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Jelena, ses amis et la guerre – Entretien avec Jelena Popovic

Jelena Popovic

À 18 ans, le paradis de Jelena Popovic devient un enfer. L’armée yougoslave encercle Dubrovnik. Plusieurs de ses amis combattent. Elle fuit.

Elle y retournera avec sa caméra quinze ans plus tard. Là, dans les ruines de l’hôtel Orlando, au cœur de Dubrovnik, ses amis jouent au paintball.  Jouer à la guerre pour l’exorciser? Avec le déroulement des événements de 1991 en toile de fond, Les chevaliers d’Orlando, son documentaire personnel, raconte de l’intérieur, l’histoire de la guerre.

Les chevaliers d’Orlando, sorti en 2007,  est lancé aujourd’hui sur ONF.ca.
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Quand et comment est née l’idée du film?

Jelena  – Une journaliste de Dubrovnik a écrit que j’ai raconté l’histoire de la guerre à Dubrovnik de façon inhabituelle. En combinant images d’archives et jeu de paintball. En amenant les spectateurs sur les traces de mes amis. Ce film, justement, sur le traumatisme de guerre, est le combat contre  le traumatisme. Voilà pourquoi la journaliste a écrit que mon film aurait pu s’appeler « L’histoire de l’intérieur ».

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J’ai fait ce film de façon spontanée avec mon âme. Je passais tous mes étés à Dubrovnik et m’y suis fait plein d’amis, qui, du jour au lendemain, se sont retrouvés en uniforme de guerre. Après plusieurs années d’absence, j’y suis retournée. Allongée sur le quai, je prenais un bain de soleil, et au moment où je me disais que tout était revenu comme avant, des bottes d’armée sont arrivées dans mon champ de vision, un pantalon d’armée est tombé au sol. J’ai levé les yeux et aperçu des jambes et un maillot dans le ciel bleu. C’était les jambes de mon ami Nikola qui étaient couvertes de bleus (traces de paintballs qui explosent au contact de la peau). Il plongeait dans l’eau. « Allez allez! Venez, il fait chaud! », il a dit. Je ne pouvais prononcer un mot. J’étais bouche bée. C’était pour moi un non-sens. Il m’a dit : « On joue au paintball. C’est de là que ma recherche pour le film a commencé. C’était une thérapie pour eux. Ils se mettaient dans une situation similaire à la guerre, mais cette fois, avec le plein contrôle, et sans danger.

Parlez-nous du choix cinématographique que vous avez fait et de la facture du film
Jelena  – Comme cette image de mon ami sur le quai m’avait rendue si confuse, je me devais d’avoir la même approche dans le film, donc confondre le spectateur aussi.

D’ailleurs, alors que le film était presque terminé, j’ai trouvé une archive de guerre dans laquelle le cadre était exactement le même que mes images du début du film. Trois dimensions se combinent : images de guerre, images touristiques, jeu de paintball. Plusieurs générations dans le film permettent de voir les différentes perceptions de la guerre et de l’après-guerre : ceux qui ont fait la guerre, les plus jeunes qui ont grandi dans la guerre et les personnes âgées. Bien que les trois générations aient des points de vue différents sur la guerre,  tous partagent l’adage de l’écrivain Marin Drzic :

« La guerre est la perte de la nature humaine ». 
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Qu’avez-vous découvert sur leur façon d’aborder la guerre?
Jelena  – Les façons dont on fait face aux démons de l’après-guerre sont différentes pour chacun, peu importe le pays. On a tous notre façon de l’exorciser. Tu ne peux plus jamais être la même personne après. La guerre te stigmatise à jamais. Mais j’espère que j’ai réussi à éviter toute approche pathétique.

La gens de la même génération que moi se sont couchés en étudiants. Ils se sont réveillés en soldats.  D’un autre côté, les très jeunes percevaient la guerre comme un jeu vidéo, n’ayant aucune idée de sa réalité. Ils ont été rattrapés eux aussi quand ils ont ramassé les corps déchiquetés. Je pense que les plus vieux n’arrivent pas à comprendre.

Que voudriez-vous que les gens retiennent de votre film?
Jelena  – C’était important pour moi de faire sentir que la guerre arrive quand on s’y attend le moins, et ce, même chez les peuples civilisés.
Comment vos amis ont-ils réagi au film?
Jelena  – Ils ont apprécié l’honnêteté du film, le reflet de « comment on se voit ». Ils ont senti que je leur ai tendu le miroir d’une amie en m’incluant dans l’image reflétée. C’est cette honnêteté qu’ils ont aimée. On est tous frères au sens large du mot, dans le meilleur comme dans le pire.
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