Harmonium en Californie | Doux souvenirs d’un bel échec
Harmonium avait le vent dans les voiles. En 1974, le groupe désormais mythique venait de vendre 125 000 copies de son album éponyme, et son succès était indéniable. Il leur est arrivé une idée folle, défendue par leur gérant de l’époque dans des bureaux qui le transforment étrangement en hommes d’affaires lilliputien : allons conquérir l’Amérique.
C’est une idée également défendue par la critique musicale du Devoir de l’époque, Nathalie Petrowski : « le marché est trop petit ici, il faut sortir ». Harmonium a fait le tour. Il faut qu’il aille voir ailleurs s’il y est. Tiens, l’Amérique, pourquoi pas?
Harmonium en Californie, Robert Fortier, offert par l’Office national du film du Canada
Mais l’Amérique a toujours été une créature étrange, surtout fascinée, comme tant d’empires, par elle-même. Harmonium, un groupe canadien-français, qui décide de s’y rendre sans faire de compromis linguistiques, c’est au mieux un risque assez énorme, si on veut rester poli. Mais c’était une autre époque. Tout semblait possible. Mais tout ne l’était pas.
Au-delà de cette barrière linguistique, ce sont les failles logistiques qui ont servi de clou, non pas du spectacle, mais du cercueil de l’ambition américaine d’un groupe québécois. Alors que les membres du band discutent de façon tout à fait informelle avec de curieux américains à la recherche d’exotisme et d’ouverture d’esprit, le camion transportant tout leur équipement se perd en route, et leur premier concert à San Francisco, tant anticipé, tant promu, tant marketé, est tout simplement annulé. Ça inspire même René Lévesque, en déplacement promotionnel pour la culture québécoise, de demander avec une pointe d’exaspération, « Ça arrive quand vos maudits instruments? »
Simpler times : René Lévesque et Harmonium
Les maudits instruments finissent par arriver, et sont maudits, en effet. L’équipement musical du groupe, qui coute une petite fortune, ne peut pas être installé dans la salle de spectacle qu’ils ont réservé. Elle est trop petite, trop intime, pour que tout rentre. Des techniciens exaspérés rentrent le matériel dans le camion convoité alors qu’Harmonium se prépare à livrer un spectacle plus intime qu’il ne l’anticipait.
À la fin, les membres du groupe sont habités par un sentiment de soulagement et de désespoir. C’était une initiative bien peu fructueuse, mais également bien trop compliquée, et outre les petits moments de sublime vécus ici et là, ils savent qu’ils ne feront pas le chemin récurrent jusque dans les oreilles des Américains. Ce qui n’est pas si grave quand on sait à quel point ils ont une place privilégiée dans le cœur de Québécois. Parfois, on n’est prophète qu’en son pays.
Bon documentaire, j’adore Harmonium depuis toujours ! merci