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Star Wars Kid : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance »

Star Wars Kid : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance »

Star Wars Kid : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance »

En 1962, le cinéaste Chris Marker a réalisé un court métrage de fiction intitulé La jetée. Le film est un photo-roman, un collage de photographies en noir et blanc, accompagné d’une simple narration. La voix anonyme commence son récit par cette simple phrase : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance. »

Mathieu Fournier travaille depuis une vingtaine d’années dans le monde des médias. Il a réalisé plusieurs documentaires pour la radio de Radio-Canada. En télévision, il a travaillé comme journaliste à la recherche et scénariste sur plusieurs séries documentaires et projets uniques. Dans l’ombre du Star Wars Kid, accessible gratuitement, est son premier long métrage.

L’homme en question a été bouleversé, dans sa jeunesse, par la mort d’un inconnu sur la jetée d’un aéroport. Le film semble hanté par cette image, fixée sur la pellicule comme si elle était figée dans la mémoire du héros. On explore le musée de ses souvenirs avec le sentiment de se plonger dans un album photo désordonné, dans un labyrinthe sans issue.

La jetée fait partie des œuvres qui m’ont habité et inspiré durant la création du documentaire Dans l’ombre du Star Wars Kid. De façon très littérale, il est évident qu’à l’instar du héros de Marker, Ghyslain Raza a lui aussi été marqué par une image d’enfance. Pour des millions de gens sur la planète, son identité se résume à la fameuse vidéo qui a immortalisé deux minutes de sa vie.

Toutefois, ce qui m’a le plus interpellé, c’est que le cinéaste nous pousse à réfléchir à notre rapport à la mémoire et à son impact sur notre façon d’appréhender le monde. Il intègre même dans son intrigue vaguement futuriste un jeu de miroirs où le héros doit revisiter son passé et se projeter dans le futur pour sauver son présent.

La vidéo du Star Wars Kid a changé la vie de Ghyslain Raza. Elle a été diffusée sans son consentement un peu plus de 40 ans après la sortie de La jetée. Même si elle est le fruit d’un accident de parcours plutôt que d’une réflexion créative et philosophique, elle nous amène à explorer un même territoire, celui des récits et des images qui peuplent nos existences pour leur donner un sens… ou les coloniser.

Du jour au lendemain, le double numérique de Ghyslain est passé de l’ombre à la lumière. Cet instant volé a même donné naissance à un mythe contemporain qui, depuis presque 20 ans, a pris le contrôle d’une partie de son histoire. C’est pourquoi, dès le départ, il me semblait crucial non seulement que le documentaire porte sur son passé, mais surtout qu’il lui donne l’occasion de ramener à l’avant-plan l’homme qu’il est devenu aujourd’hui.

Il était une fois… Ghyslain Raza

J’ai rencontré Ghyslain Raza pour la première fois il y a une dizaine d’années. Mon ami Jonathan Trudel, à l’époque journaliste à L’Actualité, était en contact avec lui depuis quelque temps. En 2013, c’est sous la plume de Jonathan que Ghyslain a brisé le silence pour la première fois.

Lors de ce premier rendez-vous dans un restaurant de Trois-Rivières, nous avons vite compris que nous allions devoir être patients. Pour qu’il accepte de participer à un projet documentaire, il faudrait aller au-delà de l’anecdote. S’il sortait de l’ombre pour témoigner à la caméra, ce serait pour faire œuvre utile. Ça peut sembler évident, mais c’est plus simple à dire qu’à réaliser. Quel message devrait-on livrer ? Quel ton devrait-on adopter ? Et, surtout, comment respecter et accompagner Ghyslain dans un processus qui le mènerait inéluctablement à revenir sous les feux de la rampe ? En tout, il aura fallu une dizaine d’années pour que les astres s’alignent.

Vu de l’extérieur, ça peut sembler un brin longuet. Pourtant, au bout du compte, cette période de macération aura permis de tisser un vrai lien de confiance entre nous. Même si nos nombreuses rencontres ne sont pas immortalisées à l’écran, je crois sincèrement que la relation que nous avons développée se reflète dans la vérité des éclats de vie et des échanges que nous avons pu tourner.

Depuis le début de ma carrière, j’ai eu l’occasion de travailler sur toutes sortes de sujets sensibles. Mais jamais je n’avais ressenti une telle responsabilité. Comment éviter les pièges de la facilité ? Comment protéger l’intégrité et la dignité de Ghyslain tout en revenant sans ambages sur un moment traumatisant et humiliant de sa vie ? Comment lui redonner le contrôle de son histoire sans le vampiriser ? Je n’ai pas trouvé de recette magique. Je n’ai même pas la certitude que nous avons évité ces écueils.

Une chose est sûre, cependant : quand est venu le temps de commencer le tournage, j’ai dû mettre un frein à mes doutes. Avec une certaine naïveté, j’ai décidé de faire confiance à mon instinct. Je voulais tirer un peu de lumière d’une histoire sombre. Tout simplement. Plutôt que de me perdre dans les dédales des remises en question, j’ai décidé de vivre le moment. La seule promesse que je me suis faite, c’est d’être capable de regarder Ghyslain dans les yeux une fois le film terminé. Je me suis entouré d’une équipe riche en humanité. Des créateurs de haut niveau, mais des humains avant tout. Des êtres capables de saisir les grandes qualités autant que la fragilité de notre protagoniste. Du vrai bon monde.

Ce que je n’avais pas prévu, c’est à quel point ce film aurait un impact sur moi. Je n’ai pas fermé mes comptes sur les réseaux sociaux. Ni diminué le temps que je passe à fixer l’écran de mon téléphone chaque jour. Désolé. Le changement dont je parle est une prise de conscience plus humaine qu’idéologique.

Mathieu Fournier

Mes meilleurs souvenirs de la production sont liés aux rencontres et aux échanges des dix dernières années. Les nombreuses soirées où Jonathan, Ghyslain et moi avons discuté du projet. Les vrais et beaux entretiens qui sont au cœur du documentaire. Les conversations avec l’équipe, autant sur le terrain qu’en salle de montage.

Ce qui est très révélateur pour moi, c’est de constater que, malgré la différence de nos récits de vie, de nos souvenirs et de nos traumatismes, il est possible de se réunir pour mettre en commun nos talents, nos idées et nos sensibilités. Il est possible de se rencontrer autour d’un but plus grand que la somme de ses parties. Qu’il s’agisse de raconter une autre histoire que la nôtre… ou, si les astres s’alignent, d’aider un autre humain à se réapproprier la sienne.


Visionnez Dans l’ombre du Star Wars Kid :

Dans l’ombre du Star Wars Kid, Mathieu Fournier, offert par l’Office national du film du Canada

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  1. J’ai adoré la discussion . C’est vraiment un surperbe documentaire très humain. Bravo au réalisateur et à l’authenticité de Gyslain.

    — bernard_allan,

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