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Retour vers le futur, ou la petite histoire du film fixe | Perspective du conservateur

Retour vers le futur, ou la petite histoire du film fixe | Perspective du conservateur

Retour vers le futur, ou la petite histoire du film fixe | Perspective du conservateur

Nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, dit l’adage. Pourtant, avec cette pandémie qui perdure et le développement rapide des nouvelles technologies, il y a fort à parier que le futur des outils pédagogiques de l’ONF reposera encore davantage sur une présence en ligne, que ce soit via la diffusion en continu des films, les expériences web interactives, les applications, les projets de réalité virtuelle ou les contenus sur les médias sociaux. Mais qu’en était-il de ces outils au tout début de l’organisme? Qu’est-ce qui représentait l’avenir en éducation dans les années 1940?

En cette période de rentrée scolaire, j’ai cru qu’il serait intéressant, voire amusant de se poser la question. Effectuons donc un retour vers ce futur antérieur!

Le film quoi ?

Une fois la Seconde Guerre mondiale terminée, l’ONF commence à produire du matériel pour les milieux scolaires. Mais de quel matériel s’agit-il ? Réponse : le film fixe. Le film quoi ? Le film fixe. C’était, grosso modo, un rouleau de pellicule 35 mm, sur lequel étaient imprimées des images, qu’on insérait dans un projecteur et qui permettait au professeur de projeter sur un écran une image à la fois. Ces images seront accompagnées plus tard d’une musique, ou d’une narration sur disque ou encore d’un commentaire écrit pouvant être lu par l’enseignant en classe. La popularité des films fixes ne fait que croître dans les années 1940 et ils sont vite considérés comme l’outil éducatif de l’avenir.

Un outil d’entraînement militaire

C’est en 1943 que l’ONF produit les premières projections fixes, ou films fixes, comme on a tôt fait de les appeler. Ils servent d’abord d’outils de formation et d’entraînement des militaires, mais, très vite, on réalise leur potentiel comme outils d’apprentissage scolaire. En 1946, la section graphique de l’ONF met sur pied un programme de production de films fixes en noir et blanc. On en produit 20 dès la première année. Le succès est instantané! À la fin de l’année financière 1947-1948, le total des exemplaires de ces 20 films fixes vendus dans les écoles et les bibliothèques se chiffre à 1100!

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Des élèves et des professeurs d’une école du quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal, visionnent des films fixes distribués par l’ONF (1966).

ONF

Un studio qui prend de l’importance

Dans les années 1950, on ne parle plus de programme, mais bien de studio de production de films fixes. Ce studio produit une soixantaine de films fixes en couleur et en noir et blanc, parfois même jusqu’à 90, chaque année. En 1957, alors qu’un film fixe en noir et blanc se vend 1,50 $, qu’il faut débourser 3,50 $ pour en obtenir un en couleur et 5,50 $ si l’on veut qu’il soit accompagné d’un enregistrement sonore, les ventes au Canada et à l’étranger représentent plus de 16 000$. Les sujets sont variés. Ils vont de l’histoire à la géographie, à l’art et à la littérature, en passant par l’agriculture, les sciences naturelles et la santé.

Un conte de fées

En 1958, le studio de films fixes produit Cendrillon, une œuvre en couleur, destinée à l’apprentissage du français et réalisée à partir de dessins d’élèves d’une école primaire de Montréal. La musique est écrite par un compositeur de l’ONF et interprétée par les musiciens de l’organisme. Une première pour un film fixe! Cendrillon sera par la suite transformé en un court métrage d’animation en format 16mm, sous le titre The Story of Cinderella (1958) en anglais et Un conte de fées : Cendrillon (1961) en français.

Un conte de fées : Cendrillon, , offert par l’Office national du film du Canada

Une chanson populaire

Par la suite, les films fixes deviennent de plus en plus sophistiqués. Ils sont majoritairement en couleur et comportent des diagrammes, des cartes, des dessins et même des peintures réalisées par des artistes qui travaillent au studio. Cadet Rousselle (1959) en est un exemple probant. Ce petit bijou est entièrement réalisé à partir d’illustrations du peintre Jean Dallaire. On y ajoutera plus tard un disque sur lequel Félix Leclerc interprète la célèbre chanson. Trente ans plus tard, à l’occasion du 50e anniversaire de l’ONF, le cinéaste Daniel Frenette en tire une animation, qu’il intitule Félix Leclerc chante Cadet Rousselle (1989).

Félix Leclerc chante Cadet Rousselle , Daniel Frenette, offert par l’Office national du film du Canada

Un outil indispensable

Dans les années 1960, les films fixes sont dans toutes les écoles du pays. Leur popularité atteint des sommets sans précédent. Ils sont traduits dans d’autres langues, adaptés puis vendus à l’étranger, notamment aux États-Unis, en Angleterre et en Suède. Ils deviennent aussi des compléments d’information pour des films qui traitent du même sujet. Mentionnons, par exemple, The Long March West (1961) sur l’histoire de la GRC, qui vient compléter le film de Colin Low The Days of Whiskey Gap (1961), ou encore Lord Durham (1961), qui s’ajoute au film du même nom de John Howe de la série Artisans de notre histoire. Les films fixes sont maintenant des outils indispensables pour les professeurs et ils sont réalisés en fonction des programmes scolaires et des méthodes d’enseignement.

Le multimédia

À la fin des années 1960 et dans les années 1970, l’ONF développe de nouveaux outils pédagogiques, comme les boucles de film 8 mm, les jeux de diapositives et de photos, et, ce qu’on appelle à l’époque des ensembles multimédias. Les films fixes, bien que toujours distribués séparément et fort populaires, feront partie de ces ensembles multimédias avec les boucles 8 mm, les diapositives et les photos. La grande cinéaste abénaquise Alanis Obomsawin réalise un de ces ensembles, la série Manawan (1972), un regard unique sur la communauté attikamek de Manawan. Les sept films de la série sont d’ailleurs accessibles sur notre page Cinéma autochtone.

L’histoire de Manawan – Première partie, Alanis Obomsawin, offert par l’Office national du film du Canada

Le Studio G

Au début des années 1980, un nouveau studio multimédia voit le jour: le Studio G. C’est à lui qu’incombera dorénavant la production des films fixes et des ensembles multimédias. Bien que la demande de films fixes reste constante et que leurs ventes soient encore bonnes jusqu’au milieu des années 1980, leur production décline considérablement. Le Studio G se tourne vers la production vidéo, et l’ONF favorise la distribution de vidéocassettes de ses films dans les écoles et les bibliothèques.

En 1989, le Studio ne fait plus de films fixes et se concentre sur la production de séries éducatives en vidéo. La sortie, en 1988, de la série Pour tout dire et, un an plus tard, de Perspectives in Science sonne le glas du film fixe, mettant ainsi fin à une histoire qui aura duré un peu plus de 40 ans!

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