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Prendre la route, ou le road-movie à l’ONF | Perspective du conservateur

Prendre la route, ou le road-movie à l’ONF | Perspective du conservateur

Prendre la route, ou le road-movie à l’ONF | Perspective du conservateur

Le road-movie est un genre cinématographique que l’on associe habituellement au long métrage de fiction. Il met en scène un ou des personnages qui prennent la route. Le voyage peut être motivé par le désir d’échapper à quelqu’un ou à quelque chose, prenant la forme d’une fuite ou d’un exutoire, ou encore par celui de retrouver une personne ou un lieu, devenant ainsi une quête.

Ces caractéristiques ne définissent pas à elles seules le genre et ne sont pas toutes nécessaires, mais elles nous en donnent une bonne idée. Easy Rider (1969) de Dennis Hopper est généralement considéré comme le premier film du genre. Pourtant, bon nombre de nos documentaires peuvent être qualifiés de road-movies. Ce billet aimerait vous proposer un tour d’horizon de ces films. Un voyage qui dure depuis plus de 60 ans !

Films touristiques

À l’origine, le mandat de l’ONF est de mieux faire connaître le vaste territoire canadien et les gens qui y habitent. L’organisme fédéral s’emploie donc, particulièrement dans les années 1950 et 1960, mais aussi dans les décennies subséquentes, à produire une série de films touristiques pour nous faire découvrir le Canada. Ces productions, sans être de véritables road-movies, mettent l’accent sur le voyage, la route, et sont, en quelque sorte, des films annonciateurs du genre. Que ce soit par l’entremise du réseau ferroviaire (The Railrodder, 1965), à bord d’un hélicoptère (Hélicoptère Canada, 1966) ou d’un petit canot en bois sculpté (Vogue-à-la-mer, 1967), à l’aide de spectaculaires images tournées en 70 mm (Canada, pays vaste, 1969) ou en IMAX (Momentum, 1992), ces films nous entraînent dans une traversée du Canada.

Sur la Transcanadienne

Parmi ce type de films, il y en a un qui se démarque particulièrement. Il s’agit d’Itinéraire canadien (1958) de Ronald Dick. Ce documentaire en couleur de 58 minutes, présenté originellement en deux parties à la télévision, dans le cadre de la série Temps présent, nous emmène sur la route Transcanadienne, qui relie les dix provinces du pays. Le voyage auquel est convié le public révèle l’immensité du Canada, la beauté de ses paysages, les activités économiques de ses grandes villes et la vie de ses habitants et de ses habitantes. Le film insiste sur l’importance d’une telle route pour le pays et souligne les prouesses technologiques qui ont mené à sa construction. Si Itinéraire canadien semble, à première vue, avoir peu en commun avec le road-movie, il n’en demeure pas moins qu’il est le premier film touristique de l’ONF à faire de la route et, par le fait même, de la voiture, son fil conducteur.

Itinéraire canadien, Ronald Dick, offert par l'Office national du film du Canada

Le Québec en Amérique

Au milieu des années 1980, nombre de francophones, peut-être déçus par l’issue du référendum de mai 1980, et désormais sans projet politique et social, se questionnent sur leur identité. En 1986, le cinéaste Denys Arcand triomphe avec son film Le déclin de l’empire américain. L’année suivante, le Cirque du Soleil entame sa première tournée à l’extérieur du Québec, sur la côte ouest américaine. En 1988, l’auteur-compositeur-interprète Richard Séguin connaît un succès retentissant avec son album Journée d’Amérique. Le Québec découvre soudainement son américanité.

À la même époque, un groupe de cinéastes francophones de l’ONF s’interrogent sur le sujet. Le producteur Éric Michel lance deux séries de films là-dessus : L’américanité (1987) et Parler d’Amérique (1989-1993). Les thèmes du territoire, du voyage, de l’errance, de la perte de sens et de la domination de la culture américaine traversent la plupart des films des deux séries. La forme utilisée par les cinéastes diffère d’un film à l’autre, mais plusieurs d’entre eux et d’entre elles optent pour le road-movie. Un genre qui sied tout à fait à leurs thématiques et à leurs interrogations.

