L’ONF s’engage à respecter votre vie privée

Nous utilisons des témoins de navigation afin d’assurer le bon fonctionnement du site, ainsi qu’à des fins publicitaires.

Si vous ne souhaitez pas que vos informations soient utilisées de cette manière, vous pouvez modifier les paramètres de votre navigateur avant de poursuivre votre visite.

En savoir plus
Sur le radar de Pierre Thirion : retour sur le festival KIKK à Namur en Belgique

Sur le radar de Pierre Thirion : retour sur le festival KIKK à Namur en Belgique

Sur le radar de Pierre Thirion : retour sur le festival KIKK à Namur en Belgique

Du 27 au 30 octobre 2022 se tenait la 11édition du festival KIKK. Au fil des dernières années, le KIKK est devenu une occasion unique de profiter du meilleur de ce que la créativité numérique a à offrir. À travers des expositions, des conférences, des ateliers, des master classes, un marché de produits et un marché professionnel, le festival propose d’explorer les nombreuses façons dont la technologie impacte notre société.

Pendant quelques jours, la charmante petite ville de Namur se transforme en une destination effervescente, où près de 25 000 visiteurs et visiteuses locaux et internationaux se croisent, s’inspirent et se rencontrent.

Articulée autour du thème « Tales of Togetherness », la programmation proposait cette année de s’intéresser aux multiples façons dont la créativité numérique raconte, promeut et remet en question notre capacité à vivre ensemble de façon harmonieuse.

Curieux du festival depuis sa création, j’ai profité d’une occasion d’y participer (enfin !) cette année. J’ai eu la chance d’être invité par le Studio interactif de l’ONF à raconter ce que j’y ai vu, alors en voici un petit aperçu.

De meilleurs locataires ? Nous et l’environnement

Le sentiment d’urgence suscité par la situation climatique actuelle semble être une source d’anxiété collective, mais aussi une profonde source d’inspiration pour une communauté grandissante de créateurs et de créatrices.

Une des conférences phares du festival était celle d’Elliot Woods, l’un des deux artistes à l’origine du studio Kimchi and Chips. L’occasion de découvrir plus en détail le travail du studio, et plus particulièrement sa dernière œuvre, Another Moon : une installation lumineuse composée de 40 faisceaux laser qui s’entrecroisent parfaitement dans le ciel pour représenter un cercle visible à plus d’un kilomètre de distance.

Kimchi and Chips, Another Moon, Photo © Jochen Tack

Au-delà du caractère esthétique et de la performance technique, l’œuvre propose, par son fonctionnement même, un commentaire sur nos attentes vis-à-vis de la technologie : chaque station de projection est autonome et alimentée par une batterie rechargée à l’énergie solaire pendant le jour. Par conséquent, la durée du spectacle nocturne dépend de la qualité de l’ensoleillement de cette même journée. Un bel exercice d’acceptation de la perte de contrôle.

Chaque composante de l’œuvre a également été minutieusement conçue pour minimiser le poids et le volume des matériaux. Grâce à son empreinte réduite (la totalité de l’équipement tient sur seulement 3 palettes), l’œuvre peut voyager à moindre coût et engendrer moins d’émissions de CO2.

Palettes d’expédition d’Another Moon, Photo © Kimchi and Chips

Le festival offrait l’occasion de profiter des derniers jours de l’exposition temporaire Biotopia. Présentée au Pavillon — un lieu d’exposition permanent administré par l’équipe du KIKK —, l’exposition présente le travail d’artistes, de designers, de chercheurs et chercheuses qui « remettent en question la position centrale de l’humain dans le monde ».

Thijs Biersteker, Econtinuum, 2020

Parmi les œuvres qui ont retenu mon attention, Why Not Hand Over a “Shelter” to Hermit Crabs?, de l’artiste Aki Inomata, offre à des bernard-l’ermite en croissance la possibilité d’emménager dans une coquille à l’image de différentes villes du monde.

Why Not Hand Over a “Shelter” to Hermit Crabs?, Aki Inomata

New York, Paris, Tokyo, Santorin… les bernard-l’hermite peuvent voyager sans passeport. En les voyant errer dans leur aquarium, on ne peut toutefois s’empêcher de se demander si ces créatures ont donné leur consentement pour servir de métaphore à nos questionnements existentiels. Si nous étions capables de les comprendre, que nous diraient-elles ?

 

Why Not Hand Over a “Shelter” to Hermit Crabs?, Aki Inomata, Photo © Quentin Chevrier

L’installation sonore Conversation métabolite, de l’artiste Antoine Bertin, nous invite justement à prêter l’oreille à une espèce responsable de 60 % de l’oxygène que nous respirons : le phytoplancton. L’œuvre propose une application très réussie de haut-parleurs ultra-directionnels, qui fait rebondir le signal sonore sur une sculpture au sol avant de lui faire atteindre les oreilles du visiteur ou de la visiteuse.

L’exposition Biotopia présente également des résultats de recherche en biomatériaux très prometteurs. Comme ce projet Ecology of Colour, issu du Laboratorium at KASK, qui explore la coloration de porcelaine à partir de nanostructures de mélanine provenant de scarabées et de papillons qui présentent naturellement ces couleurs.

