Regina Pessoa, de passage à Montréal
Elle parle un français impeccable avec un charmant accent portugais. La réalisatrice d’Histoire tragique avec fin heureuse, Regina Pessoa, est de retour à Montréal pour terminer son dernier film : Kali le petit vampire.
J’ai eu la chance de m’entretenir avec la cinéaste portugaise la semaine dernière. Elle m’a raconté sa démarche et expliqué sa technique d’animation de gravure sur tablette numérique. Entrevue avec une cinéaste qui a appris à apprivoiser les ordinateurs.
Catherine Perreault : Que raconte votre prochain film ?
Regina Pessoa : Kali le petit vampire est le troisième court métrage d’animation d’une trilogie sur l’enfance et l’acception de la différence.
Dans La nuit, le premier film de cette série, je raconte l’histoire d’une petite fille qui a peur du noir. C’est un film sur la peur, mais aussi sur la confiance en soi et en notre environnement.
Dans le second film, Histoire tragique avec fin heureuse, je raconte l’histoire d’une jeune fille dont le cœur bat plus vite et plus fort que celui des autres, ce qui dérange son voisinage. À sa défense, elle leur dira qu’elle habite un corps qui n’est pas le sien, mais celui d’un oiseau. J’y aborde les thèmes de la différence et de l’intolérance. Encore une fois, c’est un conte sur le manque de confiance en soi et le fait de ne pas être bien dans son corps, ni dans son environnement.
Enfin, Kali, le petit vampire vient boucler cette trilogie sur l’enfance. Il raconte l’histoire d’un garçon qui n’est pas comme les autres et qui rêve de trouver sa place dans le monde. Il devra affronter ses propres démons, traverser ses peurs, pour enfin trouver le chemin de la lumière. Si dans le film précédent, la jeune fille s’envole comme un oiseau pour échapper à ses problèmes, cette fois-ci, l’enfant accepte d’être ce qu’il est, soit un vampire. En plus de faire le tour de la question de l’acception de notre différence, ce dernier film permet aussi de faire la paix avec l’enfance.
Avez-vous utilisé la même technique d’animation pour les trois films?
Non, j’ai utilisé trois techniques de gravure différentes. D’ailleurs, j’ai récemment eu à donner une conférence en Chine sur ma démarche de travail. Ma présentation s’intitulait From Stone to Pixels (De la pierre aux pixels). Je trouve que ça décrit bien mon « évolution technologique » entre les trois films!
Pour le premier, j’ai utilisé une technique classique de gravure sur plâtre, filmée ensuite avec une caméra 35 mm et une source de lumière directe.
Pour le suivant, j’ai fait de la gravure sur papier glacé. Ce papier ressemble à celui que l’on utilise pour les affiches publicitaires. Par contre, au lieu de filmer chaque scène plan par plan, comme je l’avais fait pour le film précédant, j’ai choisi de numériser et de monter tous mes dessins à l’ordinateur.
Enfin, pour Kali le petit vampire, je suis complètement entrée dans l’ère numérique. Ce film a été conçu à l’ordinateur de A à Z à l’aide d’une tablette numérique (Cintiq) et d’un logiciel de traitement de l’image (Photoshop).
Êtes-vous habile avec les ordinateurs?
Pas du tout! Et je l’étais encore moins lorsque j’ai commencé à travailler sur Kali le petit vampire. Au départ, je voulais reprendre la même technique que pour mon film précédent, mais les producteurs m’ont convaincue d’essayer les nouvelles technologies. Elles sont plus rapides et moins coûteuses.
J’étais perdue au début, mais j’ai eu droit à deux formations : une première chez moi, au Portugal, et une deuxième ici, à l’ONF. Le technicien Pierre Plouffe et le réalisateur Nicolas Brault ont travaillé avec moi à Montréal. Ils m’ont beaucoup aidé à m’adapter aux nouveaux outils et surtout, à être à l’aise avec les ordinateurs. Pierre m’a conçu plusieurs brosses virtuelles pour la tablette numérique et nous avons créé ensembles un fond d’image, qui ressemble beaucoup à celui que j’utilise sur papier ciré.
Est-ce difficile de dessiner sur une tablette numérique?
Au début, c’était cauchemardesque! Mais j’ai fini par m’y habituer. Au bout d’un moment, on oublie que l’on travaille sur une tablette. La sensation est très similaire à celle du dessin sur papier et le rendu est pratiquement le même. Le numérique permet aussi plus de possibilités. Dans un même dessin, je peux sélectionner un élément, l’agrandir, le déformer et le déplacer dans l’image. Il y a également une ligne chronologique intégrée, qui permet de retourner en arrière ou de travailler dans le temps sur des éléments précis. C’est très utile pour tester l’animation au fur et à mesure que l’on crée les dessins. Le travail d’animation devient plus immédiat.
Pourquoi êtes-vous à Montréal présentement?
Je termine la postproduction de mon film. Je suis venue à Montréal une première fois il y a 3 ans pour apprendre à utiliser les différents logiciels et adapter mon travail à l’ordinateur.
J’étais ensuite allée en France en juin 2009 pour compléter les grandes lignes de l’animation et chez moi, au Portugal, au début 2010 pour commencer la peinture et la gravure numériques.
Je suis de retour au Canada depuis le 2 novembre 2011 pour terminer la postproduction du film. Je travaille présentement sur la conception sonore, le mixage, le travail final sur l’image et l’étalonnage.
J’ai aussi eu l’honneur de travailler avec le grand comédien Christopher Plummer, qui assure les narrations française et anglaise, et le groupe de musique suisse The Young Gods, qui a composé et interprété la musique du film.
Quand prévoyez-vous terminer Kali le petit vampire?
Si tout se passe bien, je devrais pouvoir le compléter avant le 3 décembre 2011.
On va vous souhaiter beaucoup de succès.
Merci beaucoup! C’est très gentil.
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Kali le petit vampire est une quadruple coproduction entre Ciclopes Filmes (Portugal), Folimage (France, l’ONF et GDS (Suisse).
Histoire tragique avec fin heureuse de Regina Pessoa a aussi été coproduit par Ciclope Filmes, Folimage, et l’ONF. Il est le film portugais qui a remporté le plus de prix internationaux à ce jour. Pour le visionner :
Histoire tragique avec fin heureuse, Regina Pessoa, offert par l’Office national du film du Canada
Crédit images : Kali le petit vampire. Regina Pessoa. Tous droits réservés.