Enseignement supérieur | Kímmapiiyipitssini : la voie de l’empathie
Kímmapiiyipitssini : la voie de l’empathie nous enseigne la valeur que revêt, pour les Pieds-Noirs, la notion de kímmapiiyipitssini (GEE-maa-bee-bit-sin), un terme aux multiples facettes que les mots ne suffisent pas à définir, et que seuls les gestes accomplis permettent de saisir pleinement. Ce documentaire brosse un portrait cru et révélateur du travail et des efforts soutenus que poursuit la Dre Esther Tailfeathers dans sa communauté natale de la Première Nation des Kainai, dans le sud de l’Alberta, l’une des quatre nations appartenant à la Confédération des Pieds-Noirs. Le film est réalisé par sa fille aux nombreux talents, Elle-Máijá Tailfeathers, et toutes deux y racontent comment elles aident leur communauté à lutter contre l’abus de substances. La crise la plus récente, celle des opioïdes, touche de nombreuses familles et communautés autochtones.
Kímmapiiyipitssini : la voie de l’empathie, Elle-Máijá Tailfeathers, offert par l’Office national du film du Canada
La réduction des méfaits à la manière autochtone
La Dre Tailfeathers soutient le traitement des dépendances par la réduction des méfaits et l’éducation en matière de santé publique en appliquant les méthodes de guérison traditionnelles qui s’harmonisent à la vision du monde et aux valeurs de participation communautaire des Pieds-Noirs. Elle aborde sa pratique avec compassion et bienveillance, guidant chaque personne sur la voie d’un traitement holistique fondé sur les enseignements spirituels et culturels des Pieds-Noirs. Elle reconnaît l’humanité en chaque patiente ou patient et membre de la communauté tout en défendant la valeur de kímmapiiyipitssini. Le film met en évidence le sous-financement des programmes de réduction des méfaits innovateurs qui produisent des résultats et sont adaptés aux populations autochtones. Il illustre la complexité du cheminement menant au rétablissement et à la guérison, un parcours semé d’embûches que multiplient la colonisation, le racisme systémique et les traumatismes intergénérationnels. Jamais la Nation des Kainai et les autres communautés autochtones touchées n’auraient pu imaginer qu’une puissante civilisation guerrière dont le bison représentait l’élément spirituel fondamental puisse être frappée par la crise sanitaire actuelle. En raison du contact avec les Européens, de l’élimination du bison et de la violence continue attribuable à la colonisation, les Pieds-Noirs ont été forcés de conclure des traités qui les ont cantonnés à de petites parcelles de terre de réserve.
Les conséquences durables des pensionnats autochtones
La colonisation et les visées assimilatrices du gouvernement canadien ont bouleversé le mode de vie des Pieds-Noirs. Qui plus est, l’instauration des pensionnats autochtones est venue ajouter à la destruction des familles et des systèmes de savoir traditionnels. Cette horrible expérience et le génocide culturel dans lequel elle s’inscrit ont coûté la vie à des millions de membres des Premières Nations, une réalité qui se perpétue de nos jours. Selon la Dre Tailfeathers, le système des pensionnats autochtones constitue l’une des nombreuses strates du traumatisme dont souffre son peuple. Tout au long du film, on en constate les conséquences en écoutant des histoires vécues par des survivantes et survivants. L’un d’eux pleure en se remémorant ces souvenirs. On ressent la tristesse qu’ont entraînée la mort et la destruction globale et accablante des familles. Et malgré tout, la force, la beauté et la résilience persistante des Pieds-Noirs s’illustrent dans leurs larges sourires, leurs rires, leurs cérémonies, leur spiritualité et l’accueil de chacune des naissances.
Le soutien communautaire
La vision autochtone de la réduction des méfaits est soutenue par l’organisme Sage Clan, un groupe communautaire local dont les membres n’hésitent pas à parcourir les ruelles de Lethbridge, la ville la plus proche de la communauté des Kainai. En faisant preuve de compassion et de compréhension, cette patrouille assure la sécurité de ses concitoyennes et concitoyens qui se sont tournés vers les médicaments et l’accoutumance pour surmonter leur traumatisme. La patrouille tire sa force des pratiques culturelles des Pieds-Noirs liées aux chants, au tambour et à l’empathie pour soutenir par la prière, le respect et la bonté — kímmapiiyipitssini — les proches marginalisés et déracinés.
Comprendre et appliquer la notion de kímmapiiyipitssini
Ce documentaire présente une image exacte de la lutte contre les dépendances que mènent aujourd’hui de nombreuses communautés autochtones. La Dre Tailfeathers mise toutefois sur la résilience des Pieds-Noirs, sur leur capacité à survivre et à prospérer lorsqu’elle autochtonise les soins de santé et le rétablissement au sein de sa communauté. Sa fille a su capter dans ce film la beauté et la force de la Nation des Kainai, depuis les plans de paysages pittoresques jusqu’aux chants et aux prières des personnes aînées. Elle souhaite ainsi assurer la longévité de son peuple et perpétuer les modes de connaissance des Pieds-Noirs, mais plus encore, faire en sorte que la notion de kímmapiiyipitssini soit comprise et appliquée.
Nicholle Weasel Traveller affiche avec fierté son appartenance à la Nation Piikani, de la Confédération des Pieds-Noirs. En 2019, elle a obtenu une maîtrise en éducation des peuples autochtones à l’Université de l’Alberta. Elle est actuellement enseignante et conseillère pédagogique au niveau secondaire à Edmonton, en Alberta. Elle pratique les modes de connaissance traditionnels niitsitapi et s’investit dans les communautés autochtones des Traités nos 6 et 7.
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