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Soulignons le Mois de l’histoire des Noirs en nous remémorant trois cinéastes avant-gardistes | Perspective du conservateur

Soulignons le Mois de l’histoire des Noirs en nous remémorant trois cinéastes avant-gardistes | Perspective du conservateur

Soulignons le Mois de l’histoire des Noirs en nous remémorant trois cinéastes avant-gardistes | Perspective du conservateur

Claire Prieto, Roger McTair et Jennifer Hodge de Silva ont été les premiers artistes noirs à créer des films décrivant les expériences vécues et les perspectives des personnes noires au Canada. Les trois ont commencé à réaliser des films au cours des années 1970, et leur œuvre collective comprend certaines des contributions les plus significatives et les plus enrichissantes de l’histoire du cinéma canadien.

Pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs et le 80e anniversaire de Roger McTair, à venir en 2024, ce billet de la Perspective du conservateur mettra en lumière les films de ces trois figures clés de la naissance et de l’évolution du cinéma noir au Canada et à l’ONF. De plus, à la fin, je vous ferai part d’une découverte récente sur le rôle qu’a joué une superstar du reggae, Leroy Sibbles, dans la réalisation d’un film de l’ONF.

Mais commençons par le commencement.

Claire Prieto : réalisatrice, productrice, mentore et militante

Le travail de Claire Prieto, productrice, réalisatrice et distributrice de films et d’émissions de télévision, a été essentiel à la naissance et à la croissance du cinéma de réalisatrices et réalisateurs noirs au Canada. En 1975, elle a produit le court métrage documentaire Some Black Women, axé sur les expériences vécues par les femmes noires, premier film réalisé par une cinéaste noire canadienne sur la communauté noire au Canada. Elle a également joué un rôle important au sein du Black Film and Video Network, dont l’objectif, selon elle, était « d’encourager et de promouvoir le développement, la production et la distribution des œuvres des cinéastes et vidéastes noirs au Canada[i]». Son premier film, Black Mother, Black Daughter (1988, avec Sylvia Hamilton), a été la première production de l’ONF réalisée par une équipe entièrement féminine. Il raconte la vie de femmes noires en Nouvelle-Écosse, leur contribution au foyer, à l’église et à la communauté, et les forces qu’elles transmettent à leurs filles.

Black Mother Black Daughter, Sylvia Hamilton et Claire Prieto, offert par l'Office national du film du Canada

En plus de produire des films canadiens centrés sur les perspectives noires, dont It’s Not an Illness (1979), Claire a coproduit le film américain à gros budget How She Move (2007) et la première sitcom télévisée noire canadienne, Lord Have Mercy! (2003), qui a reçu des prix. Son dévouement envers le développement et le soutien du cinéma noir et des réalisatrices et réalisateurs noirs au pays lui a valu un prix d’excellence pour l’ensemble de sa carrière, décerné par le Caribbean Tales Film Festival de Toronto en 2010. Je vous invite à visionner son deuxième film, Older, Stronger, Wiser (1989), un court métrage documentaire dans lequel cinq femmes noires parlent de leur vie dans les régions rurales et urbaines du Canada entre les années 1920 et 1950, produit par l’emblématique Studio D de l’ONF.

Older Stronger Wiser, Claire Prieto, offert par l'Office national du film du Canada

Roger McTair : auteur, professeur et cinéaste pionnier

Le travail de l’écrivain et cinéaste Roger McTair a joué un rôle fondamental dans l’évolution des arts et de la culture des communautés noires au Canada. Il a étudié la littérature anglaise et le cinéma à l’Université York de Toronto et a enseigné l’anglais au Collège Seneca pendant 18 ans. En outre, il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles qui explorent les thèmes de l’identité, de la culture, de l’histoire et de l’appartenance tels qu’ils s’incarnent dans la réalité caribéenne et canadienne.

Roger a réalisé Some Black Women (1975, produit par Claire Prieto, comme mentionné précédemment) ainsi que Different Timbres (1980, également produit par Claire), qui « examine la production, l’éducation, la performance et l’influence culturelle des tambours métalliques en Ontario dans les années 1970 et 1980 », et Home to Buxton (1987, coréalisé avec Claire), qui se penche sur « l’histoire de la communauté noire de Buxton, en Ontario… [et] comprend des entretiens avec des personnes de Buxton sur l’histoire de leur famille, l’histoire de la ville, l’agriculture et la communauté »[ii].

