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Le coup d’État au Chili dans l’objectif des cinéastes de l’ONF | Perspective du conservateur

Le coup d’État au Chili dans l’objectif des cinéastes de l’ONF | Perspective du conservateur

Le coup d’État au Chili dans l’objectif des cinéastes de l’ONF | Perspective du conservateur

En Amérique du Nord, on associe spontanément le 11 septembre aux événements tragiques qui ont frappé New York en 2001. Mais cette date rappelle aussi un épisode horrible et déterminant de l’histoire survenu de triste mémoire il y a 50 ans ce mois-ci : le coup d’État militaire au Chili et la mort de Salvador Allende.

« […] le général Augusto Pinochet, commandant en chef de l’armée chilienne, soutenu par la CIA et le gouvernement américain, renversait brutalement le gouvernement du président démocratiquement élu Salvador Allende[i] », écrit mon collègue Marc St-Pierre, conservateur de la collection française, dans un billet de blogue paru il y a 10 ans.

En ce cinquantième anniversaire solennel de la chute du gouvernement d’Allende, la Perspective du conservateur revient ce mois-ci sur le coup d’État au Chili tel que l’ont perçu divers cinéastes de l’ONF. Je vous invite d’entrée de jeu à voir Chili : la mémoire obstinée (1997), de la véritable légende vivante du cinéma documentaire qu’est Patricio Guzmán. Dans ce film, parmi les meilleurs documentaires qu’ait produits l’ONF, le réalisateur foule le sol de sa terre natale pour la première fois après 23 ans d’exil.

Chili : la mémoire obstinée, Patricio Guzman, offert par l’Office national du film du Canada

Un témoignage recueilli par des cinéastes québécois  

Salvador Allende Gossens est le premier président socialiste démocratiquement élu au monde. Fondé sur l’idée d’une coalition, l’Unité populaire, mise de l’avant par Allende, le développement sociopolitique du Chili attire l’attention de plusieurs gouvernements, de politiciens et d’une partie du grand public qui espèrent voir des sociétés plus égalitaires se multiplier sur la planète.

Deux cinéastes de l’ONF, Maurice Bulbulian et Michel Gauthier, s’y intéressent également. Ils se rendent en Amérique du Sud en 1972 afin d’établir des parallèles entre le Québec et le Chili sur la question de l’exploitation des mineurs et des ressources minérales. À l’issue de ce voyage, deux films voient le jour : Richesse des autres (1973) et Salvador Allende Gossens : un témoignage (1974). Ce dernier film présente un rare et unique portrait du président du Chili, dans lequel Allende expose les réformes sociopolitiques et financières qu’il projette pour son pays, notamment la nationalisation de l’industrie du cuivre (René Lévesque, Théo Gagné et Joseph Gosselin, personnalités emblématiques, paraissent aussi dans le documentaire).

Salvador Allende Gossens : un témoignage, Maurice Bulbulian et Michel Gauthier, offert par l’Office national du film du Canada

Des cinéastes du Chili en exil au Canada

Dans le billet de blogue évoqué plus haut, Marc St-Pierre rappelle qu’à la suite du renversement brutal du gouvernement, s’installe « une sanglante dictature de 17 ans, où sympathisants du président Allende, militants de gauche et opposants à la dictature seront séquestrés, torturés et assassinés[ii] ». Beaucoup parviennent toutefois à s’échapper et obtiennent l’asile politique dans divers pays du monde.

Quelque 7000 Chiliennes et Chiliens sont ainsi autorisés à entrer au Canada à titre de réfugiés[iii]. Parmi celles et ceux qui ont dû quitter leur mère patrie, Marilú Mallet, Jorge Fajardo et Rodrigo González deviennent les premiers cinéastes d’origine latino-américaine à réaliser un film au Canada. Ils font équipe pour créer Il n’y a pas d’oubli (1974), un film dont chacun d’eux a réalisé l’un des trois volets. Le dernier volet, Jours de fer (1975), a été réalisé par Jorge Fajardo. Il relate l’histoire d’un professeur d’université et militant de gauche qui trouve du travail dans une aciérie de Montréal. Le film de Fajardo figure parmi mes préférés, bien qu’il soit aussi l’un des plus bouleversants de notre collection.

