La série « Souvenir » : de la réappropriation culturelle à son meilleur
L’ONF rend ses archives accessibles à des cinéastes autochtones qui reprennent contrôle du regard qu’on pose sur la communauté. Quatre reprises de pouvoir en mode vidéoclip.
Le résultat est étonnamment moderne. On prend donc des vidéos d’archives de l’ONF qui parlent de différentes communautés autochtones, avec un ton et un regard relativement colonisateurs. Des cinéastes des Premières nations ont eu accès à ces documents d’origine, et en font des montages rapides et brefs, qui viennent donner une réplique fière et assumée quelques décennies plus tard.
S’ajoute à ça la trame sonore, un mélange de chants de gorge et d’instruments traditionnels qui viennent donner une signature assez riche à ces documents. On a droit à des moments de montage sublimes. Par exemple, dans Sœurs et frères de Kent Monkman, les tambours et le chant arrivent à un point culminant alors qu’on voit une première image d’un prêtre debout devant une énorme croix blanche. C’est une réaction rétroactive et particulièrement ressentie face aux pensionnats autochtones. Dans le film, on compare le traitement réservé à ces pauvres élèves à la manière dont on gère les bisons dans le pays.
Soeurs et frères, Kent Monkman, offert par l’Office national du film du Canada
Mobiliser s’intéresse à la notion du déplacement et du territoire, alors que la nature et la ville s’affrontent, ou coexistent même.
Mobiliser, Caroline Monnet, offert par l’Office national du film du Canada
Nimmikaage (Elle danse pour son peuple), de Michelle Latimer, présente le caractère condescendant du regard colonisateur sur les traditions autochtones, et cherche à situer de nouveau les femmes autochtones de tout âge avec la nature, en comparaison cette fois non seulement avec les bisons, mais également les poissons, les orignaux et les cours d’eau.
Nimmikaage (Elle danse pour son peuple), Michelle Latimer, offert par l’Office national du film du Canada
Ce regard du colonisateur, il est peut-être à son plus grave et son plus méprisant avec Etlinisigu’niet (Vidés de leur sang), de Jeff Barnaby, alors que des médecins de l’époque (on présume) auscultent des femmes autochtones dans des conditions déplorables et sans une once de compassion ou d’intérêt notable pour le bien-être de leur sujet d’étude. Les regards des femmes étudiées sont déchirants, puisqu’ils sont soit détachés et absents, soit larmoyants et impuissants. On y trouve également un amusement assez condescendant face aux tenues traditionnelles des peuples ayant initialement occupé le territoire.
Etlinisigu’niet (Vidés de leur sang), Jeff Barnaby, offert par l’Office national du film du Canada
Ce projet, c’est un peu le contraire du long métrage documentaire controversé Of the North de Dominic Gagnon, qui avait vécu un parcours festivalier assez complexe. Plus tôt cette année, le cinéaste avait repris des scènes authentiques, filmées dans le Nord par ses habitants et téléversées sur YouTube, pour en faire un film critiqué par plusieurs membres des Premières nations, dont l’artiste Tanya Tagaq. Celle-ci avait réussi à faire retirer ses chants de gorge du film en question. Quand on entend les trames sonores des quatre courts métrages du projet « Souvenir » on réalise l’importance de cette tradition, dans un contexte à la fois harmonieux et revendicateur.
C’est beaucoup de choses, ces 12 minutes. De la réappropriation culturelle. Des clips de musique inusités. Des visites assumées d’une Histoire honteuse. Du montage ingénieux. Et c’est aussi, on l’entend, de la résistance et de la survie.
Quels beaux documents, malgré la tristesse que ces injustices nous inspirent… Merci à vous, d’enfin nous donner votre version des faits… Et pardonnez-nous ces horribles crimes commis au nom de je ne sais quoi… Il y a beaucoup de talent derrière ces courts-métrages montés avec une remarquable efficacité… Merci à vous!…