Voyage en Amérique

Dans son essai documentaire Voyage en Amérique avec un cheval emprunté (1987), le cinéaste Jean Chabot devient le protagoniste de son film. Apprenant qu’il sera bientôt père, il décide de prendre la route vers les États-Unis pour mieux comprendre le monde dans lequel vivra son fils, une société de plus en plus américanisée. Il se propose de « traverser le territoire de notre américanisation progressive[1] ». Pour lui, une homogénéisation de la culture s’opère au Québec, un vide se crée. L’Amérique nous avale peu à peu. Le réalisateur a le sentiment de faire partie de la dernière génération « d’avant l’engloutissement[2] ». Personnage qui prend la route, quête de sens, libération, pessimisme : tous les ingrédients du road-movie sont réunis ici.

Voyage en Amérique avec un cheval emprunté, Jean Chabot, offert par l'Office national du film du Canada

La course destination monde

Dans les années 1990, plusieurs jeunes réalisateurs et réalisatrices qui ont remporté La course destination monde[3], une compétition présentée à la télévision de Radio-Canada s’échelonnant sur plusieurs mois et au cours de laquelle les participants et les participantes voyagent à travers le monde et réalisent de courts films, font leurs débuts professionnels à l’ONF. Sans doute influencés par cette expérience, certains d’entre eux et d’entre elles utilisent la forme du road-movie pour réaliser leur premier documentaire. C’est le cas des cinéastes Denis Villeneuve et Philippe Falardeau et de leurs films respectifs REW-FFWD (1994) et Pâté chinois (1997). Le premier raconte le périple fictif d’un photographe de magazine parti en Jamaïque prendre des photos d’une ex-Miss Monde, mais dont la voiture tombe en panne dans un quartier réputé dangereux de Kingston. Forcé d’attendre pendant des jours, le photographe se replie d’abord sur lui-même à l’intérieur de sa voiture pour ensuite découvrir ce qui l’entoure. Villeneuve mélange habilement fiction et documentaire pour nous présenter un portrait unique de la Jamaïque sous la forme d’un psychodrame (ce sont les mots du cinéaste[4]) et d’un road-movie « brisé » ou « arrêté[5] ».

REW-FFWD, Denis Villeneuve, offert par l'Office national du film du Canada

Le second, qui a également recours aux mécanismes de la fiction dans son documentaire, nous propose une traversée du Canada d’est en ouest. Philippe Falardeau se glisse dans la peau d’un jeune espion industriel, qui se voit confier la mission, par un riche entrepreneur de Hong Kong, de débusquer les bonnes affaires dans la restauration chinoise partout au pays. Ce road-movie pancanadien, qui n’est pas sans rappeler les films touristiques dont nous avons parlé précédemment, nous entraîne sur les traces de l’immigration chinoise au Canada, d’un restaurant chinois à un autre, de Saint-Jean de Terre-Neuve à Vancouver.

Pâté chinois, Philippe Falardeau, offert par l'Office national du film du Canada

Le road-movie environnemental

Au tournant du 21e siècle, les questions environnementales sont au centre des préoccupations des cinéastes de l’ONF. Plusieurs d’entre eux et d’entre elles les abordent dans leurs documentaires et utilisent la forme du road-movie pour faire valoir leurs propos. Dans son documentaire Quelques raisons d’espérer (2001), Fernand Dansereau nous propose un voyage d’un bout à l’autre de l’Amérique, de la terre de Baffin au Brésil à la Gaspésie, en passant par la ville de New York, puis en Europe, à Paris et à Londres plus précisément, alors qu’il raconte le parcours et esquisse le portrait d’un homme de cœur et de conviction : son cousin, l’écologiste Pierre Dansereau, mort en 2011 à l’âge de 99 ans. Vivre comme les caribous (2004) de Leanne Allison et Diana Wilson retrace le périple de 1500 kilomètres à travers le Yukon et l’Alaska qu’ont effectué à pied l’écologiste et cinéaste Leanne Allison et le biologiste Karsten Heuer afin de suivre à la trace 120 000 caribous, des animaux menacés d’extinction par l’exploitation pétrolière et gazière. Enfin, Visionnaires planétaires (2009) de Sylvie Van Brabant nous invite à suivre, aux quatre coins du globe, le militant écologiste Mikael Rioux alors qu’il va à la rencontre d’hommes et de femmes qui ont créé des projets innovateurs fournissant des solutions concrètes à divers problèmes environnementaux.

