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Les changements climatiques en trois films percutants | Perspective du conservateur

Les changements climatiques en trois films percutants | Perspective du conservateur

Les changements climatiques en trois films percutants | Perspective du conservateur

Depuis 1970, le Jour de la Terre est célébré le 22 avril. Cette importante célébration, qui aura lieu cette année dans 193 pays et regroupera plus d’un milliard de personnes[1], nous ramène immanquablement à la question environnementale qui nous préoccupe sans doute le plus, celle du réchauffement climatique. À une époque où le débat sur l’existence d’un tel phénomène est de plus en plus polarisé et politisé, où des médias rapportent que le gouvernement américain s’emploie à effacer des données scientifiques sur le climat, alors que la communauté scientifique est arrivée à un consensus sur la question et que les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient partout dans le monde, où en sommes-nous dans notre réflexion ?

Certains de nos films sur le sujet proposent des réponses intéressantes, parfois surprenantes, à cette question. Nous en examinerons trois : Métamorphose (2018) de Nova Ami et Velcrow Ripper, L’ampleur de toutes choses (2020) de Jennifer Abbott et Perdre le bleu (2023) de Leanne Allison.

Un phénomène bien réel

Une chose est certaine, pour les cinéastes de ces trois documentaires, les changements climatiques ne sont plus une inquiétante possibilité et encore moins un débat politique. Ils sont bel et bien réels et tous les phénomènes qui en découlent s’accélèrent. Le documentaire de Nova Ami et Velcrow Ripper nous rappelle, notamment, que la période propice aux feux de forêt en Californie s’allonge et que l’ampleur des incendies augmente chaque année. Métamorphose note aussi que, depuis les 50 dernières années, 80 % du récif corallien dans les Caraïbes a disparu. Le film de Jennifer Abbott nous montre, entre autres, qu’au Nunatsiavut, une des régions du monde où le réchauffement est le plus rapide, les glaces s’amincissent et le paysage change drastiquement, et que la montée de l’océan est une réalité quotidienne pour la population des îles de Kiribati. Les scientifiques prédisent d’ailleurs que l’élévation du niveau de la mer submergera entièrement ce pays situé dans le Pacifique central d’ici 2100. L’ampleur de toutes choses montre aussi que la survie de la grande barrière de corail dans le Queensland, en Australie, est menacée par son blanchiment. Quant à Perdre le bleu, il signale que la fonte des glaciers des montagnes Rocheuses canadiennes altère le bleu des lacs environnants, une couleur magnifique qui pourrait bientôt complètement disparaître.

La résignation est-elle une fatalité?

Il est intéressant de noter qu’un constat se dégage de ces trois documentaires, celui d’une résignation quant à la possibilité d’arrêter le réchauffement climatique. Nous faisons face à une crise d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Il s’agit d’un phénomène planétaire qui ignore les frontières, qui n’épargne personne et qui touche toutes les espèces. Il ne nous est déjà plus possible de faire marche arrière, déclarent plusieurs protagonistes des trois films. Le monde tel que nous le connaissons est en train de disparaître. Comme le souligne la narratrice de Perdre le bleu : « Nous continuerons de nous asseoir au bord des lacs et de les admirer. Et un jour, nous finirons par oublier qu’ils ont déjà été bleus[2]. » Nous pensions que la nature était invincible, éternelle, et que l’humanité ne serait jamais menacée. Les changements auxquels nous faisons face nous rappellent que la nature est à la fois puissante et fragile et que les êtres humains sont mortels. Notre capacité à nous adapter à ces changements sera pour nous un enjeu existentiel profond dans l’avenir. La transformation du monde et la vitesse à laquelle elle se produira auront un effet énorme sur notre psyché, pensent ces mêmes protagonistes.

Perdre le bleu, Leanne Allison, offert par l’Office national du film du Canada

Angoisse, espoir et vérité

Comment réagissons-nous devant cette fatalité ? Des sentiments de tristesse, d’angoisse, de peur et parfois même de dépression sont mentionnés par plusieurs personnes dans Métamorphose et L’ampleur de toutes choses. Ce que l’on appelle maintenant l’écoanxiété. Mais voilà que cette angoisse nous paralyse, disent-elles. Nous avons plongé dans une sorte d’engourdissement physique et psychologique, un déni collectif qui nous paralyse. Un sentiment qui nous pousse à ne pas nous impliquer et à nous détacher. Clare Farrell et Roger Hallam, cofondatrice et cofondateur du mouvement écologique Extinction Rebellion au Royaume-Uni, qui apparaissent dans L’ampleur de toutes choses, sont d’avis que la plupart des gens ne veulent pas entendre parler de ce qui se passe réellement. Nous cachons nos eaux d’égout, nos ordures et nos déchets. Nous ne voulons pas admettre que la façon dont nous vivons cause une catastrophe, affirment-ils. Et quand on lui reproche son perpétuel message lugubre et négatif, comme le fait un animateur de télévision, Roger Hallam répond : « Ce n’est pas un message. Si votre médecin vous dit que vous avez le cancer, ce n’est pas un message, c’est la science[3]. » Le militant rejette toute forme d’espoir, car celui-ci nous empêche de passer à l’action. Nous nous disons que les choses ne vont pas si mal que ça finalement, et que, de toute façon, quelqu’un, quelque part, finira bien par prendre les choses en main. La vérité vaut mieux que l’espoir. C’est également l’avis de la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg : « Quand je parle aux gens, ils me disent qu’il faut garder espoir, qu’on ne peut pas seulement raconter ces histoires négatives, qu’il faut des histoires positives. Non, il faut dire la vérité. Même si elle n’est pas optimiste[4]. »

