançait, les graphiques devenaient toujours plus léchés, plus cinématographiques.

« L’ambition était de faire des jeux qui ressemblent à des films pour faire de meilleures histoires, mais on n’y est jamais arrivé. L’expérience émotionnelle du joueur restait égale, même si les graphiques étaient plus beaux », explique Ruben.

Depuis 2008-2009, avec la possibilité de télécharger des jeux en ligne vint aussi une vague d’indépendants qui se sont permis de prendre des risques. Ils ont voulu revenir à la base pour créer une expérience émotionnelle avec les outils du jeu vidéo, pas ceux du film. Ruben est de cette école. C’est donc devenu une quête centrale dans le processus de production de J’aime les patates.

Le joueur comprend, apprend et ressent des émotions en faisant les choses, en expérimentant. Quand le gameplay est raccord avec le sujet, la forme et le contenu s’unissent et renforcent le propos. C’est aussi l’ambition du documentaire interactif.

Louis-Martin Guay, professeur en jeu à l’Université de Montréal, renchérit : « Dans ce courant de jeu, l’accent est mis sur le récit du joueur. Celui-ci ne subit plus la narration, il coécrit en quelque sorte son parcours. »

Esquisse du village de Patateland tel qu'imaginé par Patrick Doyon, l'illustrateur du jeu.
Esquisse du village de Patateland tel qu’imaginé par Patrick Doyon, l’illustrateur du jeu.

Le jeu à portée social

J’aime les patates, comme Papo y Yo et Papers Please avant lui, est un jeu qui porte un message social. Les trois abordent des sujets sérieux (l’innovation sociale, la violence liée à l’alcoolisme, et les défis de l’immigration) à travers des métaphores qui sont révélées à la fin du récit.

Mais pourquoi le jeu vidéo s’intéresse-t-il à ce type de sujet? N’est-il pas traditionnellement un outil de pur divertissement?

Selon Louis-Martin Guay, le ludique, et donc le jeu vidéo, est une forme de communication de plus en plus élaborée. « Dans le processus d’émancipation d’une nouvelle forme d’art ou de communication, il est normal de passer par une étape qui donne l’impression de légitimer le domaine », explique-t-il.

Le jeu vidéo passerait par le même chemin que d’autres formes d’art avant lui, à leur 40e anniversaire. Qu’il veuille avoir un impact social et qu’il se sente concerné par la société serait donc naturel, selon Louis-Martin Guay.

« Le jeu vidéo commence à prendre son essor, comme le cinéma l’a fait après la guerre. On apprend à jouer avec les technologies, avec le style et les outils, puis on les utilise pour proposer de nouvelles visions du monde », conclut-il.

Proposer de nouvelles visions du monde.

C’est le pourquoi de toute forme d’art, de la peinture au cinéma, à l’animation, à la photographie, à la musique, à la danse, au numérique. C’est l’intention première du documentaire.

La rencontre entre le documentaire et le jeu vidéo n’est peut-être pas si incongrue après tout.

Dans le contexte des productions interactives de l’ONF, c’est une nouvelle forme narrative à explorer dans notre quête pour trouver la meilleure façon de raconter une histoire… et ainsi proposer une nouvelle vision du monde.

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