Pourquoi voir le documentaire The Act of Killing?
Considéré par la critique comme étant l’un des chefs d’oeuvre des dernières décennies, The Act of Killing, réalisé par Joshua Oppenheimer et produit par deux géants du cinéma, Werner Herzog et Errol Morris, fait partie de ces oeuvres nécessaires qu’il faut avoir vues au moins une fois dans sa vie. Acclamé mondialement, ce long métrage intelligent, d’une puissance inouïe, va bien au-delà de la tragédie humaine innommable perpétrée en Indonésie en 1965. Il donne la parole aux bourreaux pour tâcher de démystifier ce qui les a poussé à commettre l’irréparable et de comprendre les mécanismes qui leur permettent de vivre avec les fantômes de ces vies arrachées.
Octobre 1965. L’armée prend le pouvoir à Jakarta en Indonésie. Pendant plus d’un an, la junte militaire extermine les «membres» et «sympathisants» du Parti communiste. Au total, plus d’un million de personnes sont massacrées. Depuis, les génocidaires n’ont jamais été punis. Pire, ils dirigent encore le pays aujourd’hui…
Le réalisateur a décidé d’aller à leur rencontre avec une idée bien particulière… Il propose aux tueurs de rejouer leurs crimes dans des mises en scène de leur choix pour le cinéma. Le concept enthousiasme les leaders, dont un certain Anwar Congo, à la tête des milices paramilitaires qui contrôlent encore le pays, et reconnu pour avoir enlevé la vie à plus d’un millier de personnes.
On passe donc près de deux heures ahurissantes en compagnie de ces bourreaux sanguinaires et sans scrupule. On les voit faire l’apologie de leurs crimes sans aucun remord. Ils jouent à la fois le rôle des bourreaux et des victimes. Ils rigolent, dansent le cha-cha à l’endroit même où des centaines d’individus ont été tués. À l’époque des purges, « je me sentais comme un gangster qui sort de l’écran», affirme Anwar. Des mots qui donnent froid dans le dos.
«Il y a un autre côté à cela qui est plus sombre, et c’est le plaisir de tuer – le plaisir humain. Je pense que Anwar et ses amis ne se sont jamais sentis aussi démesurément puissants que lorsqu’ils prenaient des vies. » – Joshua Oppenheimer
Pourquoi donner tant d’attention à ces ignobles personnages? Là est la question.
À cela, le réalisateur répond dans une entrevue :
«Les familles de mon père et de ma belle-mère sont originaires d’Allemagne et d’Autriche. Elles ont échappé de justesse à la Shoah. Voilà pourquoi ont m’a appris que l’objectif de la morale et de la politique est de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais. Mais si nous prenons ça au sérieux, nous devons comprendre comment ces choses se produisent et comment les hommes en arrivent à s’anéantir les uns les autres. »
En donnant la parole aux bourreaux, le cinéaste a accompli le tour de force de mettre en lumière comment nous, les êtres humains, pouvons créer notre propre monde en racontant des histoires que nous utilisons ensuite pour justifier nos actions et échapper aux vérités les plus amères et douloureuses. C’est ce qui a soutenu les régimes de terreur passés, présents et ce sont les mécanismes qui soutiendront ceux à venir si nous refusons de les reconnaître. Hannah Arendt pourrait vous en dire long sur le sujet.
Dans l’une des dernières scènes, lorsque la caméra est braquée sur Anwar, celui-ci en vient à prendre conscience de la gravité de ses gestes. Probablement l’un des plus grands moments de cinéma documentaire qu’il m’ait été donné de voir et la plus belle illustration du pouvoir du cinéma.
N’hésitez pas à me faire part de vos impressions!
Bon cinéma!
D’une monstruosité édifiante…..
Affronter la face la plus noire de l’humain…
Bouleversée jusqu’à la nausée…
Mais tellement primordial de LE montrer
Et LE pire c’est que ces individus sont encore aujourd’hui au sein du pouvoir indonésien
Merci