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Pause ONF avec Felix & Paul Studios

Pause ONF avec Felix & Paul Studios

Pause ONF avec Felix & Paul Studios

Après le magnifique Strangers with Patrick Watson, Clyde Henry Productions (Chris Lavis et Maciek Szczerbowski) a à nouveau uni ses forces créatrices avec celles de Felix & Paul Studios (Félix Lajeunesse et Paul Raphaël) pour créer une œuvre de réalité virtuelle complètement hors norme : Gymnasia.

Présentée en première mondiale au festival de Tribeca le printemps dernier, cette coproduction avec le Studio interactif de l’ONF (Dana Dansereau) fait appel aux mondes de l’enfance et du rêve pour titiller les principes de base de la réalité virtuelle telle qu’on la pratiquait jusqu’à maintenant.

À voir : Pause ONF avec Felix & Paul Studios

Le directeur de création Paul Raphaël revient sur l’origine de cette fructueuse collaboration et nous explique les innovations technologiques qui ont rendu Gymnasia possible.


À quand remonte votre premier contact avec l’univers artistique de Chris Lavis et Maciek Szczerbowski?

Je connaissais bien leurs films, comme Madame Tutli-Putli ou celui qu’ils avaient fait avec Spike Jonze [Higglety Pigglety Pop!], mais c’est vraiment au TIFF que j’ai réalisé toutes les affinités qu’on avait. On était dans le même programme de courts métrages stéréoscopiques : ils montraient Cochemare, et nous, Sparkling River. Je pense que ces deux films étaient un peu des frères spirituels, avec une philosophie similaire et un traitement de la stéréo un peu plus contemplatif. En découvrant nos films respectifs, on s’est vraiment demandé comment il était possible qu’on ne se soit jamais rencontrés! Et en discutant autour de quelques verres après la projection, on savait déjà que ce serait super de collaborer.

Comment en êtes-vous venus à créer une expérience de réalité virtuelle ensemble?

À l’époque, je commençais à penser à la réalité virtuelle, mais c’était juste un pipe dream! Quand je me suis procuré le premier prototype de l’Oculus Rift, je me suis mis à me demander comment on pourrait faire pour « mettre la vraie vie dans le casque ». Les seules choses qui se faisaient étaient des genres de démos, des semi-jeux… Au studio, on a passé quelques mois à développer la caméra, le procédé de traitement des images, le logiciel. On a fait quelques tests, et dès qu’on s’est mis à penser à un premier projet, l’idée d’une expérience musicale nous est venue en tête. On voulait proposer un moment avec un artiste.

Naturellement, on a tout de suite pensé à Chris et Maciek parce que c’est avec eux qu’on avait le plus d’affinités concernant le storytelling immersif. Ils ont adoré! Et comme ils étaient très proches de Patrick Watson, on a pu lui présenter nos tests RV. On a décidé, à cinq, d’explorer ensemble ce que pourrait être une première œuvre de réalité virtuelle filmée. Est né Strangers, notre premier projet en RV avec Chris, Maciek et Patrick.

Vous voici à nouveau réunis pour Gymnasia — même avec Patrick Watson, qui signe la musique. Est-ce que vous concevez cette nouvelle expérience en RV comme la continuité de la première?

C’en est certainement la continuité, même si le projet est très différent! Strangers, c’était du documentaire ultra raw, avec le moins d’interférences possible. Patrick joue dans son studio, et on dirait qu’il n’y a pas beaucoup d’autres choses qui se passent (même s’il y a énormément de décisions collectives en jeu!). Pour Gymnasia, Chris et Maciek nous ont approchés avec leur idée alors qu’on venait de terminer notre projet avec Wes Anderson, le film compagnon d’Isle of Dogs. Le moment était parfait, car on venait de développer notre premier procédé de capture de miniatures et de stop-motion. On a mis toutes les possibilités technologiques et créatives de notre studio au service de leur vision.

Qu’est-ce qui, dans l’idée de Chris et Maciek, vous a le plus interpellés?

