Pourquoi ? : Conversations courageuses sur la violence sexuelle chez les jeunes

« Si j’ai un film à faire, c’est celui-ci. Si je me lève le matin pour faire une différence, c’est avec ce film que je la ferai. » C’est par cette note au producteur de l’ONF Denis McCready que le projet Pourquoi ?, un film sur la violence sexuelle chez les ados, a débuté.

Ambitieux, oui, naïf, absolument, mais un appel du cœur qu’il fallait écouter. C’est curieux, mais quand on survit personnellement à une ou des agressions sexuelles, c’est une chose, mais quand nos enfants, d’âge mineur, en sont victimes, c’est notre monde qui vire complètement à l’envers.

Rage. Impuissance. Tristesse.

Il fallait que je fasse quelque chose. Et puisque je ne pouvais pas intervenir directement auprès des agresseurs ni les dénoncer pour respecter le choix des survivantes, le seul outil que j’avais à ma disposition pour ouvrir un dialogue sur la violence genrée était ce que je sais faire : un film.

J’ai donc approché, dans mon milieu, des jeunes avec qui j’avais déjà établi une relation de confiance, essentielle afin que nous abordions cette conversation en toute sécurité. La question « Pourquoi ces violences sexuelles sont-elles toujours aussi présentes dans notre société ? » a pris forme dans un documentaire linéaire. Trois jeunes conscients de la pertinence du sujet partagent avec nous, en tant qu’hommes, leur perspective face à ce phénomène sociétal, sur une toile de fond composée de voix anonymes de jeunes femmes commentant leurs expériences de la violence sexuelle.

L’homme est au centre du film, ce qui renverse la tendance à braquer presque uniquement l’attention sur les victimes lorsqu’on parle de violences sexuelles perpétrées contre les femmes.

Quatre-vingt-neuf pour cent des victimes déclarées d’agression sexuelle sont de sexe féminin. Et quatre-vingt-dix-huit pour cent des agresseurs déclarés sont de sexe masculin. [i]

En mettant l’homme au centre du sujet, celui de la violence contre les femmes, on place la conversation et les solutions là où ce phénomène prend forme et expression : chez les hommes. Le simple fait de voir des hommes à l’écran réfléchir sur la violence genrée sert d’invitation au public masculin pour qu’il participe au dialogue, développe une meilleure compréhension du problème et de ses solutions, et s’engage à agir.

La violence sexuelle est une pandémie au Canada, mais une pandémie que l’on ne mesure pas dans nos écoles et pour laquelle on ne mobilise pas nos ressources afin d’éduquer les jeunes, de prévenir et de contrer ce fléau et de guérir les personnes touchées directement ou indirectement. Aucune loi ou aucun règlement au pays n’oblige les écoles ou les commissions scolaires à déclarer les crimes de nature sexuelle parmi leur clientèle d’âge mineur.

Soixante-dix pour cent des victimes déclarées d’agression sexuelle au Canada ont 18 ans et moins. [ii]

Au-delà de l’accès difficile à la clientèle scolaire à cause de la pandémie de coronavirus, j’ai dû faire face à une réticence palpable, un inconfort, une surprécaution, un manque flagrant d’intérêt et un refus de dialoguer de la part de certaines personnes de ma communauté qui sont responsables de la santé et de la sécurité de nos jeunes. Mais pourquoi cette résistance ? Pourquoi ce si grand malaise à l’idée de créer des espaces pour dialoguer sur ce sujet qui nous affecte tous et toutes, d’une façon ou d’une autre ?

Et pourquoi ce problème de la violence sexuelle est-il présenté dans les médias — et dans notre conscience collective — comme celui des femmes ? Pourquoi ne parle-t-on pas de l’origine de cette violence ?

Est-ce parce que cette violence est genrée ? Est-ce parce que cette conversation ne peut devenir logiquement qu’une discussion autour du sexisme et de la misogynie, si profondément ancrés dans notre société ? Avons-nous toujours peur de mettre les personnes de notre entourage mal à l’aise, surtout celles qui détiennent le pouvoir ?

« Gimme a smile. » (En français : « Fais-moi un sourire. »)

Il faut aller au-delà de notre inconfort. Il faut oser les conversations inconfortables, et il faut que les hommes prennent leur place dans cette conversation. C’est le seul moyen d’avancer. Garder le silence ou plaider l’ignorance est un acte irresponsable et complice.

Ce sont nos frères, nos sœurs, nos enseignants, nos entraîneurs, nos amis, nos copines — agresseurs autant qu’agressées. Ce sont nos enfants, nos élèves — agresseurs autant qu’agressées. Et nous, nous sommes les adultes. Agissons comme des adultes. Mobilisons-nous pour changer les choses. Abordons ce sujet à nos rencontres de comités de parents, avec nos commissions scolaires, avec nos députées et députés provinciaux et fédéraux. Et surtout, parlons-en à nos amis et amies adultes, à nos frères et sœurs, et avant tout à nos enfants.

Par le biais de cet humble film, je vous invite à entamer des conversations courageuses avec vos proches et votre communauté. Parlons de sexisme, de relations saines, de masculinité et des formes multiples de violence sexuelle, particulièrement avec nos fils, nos neveux et nos frères. Il faut que ça cesse. Et ça commence par nous.

Visionnez Pourquoi ? La violence sexuelle chez les jeunes :

Pourquoi ? La violence sexuelle chez les jeunes, Danielle Sturk, offert par l'Office national du film du Canada

[i] Rotenberg, C. (2017). Les agressions sexuelles déclarées par la police au Canada, 2009 à 2014 : un profil statistique. Statistique Canada.
[ii] Idem.