Un homme meilleur : une victime à la rencontre de son agresseur
Attiya Khan, une conseillère qui défend la cause des victimes de violence, braque la caméra sur elle-même et sur son ex-copain agresseur dans ce documentaire captivant.
Un homme meilleur est un film qui surprend et renverse toutes les idées préconçues sur les abus. Alors qu’elle préparait un documentaire sur la violence faite aux femmes, Attiya finit par se retrouver devant la caméra plutôt que derrière. C’est en croisant à quelques reprises Steve, un ex qui l’a brutalisée il y a plus de 20 ans, qu’elle a eu l’idée de lui proposer d’y participer.
La relation entre Steve et Attiya n’a jamais été au beau fixe. Ils se souviennent tous deux du moment magique où ils se sont rencontrés, mais Attiya se rappelle aussi clairement la rapidité avec laquelle les choses se sont dégradées. Elle avait 16 ans et lui 18, et ils ont emménagé ensemble peu après. Leur couple a duré deux ans, au cours desquels Steve la battait et l’étranglait souvent au point de lui faire perdre connaissance.
Une nouvelle approche pour éliminer la violence conjugale
Plutôt que de se concentrer uniquement sur l’expérience d’Attiya, Un homme meilleur fait le pari audacieux d’inclure Steve dans le processus. Grâce à des rencontres entre Steve et Attiya, ainsi qu’à des segments filmés de leurs séances de thérapie (individuelles et ensemble), nous voyons comment chacun se souvient des événements… ou ne s’en souvient pas.
En résulte un film hautement inconfortable à regarder. Car on assiste à des confrontations entre la victime et son agresseur qui non seulement se produisent rarement en privé, mais encore moins devant une caméra. Il est très troublant d’écouter leurs versions de l’histoire, de voir là où elles divergent et là où elles sont douloureusement les mêmes.
Les cinéastes derrière le film : Attiya Khan et Lawrence Jackman
C’était la première fois qu’Attiya touchait au cinéma. « Un homme meilleur découle de mes expériences personnelles et professionnelles avec la violence conjugale. » Documenter ce qu’elle avait vécu avec Steve allait lui permettre de guérir et de comprendre. Son espoir : que le film aide d’autres personnes à s’en sortir.
Pour ce projet, Attiya s’est associée au réalisateur Lawrence Jackman. Ce dernier a fait montre d’une grande sensibilité quant au fait qu’ils allaient rendre public ce qui relève normalement de la sphère privée. Lui et toute l’équipe se sont chargés de rendre le tournage aussi simple et facile que possible.
La violence familiale en chiffres
Toutes les parties qui ont pris part à Un homme meilleur tendaient vers un seul but – aider les victimes à trouver un moyen de se sortir de leur situation difficile. Selon un rapport de Statistique Canada publié en 2013, la tranche des femmes de 15 à 24 ans s’avère, et de loin, la plus touchée par les crimes violents dans la population féminine. Ce même groupe d’âge est aussi le plus vulnérable à certains types de violence dans les fréquentations. Tous les six jours, une femme est tuée à la suite d’actes de violence au Canada.
Pourtant, malgré ces chiffres, on en a fait très peu pour la rééducation des hommes responsables de cette violence. En essayant de découvrir les motivations derrière le comportement de Steve, Un homme meilleur effleure les abus vécus par les agresseurs dans l’enfance. Cela montre à quel point la société ne fait pas grand-chose pour briser le cycle de la violence dès les premiers stades. Choisir d’inclure Steve dans ce film, et le voir prendre la responsabilité de ses actes, est un pas vers le changement des normes établies.
Le film est maintenant offert gratuitement sur le site ONF.ca afin de souligner la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Il n’est peut-être pas facile à regarder, mais il demeure essentiel.
Un homme meilleur, Attiya Khan et Lawrence Jackman, offert par l’Office national du film du Canada