Guy L. Coté : l’homme multiple
À l’occasion de son 50e anniversaire et du lancement du nouveau site guylcote.com, la Cinémathèque québécoise, en collaboration avec la famille Coté et l’ONF, rend hommage à son fondateur Guy L. Coté. L’événement aura lieu du 5 au 9 février 2014 à la Cinémathèque et sera l’occasion de voir quelques films du cinéaste. L’opportunité est belle de retracer la carrière à l’ONF de cet homme de conviction, d’engagement, de foi, de tous les métiers, de cet esprit éclectique, de cet homme multiple, qui fut producteur, cinéaste, monteur et scénariste.
Originaire d’Ottawa, Guy L. Coté entre à l’ONF en 1952 alors que l’organisme se trouve dans la capitale nationale. Il fait partie de la première génération de francophones embauchés à l’ONF. Il travaille au sein du célèbre « Unit B » sous la direction du producteur Tom Daly. Son premier film, Winter in Canada (1953), qui trace un parallèle entre la vie en hiver de deux jeunes garçons vivant dans des provinces canadiennes différentes, s’inscrit parfaitement dans le mandat de l’ONF de l’époque, soit faire connaître et comprendre le Canada aux Canadiens et aux autres nations.
Les films qui suivent témoignent également de ce mandat tout en poursuivant la tradition documentaire instaurée par John Grierson, fondateur et premier commissaire de l’ONF. Malgré leur facture traditionnelle, ces films se démarquent par la maîtrise de leur sujet et le lyrisme de leurs images. On pense à Les cheminots (1958), Les pêcheurs (1959), Les maîtres-sondeurs (1960) et Têtes blanches, dont la trame sonore est signée par Pete Seeger, chantre américain de la musique folk, récemment disparu. Ces quatre films qui font partie de la série Géographie sociale du Canada, dont les trois premiers forment une trilogie sur les métiers, seront d’ailleurs primés dans plusieurs festivals du monde (Berlin, Montréal, Locarno, Rome, San Francisco).
Têtes blanches par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
En 1962, Guy L. Côté tourne Kindergarten. Ce film marque une rupture avec sa production antérieure alors que Georges Dufaux, à la caméra, et Marcel carrière, au son, tous deux membres de l’équipe française, collaborent avec lui. L’influence du cinéma direct, cher à l’équipe française de l’époque, se fait sentir dans ce film à hauteur d’enfants qui s’immisce dans une classe de maternelle d’une école de Montréal. Kindergarten annonce le passage du cinéaste à l’équipe française.
Kindergarten par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
Alors que le Québec est en pleine transformation sociale, au cœur d’une Révolution tranquille, et que la plupart des cinéastes du côté français veulent témoigner de ses bouleversements, Guy L. Coté part en France tourner deux films sur les sciences occultes, Regards sur l’occultisme – Magie et miracles (1965) et Regards sur l’occultisme – Science et esprits (1965). Ce choix témoigne de l’attitude du cinéaste d’aller à contre-courant quant au sujet de ses films et marque le début d’une œuvre en marge qu’il développera par la suite, en s’intéressant entre autres aux questions religieuses et au sort des aînés.
Regards sur l’occultisme (1re partie) – Magie et miracles par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
De 1966 à 1971, il devient producteur à temps plein et produit des films tant documentaires que de fiction qui marqueront la production française. On pense, en autres, à Où êtes-vous donc? (1969) de Gilles Groulx, On est au coton (1970) de Denys Arcand, Un pays sans bon sens (1970) de Pierre Perrault, L’Acadie, l’Acadie!?! (1971) de Pierre Perrault et Michel Brault.
Fidèle à cette idée d’aller à contre-courant, brièvement évoqué plus haut, Guy L. Coté revient à la réalisation au début des années 1970 et s’intéresse aux questions religieuses. Il réalise deux films sur ce thème, Tranquillement pas vite (1972) sur la désagrégation de la religion catholique au Québec et sur une expérience de reconstruction religieuse, et Les deux côtés de la médaille (1974) sur le quotidien de deux prêtres missionnaires en Bolivie.
Les deux côtés de la médaille par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
Au milieu des années 1970, il développe une idée de film avec son ami Hubert de Ravinel, alors directeur de l’organisme Les petits frères des pauvres, sur le sort que la société réserve aux personnes âgées. Le projet prend d’abord la forme d’un seul film intitulé L’attente. Cette attente, c’est celle des personnes âgées face à la mort. Il s’incarnera finalement dans quatre films : Monsieur Journault (1976), Blanche et Claire (1976), Les vieux amis (1976) et Rose et monsieur Charbonneau (1976).
Blanche et Claire par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
À la fin des années 1970, Guy L. Coté réalise trois films sur la coopération internationale coproduits par l’ONF, le Programme alimentaire mondial des Nations unies et l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture : Dominga (1979), Azzel (1979) et Marastoon – la maison d’accueil (1980). Les films abordent le problème de la survivance infantile en Bolivie, au Niger et en Afghanistan.
Dominga par Guy L. Coté, Office national du film du Canada
Guy L. Coté quitte l’ONF en 1987 et laisse derrière lui une œuvre imposante. En 35 ans de carrière, il aura produit plus d’une quarantaine de films, assuré la réalisation et le montage d’une vingtaine de documentaires et remporté 19 prix internationaux.