Cinéaste recherché : entretien avec Dominic Etienne Simard
Gagnant du dernier concours Cinéaste recherché-e (2008), Dominic Etienne Simard est installé à l’ONF depuis près de 2 ans maintenant, où il travaille sur son tout premier film d’animation professionnel. Afin d’en savoir plus sur ce projet et pour discuter de son parcours de cinéaste, je me suis entretenue avec lui… entre deux dessins. Entrevue avec un artiste talentueux de la relève.
Catherine Perreault : Quel était ton parcours avant de participer au concours Cinéaste recherché-e?
Dominic Etienne Simard : J’ai d’abord étudié un an en cinéma à l’Université de Montréal en 1998. Ensuite, je suis allé au Cégep de Rivière-du-Loup en dessins animés. Je suis revenu à Montréal en 2003 pour compléter un baccalauréat spécialisé en cinéma d’animation à l’Université Concordia.
CP : As-tu réalisé des films indépendants pendant tes études?
DES : Oui. J’ai réalisé plusieurs films indépendants à cette époque. Les films que l’on faits à l’école sont beaucoup plus encadrés et restreints. Dans un cadre pédagogique, on n’a pas vraiment le temps de s’investir à fond dans un projet. C’est donc surtout en sortant de l’école que j’ai réalisé la plupart de mes films indépendants, dont Head, Chromosome XYZ et Let me do this one.
CP : Tu les as faits avec quels moyens?
DES : Mes moyens financiers étaient assez limités, mais de nos jours, avec les nouvelles technologies numériques, on est assez choyé du côté technique. On peut réussir à produire de bons films avec peu de moyens.
CP : Quelles sont les techniques d’animation que tu utilises?
DES : Jusqu’à présent, j’ai surtout fait du dessin, de la peinture et de l’animation avec des marionnettes. Présentement, je travaille avec la technique de rotoscopie, c’est-à-dire que je dessine sur des images tournées en prise de vue réelle.
CP : As-tu une préférence esthétique?
DES : Oui. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi le dessin. Je n’ai pas d’intérêt pour la 3D ou pour les images de synthèse pour le moment. Quoique même avec le dessin traditionnel, il y a beaucoup d’heures investies sur un ordinateur. Il faut tout numériser. On compte environ 7 mois de travail d’infographie pour un court métrage d’animation comme celui sur lequel je travaille présentement.
CP : En quoi consiste ce travail d’infographie?
DES : D’abord, il y a la conceptualisation des décors, qui est faite à partir de photographies ou d’éléments filmés. Ces décors sont ensuite imprimés, repeints, numérisés, réintégrés et numérisés à nouveau. C’est là que tu vois qu’on utilise beaucoup les machines! Le film n’aurait pas pu se faire sur pellicule. Il aurait été pensé de manière complètement différente.
CP : La technologie vous aide-t-elle à voir grand?
DES : Je ne sais pas si nos projets sont vraiment plus grands ou plus ambitieux. Dans le fond, on les conceptualise en fonction de la technologie qui est accessible. Celle-ci peut donc influencer le contenu et le contexte de création. Personnellement, je ne fais pas des films pour mettre une technologie de l’avant. Je fais plus du développement esthétique que technologique.
CP : Justement, pourquoi fais-tu du cinéma? Est-ce que c’est pour raconter une histoire?
DES : Je suis plus visuel. J’aime bien raconter des histoires, mais si je fais un film d’animation, c’est avant tout pour faire de la création visuelle. Personnellement, je trouve que l’animation n’est pas le meilleur médium pour raconter une histoire, juste parce que c’est trop long et trop complexe à faire. Tant qu’à ça, je suis mieux d’écrire un livre!
CP : Quels sont tes sujets de prédilection?
DES : La narration est quasi-absente de mes films. Celui sur lequel je travaille présentement avec l’ONF est probablement mon film le plus narratif. Les autres utilisent certains symboles placés dans un contexte – il y a donc une création de sens – mais le récit demeure moins important. L’emphase est vraiment mise sur le traitement visuel. J’ai une approche qui se situe plus près du cinéma expérimental, sans en être. Mes films sont à cheval entre le narratif et l’exploration visuelle.
