#MonONF : Le paysagiste qui déforme l’espace-temps
Des poèmes animés, des odes au mouvement, à l’acte de création lui-même, c’est ce que Jacques Drouin faisait avec l’écran d’épingles d’Alexeïeff-Parker. Quarante ans se sont écoulés depuis la sortie de son deuxième film avec cette technique : Le paysagiste. Mais ce court métrage d’animation continuera de surprendre le monde.
Cette année, je me suis mis à explorer le cinéma canadien, avec ma télécommande et Internet, parce que l’application de l’Office national du film pour Smart TV est très simple et pratique.
Un jour, j’ai fini de regarder une majestueuse œuvre expérimentale de Norman McLaren, Voisins; mais j’ai trouvé, dans les suggestions de l’application, quelque chose d’encore plus frappant. Un film d’animation qui semblait beau et léché : Le paysagiste. Je pensais que ce serait plein de paysages, mais j’étais ignorant; je ne savais rien de l’existence de l’écran d’épingles, alors une expérience esthétique extraordinaire m’attendait.
Le film commence de façon très contemplative, comme si on regardait une image créée par Tarkovski. Mais, au moment où l’artiste transperce sa peinture, Drouin voulait représenter ce qui se déroule dans le processus créatif.
Le voyage dans l’inconscient du peintre débute, les formes s’écoulent avec lui; j’étais estomaqué. Le paysage devient l’expression de la fluidité, de la destruction de la modernité, de la lutte contre elle.
C’est un film qui détruit constamment l’espace-temps; une animation où se battent la mort et la vie pour savoir si l’existence doit être contemplée ou déformée. Tout au long du visionnage, on doit suivre le mouvement, se fondre en lui.
La précision des détails, des objets, les transitions sont incroyables; c’est comme si les épingles naviguaient librement. La tête de l’artiste devient un paysage, le paysage devient une ville, la ville devient un labyrinthe, le labyrinthe détruit la vie, la vie devient la mort, un enfer, mais tout se termine quand le peintre retourne à la réalité.
Il se passe dans ce court métrage des choses très surréalistes, dans le style des meilleurs films de l’ONF.
La technique du réalisateur, Jacques Drouin, est très particulière et complexe. Il emploie l’écran d’épingles d’Alexeïeff-Parker : un écran avec des épingles mobiles qui sont déplacées par l’arrière à l’aide de différents objets. Drouin a été initié à ce dispositif dès qu’il a été apprenti à l’ONF, en 1967.
La deuxième fois que j’ai regardé Le paysagiste, pour rédiger cet article, j’ai été encore plus surpris.
Principalement parce que je connaissais désormais la technique utilisée : chaque mouvement était hypnotique, chaque transition paraissait magique. Mais aussi parce que la bande sonore, sans aucun doute, épousait le rythme et le concept du film. Cela m’a cloué le bec. Merci beaucoup, Jacques Drouin, pour votre héritage.
Par Mateo Londoño Castaño
Regardez Le paysagiste :
Le paysagiste, Jacques Drouin, offert par l’Office national du film du Canada