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Théories du complot et histoires secrètes | Perspective du conservateur

Théories du complot et histoires secrètes | Perspective du conservateur

Théories du complot et histoires secrètes | Perspective du conservateur

L’Ordre de Jacques-Cartier, ça vous dit quelque chose ? La « Patente », comme on avait coutume de l’appeler dans certains cercles fermés, était une société secrète fondée à Vanier (aujourd’hui Ottawa) en 1926.

Elle avait pour mission à la fois de « promouvoir les intérêts religieux, sociaux et économiques des Canadiens français[1] » et de « contenir l’influence des sociétés anglophones (les Chevaliers de Colomb, l’Ordre d’Orange et la Franc-maçonnerie)[2] ». Cette organisation clandestine, qui comptait plus de 5 000 membres à sa dissolution en 1965, n’est pas l’objet d’une théorie du complot : elle a réellement existé ! Le père du cinéaste Phil Comeau en a été membre dans les années 1950. Le réalisateur acadien, originaire de baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse, en a d’ailleurs tiré un documentaire, L’Ordre secret (2022), que nous venons de lancer cette semaine sur ONF.ca.

L’ordre secret, Phil Comeau, offert par l’Office national du film du Canada

Le lancement de ce film m’a inspiré ce texte sur deux autres documentaires de notre collection qui parlent de complots et d’histoires secrètes. À l’heure des mouvances conspirationnistes, de la désinformation, des images trompeuses et des fausses vidéos créées par intelligence artificielle, les théories du complot pullulent sur le web et les médias sociaux. Ce billet veut aussi montrer qu’il ne s’agit pas d’un phénomène récent.

Histoire de felquistes[3]

Au début des années 1990, le cinéaste Jean-Daniel Lafond, qui s’intéresse au mouvement indépendantiste québécois depuis un bon moment, réalise un documentaire sur quatre anciens membres du Front de libération du Québec (FLQ) : Pierre Vallières, Charles Gagnon, Robert Comeau et Francis Simard. La liberté en colère (1994) s’articule autour d’une discussion qu’ont les quatre hommes dans un chalet, durant laquelle ils reviennent sur leur engagement social et politique et sur les événements de la crise d’Octobre, au moment où les électrices et les électeurs canadiens rejettent les accords constitutionnels de Charlottetown et où se profile la tenue d’un deuxième référendum sur la souveraineté du Québec.

Qui a tué Pierre Laporte ?

Mais ce n’est pas le moment fort du film. Il survient lorsque Pierre Vallières se retrouve seul avec Francis Simard, un des membres de la cellule Chénier du FLQ, qui ont enlevé, séquestré et assassiné Pierre Laporte lors de la crise d’Octobre. Une discussion s’engage alors sur les circonstances entourant la mort de Laporte. Vallières soutient que ce ne sont pas les membres de la cellule Chénier qui l’ont tué, mais le pouvoir politique. La mort de Laporte serait le résultat d’un complot fomenté par le gouvernement fédéral, qui cherchait à discréditer le FLQ, qui, lors des événements, avait la faveur d’une bonne partie de la population québécoise.

« Le meurtre de Laporte, c’est l’exécution d’un homme, mais aussi l’exécution politique du mouvement indépendantiste[4] », prétend Vallières. La thèse officielle voulant que Laporte ait été étranglé avec la chaînette qu’il portait au cou serait donc fausse, selon lui. Francis Simard n’est pas d’accord. Il était là. Les quatre membres de la cellule Chénier ont toujours affirmé qu’ils avaient tué Laporte, sans toutefois ne jamais préciser qui l’avait fait ni comment cela avait été fait. Vallières maintient sa position. Simard déclare qu’il n’a rien à ajouter, puis il sort du cadre et lance cette phrase énigmatique : « Tout le reste, je vais mourir avec, boss[5]… »

La liberté en colère, Jean-Daniel Lafond, offert par l’Office national du film du Canada

Qui a tué Pierre Laporte ? Le film n’apporte pas de réponse. Peu de gens soutiennent aujourd’hui la thèse d’un complot du gouvernement fédéral, avancée par Vallières, mais les circonstances exactes de la mort de Laporte restent obscures. Meurtre prémédité ou mort accidentelle ? La question se pose toujours.

Le complot des machines à pluie

Au cours du XXe siècle, la ville de Saguenay a été le théâtre de plusieurs catastrophes naturelles causées par des pluies abondantes : une importante inondation en 1925, un terrible glissement de terrain en 1971, qui a fait 31 morts, et, bien entendu, le fameux déluge de juillet 1996. Pour Rosaire Desbiens, protagoniste du documentaire de Claude Bérubé, L’incroyable histoire des machines à pluie (2007), cela fait beaucoup de catastrophes en peu de temps, que le hasard ni les changements climatiques ne sauraient expliquer. Mais alors, à quoi les attribuer ? Réponse de monsieur Desbiens : aux machines à pluie.

Ces machines, apparemment inventées aux États-Unis, auraient été largement utilisées par les alumineries de la région afin d’augmenter artificiellement les précipitations et de remplir leurs réservoirs d’eau, les assurant ainsi d’une ressource essentielle à leurs activités. En effet, la production d’aluminium par électrolyse nécessite beaucoup d’électricité. Pour cela, il faut des barrages hydroélectriques. Et les barrages ont besoin de rivières dont le niveau d’eau est haut pour fonctionner à plein régime.

Ces machines auraient donc augmenté de façon importante les quantités de pluie dans la région et ainsi provoqué des catastrophes naturelles. Évidemment, l’utilisation de ces machines aurait été gardée secrète. Elles seraient d’ailleurs encore utilisées de nos jours, installées sur tous les avions F-18 de la base des Forces canadiennes de Bagotville, au Saguenay. Tout au long du film, monsieur Desbiens est bien décidé à prouver sa théorie et à percer le mystère des machines à pluie.

L’ incroyable histoire des machines à pluie, Claude Bérubé, offert par l’Office national du film du Canada

De vraies machines

Mais de tels engins ont-ils réellement existé ? La réponse est oui ! Le film est d’ailleurs bien documenté à ce propos. Dans des images d’archives de Radio-Canada datant de 1965, le journaliste Louis-Marie Tremblay en explique le fonctionnement. La machine produisait un gaz contenant de l’iodure d’argent, qui permettait d’ensemencer les nuages, puis de les faire crever afin de provoquer artificiellement des chutes d’eau.

Bien que les machines à pluie aient bel et bien existé, leur efficacité est sérieusement contestée par les météorologues, et le fait qu’elles aient pu être responsables d’un phénomène naturel comme le déluge de 1996 semble peu probable. Monsieur Desbiens, lui, en reste persuadé. Et vous, vous y croyez ? L’excellent documentaire de Claude Bérubé pourrait vous aider à vous faire une idée sur le sujet !

Je vous invite à voir les deux films dont nous venons de parler et à consulter notre chaîne Histoires insolites afin de découvrir d’autres complots, des histoires étranges, des situations inusitées et des personnages énigmatiques !


[1] Marc-André Gagnon, « Ordre de Jacques-Cartier », L’Encyclopédie canadienne.

[2] Ibid.

[3] Terme utilisé pour désigner les membres du Front de libération du Québec.

[4] Citation tirée du film La liberté en colère (1994) de Jean-Daniel Lafond, une production de l’Office national du film du Canada.

[5] Ibid.

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