Personnellement, ce qui m’intéressait le plus était l’exploration d’univers plus intérieurs, comme le rêve ou l’imaginaire. Presque tout ce qu’on a fait avant était plutôt ancré dans le réel… Même nos projets de fiction — avec des dinosaures, par exemple — demeuraient assez groundés. Gymnasia, c’était plutôt une plongée en profondeur dans un royaume plus intérieur : la psyché humaine.

Est-ce que cette exploration différente représentait un grand défi pour Felix & Paul Studios, qui coproduit l’œuvre avec l’ONF?

Absolument! C’est ça qui était fascinant. Vous savez, on appelle ça la réalité virtuelle, mais je crois que c’est plutôt un simulateur de conscience et de perception. Il fallait qu’on explore aussi les autres modes de l’expérience humaine. On avait déjà touché un peu au rêve avec Dreams of “O [projet réalisé par F & P sur le Cirque du Soleil], mais ce n’était pas une plongée totale comme Gymnasia. On avait aussi exploré la pensée ou le souvenir dans notre projet avec Barack Obama dans la Maison-Blanche [The People’s House] : ça bascule de l’ultra-réalisme aux souvenirs de manière assez délibérée. C’est bien plus que « je suis là et je me promène dans la Maison-Blanche ». Il y a un rythme et une façon de voyager à travers l’espace et le temps qui étaient très intéressants; ça commençait à toucher à cet inner realm, même si on était encore dans le réel. Gymnasia était l’occasion parfaite et un beau défi pour aller encore plus loin dans cette plongée.

À voir aussi : Pause ONF avec Chris Lavis et Maciek Szczerbowski

La création de Gymnasia a fait appel à de nombreuses innovations technologiques. Pouvez-vous nous expliquer quel était le principal défi de cette œuvre?

D’abord, il y a certains procédés qu’on a développés pour Isle of Dogs et qu’on a améliorés ou simplifiés pour Gymnasia, parce que c’était très long à faire! Ensuite, il y a ceux qu’on a dû développer spécifiquement pour Gymnasia. Dans les deux cas, on profite de l’animation image par image pour décomposer ce qui, normalement, serait filmé tout en même temps par une caméra. Pour capter la réalité, on emploie des caméras qui filment à 360 degrés, en stéréoscopie, à échelle humaine. Mais ici, ce qu’on voulait faire, c’était plutôt de capter les images à l’échelle des marionnettes. On voulait que les marionnettes aient l’air life size, ou encore que le spectateur ait l’impression d’être puppet size. (Ça revient au même!)

Comment avez-vous procédé pour créer cette illusion?

Pour y parvenir, il faut filmer avec une distance interoculaire réduite. Un humain a un espace moyen de 6,4-6,5 cm entre les yeux, alors qu’une marionnette a moins du tiers de ça. Il fallait virtuellement créer une caméra qui avait les « yeux » beaucoup plus proches l’un de l’autre que dans la vraie vie. Sauf que ce n’est pas vraiment possible de faire ça quand on filme du réel. Mais puisque c’est du stop-motion, on y arrive en filmant chaque point de vue individuellement. À chaque frame, on prend plusieurs photos pour simuler une version réduite de notre caméra de réalité virtuelle. Ça vaut autant pour Isle of Dogs que pour Gymnasia, sauf qu’on a réussi à rendre le processus vraiment plus stable et efficace la deuxième fois.

Et quelle était la principale différence, sur le plan technique, entre ces deux projets?

Le film de Wes Anderson a des décors qui ne sont qu’à 180 degrés, donc on voit le fond dans notre film. Le concept était de Wes Anderson, et on a adoré : il fallait voir le studio, les animateurs qui travaillent, etc. Pour Gymnasia, on voulait vraiment un univers à 360 degrés, et c’était la première fois qu’on faisait une immersion totale dans le monde de l’animation. Vous pouvez imaginer la complexité d’entrer et sortir d’un décor 360, sans affecter la lumière ou bouger des choses, tout en gardant une vitesse de tournage raisonnable. C’était tout un défi. Une autre différence est que dans Gymnasia, on a fait le tout premier mouvement de caméra à échelle réduite de marionnette. Une innovation qui combinait tout ce qu’on avait appris sur Isle of Dogs et un autre de nos films, Jurassic World Blue.