L’ampleur de toutes choses, Jennifer Abbott, offert par l’Office national du film du Canada

Un deuil écologique

Il nous faut donc faire face à cette cruelle vérité. Comment ? En faisant d’abord le deuil de ce que nous perdons. Nikki Silvestri, fondatrice et PDG de Soil and Shadow, qui participe au documentaire Métamorphose, l’explique ainsi : « Il faut savoir faire face au chagrin et l’attaquer de front, sans faire semblant de ne pas voir tout ce qu’on perd. Et être capable de célébrer tout ce qu’on aime afin d’être en mesure de le protéger. Voilà ce qu’on doit faire maintenant[5]. » La cinéaste Jennifer Abbott aborde également dans L’ampleur de toutes choses la question du deuil écologique. Elle établit un parallèle entre le chagrin de perdre un être cher, sa sœur décédée d’un cancer, et celui de voir notre planète se dégrader et d’être témoin de la disparition des éléments de la nature à cause des changements climatiques. Les protagonistes de son film expriment d’ailleurs, à leur façon, leur chagrin, comme Sarah Baike, Aînée et artiste du Nunatsiavut, qui pleure la perte du territoire de son peuple ou Anote Tong, ancien président de la République de Kiribati, qui pleure la disparition progressive des îles de son pays, englouties par la montée du niveau de l’océan, ou encore David Bowman, professeur de pyrogéographie et de science du feu, qui pleure l’extinction graduelle d’arbres millénaires. Il en va de même de la cinéaste Leanne Allison qui nous parle, à l’aide d’une narration poétique et des images d’une beauté à couper le souffle dans Perdre le bleu, de l’effacement progressif du bleu surnaturel des lacs entourant les montagnes Rocheuses canadiennes.

Métamorphose, Nova Ami et Velcrow Ripper, offert par l’Office national du film du Canada

Un espoir de transformation

Mais que faire ensuite ? Faut-il abandonner ? De toute manière, il est déjà trop tard. Tout est fini, croient peut-être certaines personnes. La doyenne de l’École d’études arctiques et subarctiques de l’Université Memorial de Terre-Neuve, Ashlee Cunsolo, qui apparaît dans L’ampleur de toutes choses, pense que non : « On ne peut pas faire ça, parce que ce n’est pas fini. Mais ça va être une période de deuil sans fin. Il va falloir faire la paix avec le deuil, mais ne pas abandonner[6]. » Elle ajoute plus loin : « Il doit y avoir un changement éthique profond qui nous permettra de parler d’un type de chagrin différent, pas un chagrin d’humain à humain, mais d’humain à plus qu’humain. On devra s’ouvrir et inclure tous les êtres[7]. » Cette idée d’aborder le problème sous un angle plus global, de considérer l’humanité et la nature comme un tout, et d’accepter que la destruction de la Terre est aussi notre destruction, est quelque chose qui est cher à plusieurs protagonistes du film de Jennifer Abbott. Ils et elles envisagent également une solution qui implique une profonde transformation. Comme le souligne Filka Sekulova, chercheuse à l’Université de Barcelone, Nikki Silvestri, dont nous avons parlé plus haut, et Robert Jay Lifton, psychiatre et écrivain, à la fin de Métamorphose : « Cette crise est l’occasion d’accomplir une transformation. Une transformation qui va au-delà des limites du linéaire. Quelque chose passe d’un état à un autre sans qu’on ait pu le prévoir. Un revirement. Des changements incertains et inattendus. Marquants et à l’échelle mondiale. Le choix nous appartient. Quelle direction donnerons-nous à cette métamorphose[8] ? »

Arriverons-nous à transformer le monde dans lequel nous vivons ? La question reste entière.

Je vous invite chaleureusement à découvrir les trois documentaires dont nous avons parlé dans ce billet. Vous pouvez également voir d’autres films sur l’environnement et l’écologie en visitant notre chaîne Zoom sur notre planète.

 

[1] Ces chiffres sont tirés du site de l’organisation Jour de la Terre Canada, jourdelaterre.org.

[2] Citation tirée du film Perdre le bleu (2023) de Leanne Allison, une production de l’Office national du film du Canada.

[3] Citation tirée du film L’ampleur de toutes choses (2020) de Jennifer Abbott, une production de Cedar Island Films, Flying Eye Productions, Magnitude Productions inc. et l’Office national du film du Canada.

[4] Ibid.

[5] Citation tirée du film Métamorphose (2018) de Nova Ami et Velcrow Ripper, une production de Clique Pictures (Toronto), Transparent Film (Gibsons) et l’Office national du film du Canada.

[6] Citation tirée du film L’ampleur de toutes choses, op. cit.

[7] Ibid.

[8] Citation tirée du film Métamorphose, op. cit.

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