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Films en ligne : mieux comprendre les droits sur le Web

Films en ligne : mieux comprendre les droits sur le Web

Films en ligne : mieux comprendre les droits sur le Web

Bien que je fasse partie de l’équipe Web de l’ONF depuis Noël passé, ce n’est que récemment que j’ai réalisé combien mes connaissances sur les droits Internet étaient vagues. Pourquoi sommes-nous capables de diffuser en continu certains films et pas d’autres? Comme je ne suis sans doute pas la seule à se poser ce genre de questions, j’ai pensé que d’autres seraient intéressés à savoir comment tout ça fonctionne.

C’est pourquoi j’ai demandé à la spécialiste en droits à l’ONF, Hélène Dubé (son vrai titre est administratrice, droits et contrats), de dissiper les mystères de l’affranchissement des droits. Entrée à l’ONF il y a 32 ans, elle travaille au service responsable de la gestion des droits depuis 1980. Disons qu’elle s’y connaît.

Tous les jours de la semaine, elle consulte et analyse les dossiers des droits afin de déterminer si nous avons légalement les droits permettant de présenter un film en ligne, dans les festivals ou dans les salles, d’en faire des DVD, etc. Je lui ai demandé un avant-midi de cette semaine de m’expliquer en long et en large de quoi il en retourne. Depuis, je pense à elle et à son équipe chaque fois que je clique sur le bouton de lecture de l’un de nos films en ligne et que la diffusion commence instantanément pour mon plus grand plaisir.

Carolyne Weldon : Pourquoi certains films peuvent-ils être affichés sur ONF.ca et d’autres pas?

Hélène Dubé : Avant d’afficher un film en ligne, il faut en affranchir tous les droits Internet. Pour les films récents ou en cours de réalisation, nous exigeons l’acquisition des droits Internet au moment de la production. C’est obligatoire, automatique. Avec les films produits avant le Net, le problème est que le droit de les diffuser en flux n’a jamais été négocié. Les droits Internet doivent alors être acquis au cas par cas. Pour cela, les analystes de la collection de l’ONF et les gestionnaires d’Entreprises numériques se réunissent et déterminent les titres dont ils désirent acheter les droits en priorité. Notre budget annuel étant limité, nous ne pouvons ajouter au site qu’un certain nombre de films par année.

CW : Quels sont les différents types de droits qui doivent être affranchis?

HD : Le dossier des droits de chaque film répertorie les personnes qui possèdent les droits des différents composants. Premièrement, il y a les images, la prise de vues : s’agit-il de matériel original ou d’archives; ont-ils utilisé des photos? Ensuite, viennent le scénario, les acteurs, la narration, la musique et les « autres droits », c’est-à-dire tout le reste. Pour ce qui est du scénario et des acteurs, les droits sont généralement faciles à obtenir puisqu’ils sont négociés en masse par l’entremise d’organismes comme l’ACTRA (Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) qui sont essentiellement des syndicats représentant les artistes. Nous n’avons pas à négocier les droits un par un. Ce qui est plus compliqué en général, et beaucoup plus cher, ce sont les images et la musique.

CW : Que se passe-t-il alors?

HD: Eh bien, il n’y a pas de problème si toute la musique et les images sont originaux. Aussi, c’est ce que nous privilégions à l’étape de la production, c’est-à-dire que nous demandons à un compositeur de faire une musique originale pour le film en question. Mais parfois ce n’est pas possible. Prenez le film Falling in Love Again qui est basé sur une chanson de Marlene Dietrich. Dans ces cas, nous devons acheter les droits. Aujourd’hui, l’acquisition des droits implique des dépenses coûteuses pour une période limitée. Les droits pour 30 secondes de musique dans un film peuvent coûter facilement plusieurs milliers de dollars pour une utilisation de cinq ans. Par conséquent, si durant cette période les droits ne peuvent être renouvelés, pour une question de budget ou autre, certains films qui pour l’instant font la joie des internautes devront être retirés. Nous pensons que ce sera le cas l’an prochain puisque diverses licences,  valables pour cinq ans, arriveront à terme.

CW : Y a-t-il d’autres défis auxquels vous devez faire face?

HD : Voyons voir… J’ai plus de 300 dossiers en suspens en ce moment et chacun d’eux est absolument unique. Il y a le cas des coproductions, qui généralement compliquent plus ou moins les choses. Avec les coproducteurs, la question est celle du partage des droits et des territoires. En ce qui concerne les droits, nous essayons de nous entendre avec les coproducteurs en leur disant : « Nous allons diffuser gratuitement le film sur notre site et vous ferez de même. » Mais souvent, les coproducteurs négocient en cours de production une prévente avec des diffuseurs télé afin de financer en partie leurs films, ce qui aboutit à des droits de télédiffusion exclusifs d’une durée de un an. Pour ce qui est du territoire, le site ONF.ca ne fait pas de géoblocage. Ce qui veut dire que nous sommes incapables d’imposer et de respecter les limites territoriales. Les coproductions exigent plus de travail.

Il y a aussi la question des successions lorsque les titulaires des droits sont décédés. Un des films sur lesquels je travaille en ce moment, Kate and Anna McGarrigle, en est un bon exemple. La musique du film a été écrite et interprétée par les deux sœurs, qui ont donc été conjointement détentrices des droits. Le film faisait partie cette année de ceux à ajouter prioritairement au site ONF.ca, mais malheureusement une des sœurs, Kate, est décédée en janvier dernier. Anna a accepté les conditions proposées, mais Kate n’a jamais été consultée à ce sujet de son vivant. Maintenant nous attendons de voir qui seront ses successeurs afin de négocier avec eux. Si ses deux enfants, Martha et Rufus Wainwright, sont désignés ils auront à signer un contrat de licence de droits. C’est beaucoup de travail, mais c’est aussi très gratifiant. Il n’y a pas de plus grande satisfaction que de conclure une importante négociation et de pouvoir afficher un film en ligne, tous droits affranchis.

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