Quel est le lien entre Gymnasia et Jurassic World Blue?

Jurassic World Blue était l’un des premiers projets où on bougeait la caméra, mais dans la plupart de nos projets, on suppose que le spectateur est une entité présente dans l’histoire. Je reprends l’exemple de la Maison-Blanche : Barack te parle, tu l’écoutes, tu es là. Dans Jurassic World Blue, c’était la première fois qu’on faisait un projet où le spectateur n’est pas réellement censé être là. Disons : « T’es là, mais t’es pas là. » (Rires.) Tu partages un peu la conscience de Blue, le vélociraptor.

Comment avez-vous procédé?

Il fallait éliminer ce qu’on appelle le « trou noir », qu’on retrouve dans tous nos autres projets. Ce « trou noir » est ce que tu vois quand tu regardes vers le bas : c’est un peu l’espace personnel du spectateur, au lieu du vide. Si on remplace le « trou noir » par autre chose, c’est comme si ça t’effaçait. C’est une chose qui peut assez facilement être faite, mais qu’on ne fait pas habituellement. Dans Jurassic World Blue et Gymnasia, on l’a fait. Sauf que pour Gymnasia, on l’a rempli avec un mouvement de caméra. Notre studio est d’ailleurs le seul à l’avoir fait, et on a gagné un prix pour cette technique l’an dernier.

Donc, Gymnasia combine des techniques du film compagnon d’Isle of Dogs, de Jurassic World Blue, de votre projet à la Maison-Blanche…

Gymnasia est vraiment un mishmash de toutes les techniques qu’on a développées au fil des six dernières années! En somme, on a combiné l’innovation de combler le trou noir, tout en faisant un mouvement de caméra, à ce qu’on avait développé pour faire de la capture à échelle réduite en stop-motion. C’est beaucoup à mettre ensemble et ça se retrouve dès le tout premier plan de Gymnasia! À cela, on a aussi ajouté un peu d’interactivité : la marionnette qui est sous toi (le visage avec le papillon qui te suit partout) possède ce qu’on appelle des gaze triggers, qui sont donc déclenchés par ton regard.

Gymnasia a suscité des réactions très enthousiastes lorsqu’il a été présenté à Tribeca. Êtes-vous surpris de la manière dont les spectateurs réagissent à l’œuvre?

La réception a été magnifique : on n’était pas en compétition, mais l’œuvre s’est retrouvée sur plusieurs listes best of de Tribeca. J’étais présent au festival et j’ai eu la chance de voir comment les gens réagissaient spontanément. Quand tu fais un projet comme ça, tu ne sais jamais comment ce sera reçu, et pour Gymnasia, je savais encore moins à quoi m’attendre. La seule plainte qu’on a eue est que c’était trop court! (Rires.) C’est vrai que ça l’est, mais je pense que ça participe de l’univers du rêve. Quand on rêve, on ne choisit pas quand on va se réveiller. Les rêves sont toujours un peu des coïts interrompus, et c’est un peu ça, la fin de Gymnasia. Une chose est certaine : on n’a pas fini de collaborer avec Chris et Maciek dans l’univers du stop-motion. On commence déjà à discuter de projets à venir.

Et quels sont les autres projets qui occupent Felix & Paul Studios en ce moment?

On poursuit notre projet sur la Station spatiale internationale : depuis le début de l’année, on filme le troisième épisode de notre série Space Explorers avec la NASA. On travaille aussi sur un projet de réalité mixte avec Magic Leap. On développe actuellement un nouveau service qui explorera spécifiquement la RV interactive, ainsi que la réalité mixte et augmentée interactive.

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