Visionnaires planétaires, Sylvie Van Brabant, offert par l'Office national du film du Canada

Quête de sens

Le road-movie documentaire prend aussi parfois la forme d’une quête de sens. La cinéaste Monique LeBlanc s’interroge sur la peur de l’autre dans son documentaire post-11 septembre 2001 Les chemins de Marie (2005). Elle parcourt les États-Unis en voiture et nous fait découvrir un pays qui vit dans la peur, à une époque où le gouvernement américain multiplie les annonces de menaces d’attaques terroristes et mène une guerre contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak. Une peur de l’autre qui s’étend bien au-delà de notre voisin du sud et qui nous pousse à l’égoïsme, l’indifférence, l’immobilisme et même la xénophobie.

Les chemins de Marie, Monique LeBlanc, offert par l'Office national du film du Canada

La réalisatrice Mira Burt-Wintonick tente, avec Wintopia (2019), d’achever le dernier film de son père, le documentariste Peter Wintonick. Après la mort de ce dernier, en 2013, elle retrouve au sous-sol de la maison familiale des cartons contenant plus de 300 vidéocassettes. Elles renferment des images tournées par le cinéaste sur une période de quinze ans. Un projet inachevé intitulé Utopia. Au cours de ses nombreux voyages à travers le monde, Wintonick était à la recherche d’un idéal, d’une utopie sur terre, un lieu où toutes et tous seraient heureux. Il s’était lancé dans une quête du paradis perdu et voulait en tirer un film. Sa fille réussira, à l’aide de ses images vidéo, à mettre à l’écran son impossible quête.

Wintopia (Version française), Mira Burt-Wintonick, offert par l'Office national du film du Canada

Plus récemment, dans un documentaire que nous venons tout juste de lancer sur onf.ca, Une moto m’a sauvé la vie (2022), la cinéaste Lori Lozinski chevauche sa moto et parcourt les routes du nord de l’Alberta. Ce voyage devient pour elle le point de départ d’une quête personnelle, parfois douloureuse : apprivoiser la mort de ses parents.

Une moto m'a sauvé la vie, lori lozinski, offert par l'Office national du film du Canada

Il est clair que le road-movie n’est pas qu’une affaire de long métrage de fiction. Et nous n’avons même pas parlé d’animation ! Des courts métrages animés comme Truck (1975) de Robert Awad, Joséphine (2000) d’Anne-Marie Sirois ou Sur la route (2011) d’Anita Lebeau empruntent aussi au genre.

Je vous invite à regarder les films mentionnés dans ce billet, particulièrement le tout récent documentaire de Lori Lozinski Une moto m’a sauvé la vie. Si vous avez envie d’en voir plus, vous pouvez également consulter notre chaîne Sur la route.


[1] Citation tirée du film Voyage en Amérique avec un cheval emprunté (1987) de Jean Chabot, une production de l’Office national du film du Canada.

[2] Idem.

[3] L’émission est d’abord appelée La course des Amériques, La course Amérique-Afrique puis La course Europe-Asie.

[4] REW-FFWD (1994) de Denis Villeneuve, une production de l’Office national du film du Canada.

[5] Citation tirée du film REW-FFWD (1994) de Denis Villeneuve, une production de l’Office national du film du Canada.

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