Roger a également réalisé Children Are Not the Problem: An Anti-Racist Childcare Strategies Film (1991) et le film de l’ONF Journey to Justice (2000), qui rend hommage à un groupe de Canadiens et Canadiennes qui ont traîné le racisme devant les tribunaux. Je vous invite à regarder ce long métrage documentaire puissant qui retrace les luttes de six personnes, des années 1930 aux années 1950, qui ont refusé d’accepter l’inégalité. Ce documentaire présente les héroïnes et héros méconnus du Canada dans la lutte pour les droits civiques des personnes noires : des gens courageux et précurseurs qui ont contribué à rendre justice au peuple canadien.

Jennifer Hodge de Silva : première cinéaste noire à l’ONF

Jennifer Hodge de Silva (née Jennifer Hodge, en 1951 à Montréal) a été la première cinéaste noire à réaliser un film à l’ONF sur les points de vue et expériences vécues de la communauté noire. Elle est la fille de Mairuth Hodge Sarsfield, militante canadienne, diplomate, journaliste, chercheuse, personnalité de la télévision, communicatrice, fonctionnaire et auteure de livres à succès[iii]. Jennifer a baigné dans les arts et la culture pendant toute son enfance et a reçu une éducation cosmopolite : elle a terminé ses études secondaires en Suisse et parle couramment le français et l’allemand en plus de maîtriser l’italien[iv].

Elle a obtenu un baccalauréat en beaux-arts (avec distinction) au Collège Glendon de l’Université York de Toronto en 1974 et un baccalauréat en arts télévisuels au Ryerson Polytechnical Institute (Université métropolitaine de Toronto) en 1979. Tout en terminant son baccalauréat, Jennifer a apporté sa première collaboration professionnelle à l’ONF en travaillant comme adjointe à la réalisation et productrice associée du film Fields of Endless Day (1978), de Terence Macartney-Filgate.

Fields of Endless Day, Terence Macartney-Filgate, provided by the National Film Board of Canada

Ce film a été mis en ligne sur onf.ca en février dans le cadre des célébrations du Mois de l’histoire des Noirs 2024 afin de présenter l’ensemble de l’œuvre de Jennifer Hodge de Silva à l’ONF. Fields of Endless Day est un des rares docudrames de l’ONF et cherche à découvrir les « racines » de la population noire du Canada, du 17e siècle à la première moitié du 20e siècle, en retraçant l’histoire de ses luttes et de ses victoires sur une période de près de 375 ans. Le film offre des informations précieuses sur des personnalités noires qui ont contribué à façonner l’histoire du Canada, telles que Mathieu Da Costa, John Ware et Marcus Garvey, et sa musique a été composée et arrangée par les musiciens noirs canadiens de renommée internationale Oscar Peterson et Rick Wilkins.

Un an plus tard, Jennifer réalise son premier film pour l’ONF, Canada Vignettes : Helen Law (1979), un portrait d’une Chinoise ayant immigré au Canada, telle que la perçoit son fils, Canadien de première génération (qui vient aussi d’être ajouté à onf.ca à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs 2024).

Helen Law, Jennifer Hodge, provided by the National Film Board of Canada

Dans les années qui suivent, Jennifer réalise trois autres documentaires : Toronto’s Ethnic Police Squad (1979)[v], un regard sur le service des relations avec les communautés ethniques de la police de Toronto ; Myself, Yourself (1980), dans lequel trois adultes et deux ados parlent de ce que ça fait de grandir en étant considéré comme différent en raison de sa race, de sa culture ou de sa religion[vi]; et Joe David : Spirit of the Mask (1982), qui s’intéresse au processus créatif du célèbre artiste autochtone de la côte Ouest[vii]. En 1982, elle épouse son collègue cinéaste Paul de Silva et le couple fonde la société de production Jenfilms Inc., dont les projets incluent la série télévisée Inside Stories (1989), une chronique du vécu de résidentes et résidents de Toronto aux origines ethniques diverses, ainsi que la série Neighbourhoods, acclamée et primée à maintes reprises.

Son film suivant, Home Feeling: Struggle for a Community, paru en 1983, est aussi malheureusement le dernier qu’elle réalise avec l’ONF[viii]. Ce long métrage documentaire louangé examine les relations tendues entre le Service de police de Toronto et les résidentes et résidents du quartier Jane et Finch. Il met l’accent sur la vie des membres des communautés jamaïcaine, grenadienne et guyanaise (ce sujet est abordé en détail dans mon précédent billet de la Perspective du conservateur sur les films de cinéastes de race noire au Canada).

