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Michel Brault raconte Les raquetteurs et Pour la suite du monde

Michel Brault raconte Les raquetteurs et Pour la suite du monde

Michel Brault raconte Les raquetteurs et Pour la suite du monde

Ce billet est la 2e partie de mon compte-rendu de la classe de maître avec Michel Brault.

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Pour le tournage du film Les raquetteurs, Michel Brault et Gilles Groulx avaient demandé de l’aide à Marcel Carrière pour le son. Occupé, il leur avait promis d’aller les rejoindre un peu plus tard à Sherbrooke. Brault et Groulx se sont donc rendus seuls au congrès des raquetteurs. « On a commencé à filmer le vendredi soir, au bal d’ouverture », nous a raconté Brault. « Le lendemain, nous avons filmé la course des raquetteurs et le surlendemain, nous avons assisté à la cérémonie de remise de clés du maire de la ville. C’est alors que j’ai aperçu Marcel à travers ma caméra. Il a déposé un magnétophone par terre et il s‘est mis à enregistrer le son. » Si vous portez attention, vous pouvez apercevoir Marcel Carrière déposer son magnétophone par terre au tout début du film, vers 00:01:19.

Les raquetteurs, Gilles Groulx et Michel Brault, offert par l’Office national du film du Canada

Le cinéma documentaire a été muet jusqu’en 1957. Tous les films, sans exception, étaient filmés sans son. On ajoutait les bruits, les paroles et la musique au montage, au moment de la postproduction. Même la guerre avec été filmée sans son. Grâce à son initiative, Carrière venait de changer l’histoire du cinéma. « Il y avait beaucoup d’inventeurs à l’ONF à cette époque. Les cinéastes inventaient des trucs, mais aussi les techniciens et toutes sortes de personnes qui sont restés dans l’ombre », avoue Brault.

Lorsque Gilles Groulx a reçu tout le matériel du film dans sa salle de montage, il a découvert la bande-sonore de Carrière. Il s’est vite rendu-compte que le son coordonnait avec la scène de la remise de clés du maire. Il a donc pris l’initiative de synchroniser l’image et le son. C’était la première fois que des cinéastes réussissaient le son synchro au Canada. Le film Les raquetteurs de Michel Brault et de Gilles Groulx a été complété en 1957 et il est considéré comme étant le précurseur du cinéma direct.

Michel Brault avec une caméra antique de sa collection personnelle
Michel Brault avec une caméra antique de sa collection personnelle

En 1959, la femme du défunt cinéaste Robert Flaherty (Nanook of the North – 1922), organise un séminaire à Santa Barbara, en Californie, et décide d’y présenter Les raquetteurs. Brault s’y rend et fait la rencontre de Jean Rouch (Les maitres fous – 1954), qui a beaucoup aimé son film.

« Il a été particulièrement impressionné par une scène dans laquelle je suivais les raquetteurs après l’effort », nous a confié Brault. « Il trouvait que c’était une caractéristique intéressante et novatrice que de continuer à filmer une scène après son crescendo. Dans les années 1950, nous filmions avec des caméras à ressort qui s’arrêtaient à chaque 20 secondes. Il fallait penser au coût de la pellicule et à comment découper le film avant même de commencer à tourner. La plupart des films et des actualités filmés suivaient seulement les moments forts d’un événement. J’avais plutôt jugé la scène dans son ensemble et dans son épuisement. »

Étonné par l’audace et le talent de Michel Brault, Jean Rouch envoi un télégramme au caméraman pour l’inviter à travailler sur un de ses films en France. Sans hésiter, Brault s’y rend et tourne Chronique d’un été pour le célèbre cinéaste français. « Jean Rouch m’avait offert une caméra légère et presque silencieuse », nous dit le cinéaste. « Elle n’était pas synchrone, mais on synchronisait l’image et le son au montage. On utilisait deux bandes sonores, la A et la B, et on travaillait sur la B avant de tout refaire au propre sur la A. Le cinéma est né comme ça, un peu tout croche. Ce n’est que quelques années plus tard qu’est apparu le quartz, qui permettait de régler le son et l’image et de les synchroniser. » Une innovation qui fut une petite révolution pour les cinéastes partout dans le monde.

En revenant de Paris, Michel Brault s’est fait demander par Fernand Dansereau s’il voulait réaliser un film avec Pierre Perrault sur l’Isle-aux-Coudres. Il a accepté volontiers, ne sachant pas trop ce qu’il l’attendait. « En route, Pierre m’a glissé un scénario », nous a indiqué le cinéaste. « Il avait une idée derrière la tête. On s’est donc rendu à l’Auberge du capitaine de l’Isle-aux-Coudres et le lendemain matin, on est allé à la rencontre d’Alexis Tremblay, qui nous a raconté des histoires sur la pêche aux marsouins, une pratique de la région qui ne se faisait plus depuis 1924. J’étais ébloui. Pierre était déjà au courant de ces histoires, ayant déjà rencontré Alexis avant moi, d’où son idée de scénario. »

Touché, Brault a préféré ne pas faire lire le scénario de Perrault aux habitants de l’Isle-aux-Coudres, même s’il était très bien écrit. Il préférait demander aux gens de revivre l’expérience de la pêche aux marsouins au naturel et de les filmer tout en les laissant aller librement, à l’improviste. Avant le tournage, Marcel Carrière est venu les rejoindre pour faire le son. Ensembles, les trois complices ont tourné un véritable chef-d’œuvre du cinéma direct, une œuvre phare du cinéma québécois.

Pour la suite du monde, Pierre Perrault et Michel Brault, offert par l’Office national du film du Canada

Pendant le tournage de Pour la suite du monde, le Pilotone a fait son apparition sur les enregistreurs audio. Désormais, un câble reliait le caméraman et le preneur de son. « Il fallait faire attention de ne pas trop s’éloigner l’un de l’autre », nous a raconté Brault. Pendant ce tournage, le cinéaste avait une petite caméra qu’il était forcé de recharger à tous les 100 pieds, soit environ à chaque 2 minutes et demi. « Je devais me forcer pour analyser les scènes et pour essayer de prévoir les moments forts. Il fallait que je réfléchisse en filmant! Jusque-là, j’avais toujours vécu pour le moment présent. Je faisais ce que j’avais à faire et quand je me mettais à réfléchir, je m’enfargeais! », a-t-il rigolé. « Je crois que j’étais meilleur au début de ma carrière, lorsque je ne réfléchissais pas », a-t-il soudainement pensé à voix haute. Et Monique Simard de répliquer : « Il ne faudrait pas être trop humble. Tu as quand même réalisé Les ordres et fait la direction photo de Mon oncle Antoine pendant les années qui ont suivi. » Selon Monique, « les limites de la technique ont grandement influencé la créativité des cinéastes à cette époque. Pour réaliser un bon film, un réalisateur doit savoir utiliser à la fois la technique et les émotions. » Cinéastes en herbe, prenez-en notes.

Le temps filait et il était déjà l’heure du midi. La salle était sous le charme de ce joyeux raconteur et nous nous sommes entendus pour essayer d’organiser une seconde classe de maître très bientôt pour connaître la suite de cette fascinante carrière de Michel Brault. J’attends l’invitation avec grand plaisir!

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