Head est un bon exemple de film. Il y a une exploration narrative au niveau sonore. Le son est donc porteur d’une histoire, mais l’image et le visuel demeurent plus flous. On n’y retrouve que certains schémas, comme un personnage qui marche. Il avance, donc il y a une progression. Avec les pistes sonores et visuelles qui lui sont données, le spectateur peut se construire lui-même une trame narrative.
CP : Comment as-tu pris connaissance du concours Cinéaste recherché-e?
DES : Je connaissais déjà l’ONF, comme tous ceux et celles qui font de l’animation. Ce n’est pas une cachette! Tous les étudiants connaissent le concours, puisqu’il existe depuis plusieurs années. C’est une opportunité de faire un film professionnel. C’est aussi un tremplin, un levier et une bonne manière d’entrer dans un lieu comme l’ONF.
CP : Avais-tu comme objectif de carrière de travailler à l’ONF?
DES : Plus jeune, dans la vingtaine, j’aurais répondu oui. Mais plus je vieillissais et plus je faisais de la pratique indépendante, moins j’y tenais. À l’inverse, je devenais un candidat de plus en plus intéressant pour l’ONF! Je ne dis pas que je ne voulais plus travailler ici, au contraire, je ne me serais pas inscrit au concours et je suis très heureux ici, mais je commençais à avoir une réelle pratique personnelle et je m’y plaisais.
CP : Le projet que tu as déposé en 2008, et sur lequel tu travailles présentement, s’appelait Missing Paula. Est-ce qu’il porte toujours le même nom?
DES : Il va changer de titre, parce qu’il doit être doté d’un nom francophone. Le concours fait partie du Programme d’animation français de l’ONF. Il est donc important que ce soit ainsi. Je dois admettre que je n’ai pas encore trouvé le nouveau titre.
CP : Que raconte le film?
DES : Une agression en pleine rue. J’ai été inspiré par une histoire un peu banale. J’étais avec ma belle-sœur et son enfant. Elle poussait le carrosse du bébé et moi, je tenais mon chien en laisse. Sur notre chemin, on a croisé une prostituée. Elle s’est baissée pour flatter mon chien et j’ai ressenti une répulsion. Je ne pensais pas réagir ainsi. C’était une sorte de réflexe. Je suis donc partie de cette histoire et j’ai placé cette personne dans une situation. Je lui ai construit un univers, un lieu et une histoire. Dans le fond, je lui ai inventé un fait divers, lequel est vu à travers les yeux d’un enfant, témoin de l’agression.
CP : Tu es rendu à quelle étape dans ton processus de création?
DES : J’ai un peu plus que la moitié de l’animation de complétée. Je suis donc assez avancé. Je dois finir l’animation avant le printemps 2011.
CP : Est-ce qu’on se tanne de toujours dessiner les mêmes images, à quelques détails près?
DES : Honnêtement, je trouve ça zen. Il n’y a pas de stress. C’est relaxant. On travaille avec un certain niveau de concentration, mais on n’est pas toujours en train de créer du nouveau. Je me plais à dire que tous les types de travail sont répétitifs.
CP : Qui sont tes collaborateurs sur ce projet?
DES : Pour le tournage de prise de vue réelle, nous étions une équipe complète sous la direction photo de Jean-Pierre St-Louis. J’ai aussi eu l’aide de Michelle Allen à la scénarisation, d’Emmanuel Suquet à l’infographie et à l’intégration des décors, ainsi qu’Alain Baril au montage.
CP : Est-ce que tu aimerais faire d’autres films avec l’ONF dans le futur?
DES : Il est trop tôt pour le dire. On peut faire des projections, mais pour le moment, je me concentre à finir ce projet-ci. Je suis en plein processus créatif. Dans un futur parfait, je te dirais pourquoi pas. L’expérience est plaisante jusqu’à maintenant. L’ONF a les ressources techniques et financières, donc si les moyens sont là, je ne vois pas pourquoi je dirais non.
Ce que je peux te confirmer, par contre, c’est que j’ai l’intention de refaire des films. Maintenant, où et dans quel contexte, seul l’avenir nous le dira…
CP : On te le souhaite en tous cas!
DES : Merci!
Lisez aussi mon entrevue avec Pierre M. Trudeau, lauréat du concours Cinéaste recherché-e en 1987-1988, et mes 10 questions à la productrice Julie Roy, responsable du concours.
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