Il n’y a pas d’oubli, Rodrigo Gonzalez, Jorge Fajardo et Marilú Mallet, offert par l’Office national du film du Canada

La cueca sola : portrait de cinq Chiliennes

De ces trois cinéastes originaires du Chili, seule Marilú Mallet continue de réaliser des films pour l’ONF. Au fil d’une carrière de 50 ans, elle en tourne au moins une douzaine, dont cinq sont produits par l’ONF : Lentemente (1974), Les Borges (1978), Mémoires d’une enfant des Andes (1985), Chère Amérique (1990) et La cueca sola (2003). Considérée aujourd’hui comme l’une des principales réalisatrices du Chili, Marilú Mallet a créé la plus grande partie de son œuvre en exil.

La cueca sola se penche sur ce que vivent cinq femmes durant la dictature qui fait suite à la mort d’Allende. Des milliers d’hommes disparaissent alors. « ¿Dónde Están? » (Où sont-ils ?), demandent les femmes au sujet de leurs partenaires de cueca, cette danse chilienne qui se joue à deux. Les femmes ont souffert durant la dictature, mais elles font figure d’héroïnes lorsque la démocratie reprend enfin ses droits. Comme le souligne Marc St-Pierre, La cueca sola est « [un] film fort, bouleversant qui, à travers le destin de cinq femmes, nous fait ressentir ce qu’a vécu le peuple chilien pendant et après la dictature[iv] ».

La cueca sola, Marilú Mallet, offert par l’Office national du film du Canada

Bien des questions demeurent

Si le compte exact des victimes de la dictature du Chili n’a jamais été établi, on estime qu’environ 130 000 personnes ont été détenues, 28 000, arrêtées, emprisonnées et torturées et au moins 3000, tuées[v]. Parmi celles-ci, Jorge Müller Silva (caméraman de la trilogie documentaire culte de Guzmán La bataille du Chili [1975-1979], une chronique de la tension politique au Chili et du coup d’État lui-même), ainsi que d’autres personnalités majeures de la scène artistique et culturelle du Chili, dont le chanteur folk Victor Jara et, vraisemblablement[vi], le poète et politicien Pablo Neruda, lauréat du prix Nobel de littérature.

Les débats se poursuivent d’ailleurs quant à la chaîne des événements qui se sont déroulés durant et après le coup d’État, et sur les preuves des crimes qui ont été effacées intentionnellement ou perdues à jamais, telles les dépouilles de milliers de personnes torturées. Les motifs ne manquent donc pas pour pousser les cinéastes à continuer de réaliser des films sur la dictature du Chili. Le côté obscur de la Dame Blanche (2006 ; aussi proposé en ce moment sur onf.ca), de Patricio Henríquez, relate par exemple l’histoire de l’Esmeralda, « le navire-école de la marine chilienne et un objet de fierté nationale. Mais […] la Dame Blanche, comme les Chiliens la surnomment, ne fait plus illusion. Cette beauté cache un passé trouble. Celui d’un bateau-prison utilisé dans le port de Valparaíso comme centre de torture au lendemain du coup d’État de 1973. Trente ans plus tard, l’impunité demeure et les autorités militaires continuent de nier. Aujourd’hui, les victimes de la dictature demandent justice[vii] ».

Le côté obscur de la Dame Blanche, Patricio Henríquez, offert par l’Office national du film du Canada

De Santiago à Vancouver, de Sydney à New York, des événements se tiennent dans diverses villes du monde pour souligner le 50e anniversaire du 11 septembre du Chili. Des films choisis de l’ONF seront présentés à l’occasion de ces événements auxquels un certain nombre d’entre vous aura peut-être la chance d’assister. Nous vous invitons également à consulter la chaîne d’onf.ca MOIS DU PATRIMOINE LATINO-AMÉRICAIN, qui rassemble des films de l’ONF réalisés à travers l’Amérique latine, en prêtant une attention particulière aux documentaires qui ont fait l’objet du présent billet.


 

[i] 11 septembre 1973 (2013), par Marc St-Pierre : https://blogue.onf.ca/blogue/2013/09/11/11-septembre-1973-coup-d-etat-chili/

[ii] Ibid.

[iii] https://quai21.ca/recherche/histoire-immigration/response-canada-crise-chilienne

[iv] 11 septembre 1973, par Marc St-Pierre.

[v] https://archive.globalpolicy.org/intljustice/wanted/2006/1027chargedgold.htm

[vi] https://www.science.org/content/article/pablo-neruda-was-poisoned-death-new-forensic-report-suggests

[vii] Extrait de la description du film de l’ONF : https://www.onf.ca/film/cote_obscur_de_la_dame_blanche/

Image d’en-tête: Salvador Allende Gossens : un témoignage (1974) de Maurice Bulbulian et Michel Gauthier

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