Ou encore Remix El Barrio, qui propose aux designers de s’initier à la transformation de déchets alimentaires en biomatériaux.

Remix El Barrio

 

Remix El Barrio

L’exposition met aussi à l’honneur des représentations synthétiques de notre environnement. Parmi celles-ci, l’œuvre Sun, de Philip Schuette, invite le public à contrôler le déplacement du soleil à l’aide d’un ballon. La simplicité de l’invitation et la qualité de l’exécution se conjuguent pour faire de cette expérience un moment magique.

Sun, Philip Schuette, Photos © Trystan Lothaire

Plus qu’humains ? IA et créativité

Ces dernières années ont vu une explosion de l’intelligence artificielle (et des modèles d’apprentissage automatique) comme outil et/ou sujet de création. Il était donc naturel de trouver au KIKK plusieurs travaux explorant le rôle de l’IA dans le processus créatif.

Par exemple, l’artiste multidisciplinaire Portrait XO s’est — entre autres — distinguée par l’utilisation de l’IA pour générer la musique et les paroles de sa chanson I’ll Marry You, Punk Come. Cette chanson est le produit d’un modèle d’apprentissage automatique entraîné sur les versions a cappella de chansons des années 50 et d’une collection de réseaux de neurones entraînés sur une variété de styles musicaux.

J’ai également eu la chance d’assister à un atelier donné par The Algorithmic Gaze, un groupe de recherche travaillant au sein du collège Sint Lucas d’Anvers. Le groupe développe un outil logiciel open source, Figment, qui facilite l’entraînement de modèles et leur intégration dans des applications créatives. La plate-forme repose sur un principe no-code et rend accessible au plus grand nombre l’utilisation de systèmes relativement complexes en connectant des nœuds préexistants plutôt qu’en écrivant du code.

Capture d’écran du logiciel Figment

IA et langue

Le festival fut aussi l’occasion de découvrir le projet Common Voice, de la Fondation Mozilla, qui « aide à apprendre aux machines comment les humains parlent vraiment ».

Capture d’écran du site Common Voice

Lors de sa conférence, Kathleen Siminyu passe en revue les différents aspects liés à la collecte et à la validation des échantillons :

  • Comment assurer une parité des sexes dans les échantillons collectés ?
  • Comment équiper les « champions » responsables de faciliter le processus de collecte ?
  • Comment instaurer un climat de confiance avec les participants et participantes dans un contexte où l’adoption d’un kiswahili standardisé a donné lieu à de l’insécurité linguistique?

La chercheuse a également insisté sur l’importance de financer des projets d’applications concrètes pour démontrer à toutes les parties prenantes la pertinence du travail de collecte de données. Plusieurs projets d’applications conçues et développées en Afrique de l’Est ont été soutenus par un programme de bourse visant à aborder des problématiques sociales et économiques dans cette région.

Sobriété technologique volontaire

Un des aspects intéressants de la programmation du KIKK est également la cohabitation high-tech/low-tech. Alors que certaines propositions font la part belle à l’utilisation virtuose de la technologie, d’autres parviennent à véhiculer des émotions puissantes malgré une économie de moyens.

C’est notamment le cas d’Only You, une œuvre du chanteur, auteur et acteur français Xavier Machault. Prenant la forme d’une cabine déposée dans l’espace public, Only You est un juke-box humain qui invite les passants et les passantes à se faire chanter la chanson d’amour de leur choix.

Un spectacle exclusif, intime, pour une personne à la fois.

Xavier Machault, Only You. Photo : Quentin Chevrier

 

Xavier Machault, Only You. Photo : Kat Closon

Le festival fut également l’occasion de découvrir le travail du duo Lundahl & Seitl, qui présentait — entre autres projets — Symphony of a Missing Room. Lors de cette performance immersive, le public est invité à découvrir un espace virtuel en utilisant principalement le sens du toucher et de l’ouïe.

Équipé d’une paire de lunettes qui altère la vision, on évolue dans un espace délimité par un acteur·ou une actrice qui guide et encadre les mouvements, ce qui permet de faire la découverte tactile d’un espace éphémère en constante évolution.

Symphony of a Missing Room, Lundahl & Seitl

À travers sa programmation diversifiée et haute en couleur, le KIKK a démontré une fois de plus sa capacité à surprendre, à émerveiller et à stimuler l’imaginaire. En faisant se croiser les perspectives d’artistes, d’entrepreneurs et d’entrepreneuses, de chercheurs et de chercheuses et d’enthousiastes de tous horizons, le festival joue un rôle de miroir de notre rapport à la technologie. Il nous permet de regarder avec attention la façon dont « nous façonnons nos outils et, en retour, comment nos outils nous façonnent » (John Culkin, 1967).

Riches de ces nouvelles perspectives sur nos inventions, de ces aperçus des futurs possibles, nous pouvons choisir la place que nous voulons leur accorder pour mieux vivre ensemble.

P.-S. Pour un aperçu vidéo du festival, rendez-vous ici !

Ajouter un commentaire

Commenter