Home Feeling: Struggle for a Community, Jennifer Hodge & Roger McTair, provided by the National Film Board of Canada

La légende du reggae Leroy Sibbles à l’ONF

J’ai récemment découvert une merveilleuse information sur Home Feeling que j’aimerais vous transmettre : une grande partie de la bande originale du film a été composée par la légende du reggae Leroy Sibbles. Né en 1949 à Trench Town, en Jamaïque, Leroy est considéré comme le plus grand artiste multitalentueux de l’histoire du reggae[ix]. Compositeur, bassiste, arrangeur et producteur, il était également le chanteur du groupe de ska, rocksteady et reggae les Heptones, qui a enregistré avec tous les grands producteurs de l’âge d’or, à savoir le célèbre Clement « Coxsone » Dodd, Lee Scratch Perry, Joe Gibbs, etc. Il a été l’un des principaux créateurs de Studio One, qui a contribué à lancer la carrière musicale d’autres superstars jamaïcaines, dont Horace Andy, Ken Boothe et Burning Spear. Leroy est connu pour sa contribution à des classiques du reggae tels que Satta Massagana et Declaration of Rights, des Abyssinians, Door Peep (Shall Not Enter), de Burning Spear, et l’instrumental Full Up (qui a inspiré les succès ultérieurs Pass the Kouchie, des Mighty Diamonds, et Pass the Dutchie, de Musical Youth). Il l’est désormais aussi pour sa contribution au premier film de l’ONF réalisé par une cinéaste canadienne de race noire qui relate l’expérience des personnes de race noire au Canada.

Bien que son nom soit mal orthographié (« Sibblis ») dans le générique du film (00:56:50-00:57:00), il ne fait aucun doute, à la lecture des documents originaux du dossier du film aux archives de l’ONF (voir images ci-dessous), que Leroy Sibbles est à l’origine de la musique.

Comme vous pouvez le constater, Leroy est inscrit comme compositeur, arrangeur et auteur de la musique originale de Jane Finch Corridor (le titre provisoire de Home Feeling). Le fait de savoir qu’il a composé la musique de ce grand film incite encore plus à le regarder et illustre le rôle important qu’ont joué les artistes des Caraïbes dans le cinéma canadien noir. On attribue à Leroy plus de 11 minutes de la trame sonore ; pour les fans de sa musique, voici une liste détaillée des morceaux qu’il a composés :

Célébrer les cinéastes d’avant-garde à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs

Les œuvres encensées et influentes de Claire Prieto, de Roger McTair et de Jennifer Hodge de Silva ont été largement projetées lors de rétrospectives et enseignées dans des cours de cinéma, d’études culturelles et d’études raciales critiques au Canada et dans le monde entier. Jennifer Hodge de Silva est décédée d’un cancer en 1989, à l’âge trop jeune de 38 ans, et Claire Prieto et Rogers McTair ont rendu hommage à sa vie et à son œuvre avec Jennifer Hodge: The Glory and the Pain (1992).

Toutefois, le travail de Jennifer, de même que celui des autres cinéastes dont il est question dans ce billet, est encore bien vivant. De nombreux événements auront lieu partout au Canada pour marquer le Mois de l’histoire des Noirs, notamment deux projections de films à Vancouver coorganisées par l’ONF et l’Université de la Colombie-Britannique, que j’ai programmées et auxquelles j’assisterai : la première le 1er février au Norm Theatre, et la seconde le 29 février à Robson Square. Espérons que nous profiterons tous et toutes d’événements comme celui-ci pour nous rassembler et célébrer le travail de ces cinéastes et d’autres grands artistes tout au long du mois de février.

[i] Amanda Parris, « An oral history of the Black Film and Video Network », CBC News, 8 mai 2020, https://www.cbc.ca/arts/an-oral-history-of-the-black-film-and-video-network-1.5559797.

[ii] Archives publiques de l’Ontario, https://www.youtube.com/watch?v=Su35kRo5sDo.

[iii] Ron Fanfair, « Mairuth Sarsfield wrote eloquently about Black multiculturalism », 7 janvier 2017, https://www.ronfanfair.com/home/2017/1/7/mairuth-sarsfield-wrote-eloquently-about-black-multiculturalism.

[iv] Leslea Kroll, « Jennifer Hodge de Silva », L’Encyclopédie canadienne, 3 décembre 2007, https ://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/jennifer-hodge-de-silva.

[v] Canadian Women Film Directors Database, http://femfilm.ca/film_search.php?film=hodge-de-silva-torontos&lang=e

[vi] BLACK ON SCREEN: Images of Black Canadians 1950s–1990s, Studio D: The Women’s Studio of the National Film Board, 1992.

[vii] Canadian Women Film Directors Database, http://femfilm.ca/film_search.php?film=hodge-de-silva-joe&lang=e.

[viii] Canadian Women Film Directors Database, http://femfilm.ca/director_search.php?director=jennifer-hodge-de-silva&lang=e.

[ix] Kevin O’Brien Chang and Wayne Chen, Reggae Routes: The Story of Jamaican Music, Philadelphia, Temple University Press, 1998, p. 181.

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