Mini-leçon — Apatrides
Mini-leçon — Apatrides
Matières scolaires :
- Responsabilité citoyenne
- Droits et libertés civils
- Droit
- Histoire sociale
- Droits de la personne
Âge recommandé : 14 ans et plus
Apatrides, Michèle Stephenson, offert par l’Office national du film du Canada
Mots clés/sujets : Apatridie, nationalisme, racisme anti-Noirs, racisme institutionnel, racisme systémique, préjugé, migrant, immigrant, artisans du changement, génocide, Amérique latine, Antilles, Haïti, République dominicaine, immigration, langue espagnole
Question directrice : Quel genre de responsabilité avons-nous dans la lutte contre le racisme anti-Noirs ?
Synopsis pédagogique : Le documentaire Apatrides suit l’avocate et militante Rosa Iris dans sa lutte contre une loi injuste promulguée en 2013, qui prive les Dominicains d’origine haïtienne de leur citoyenneté, avec effet rétroactif jusqu’en 1929. Rosa Iris risque sa vie ainsi que celle de ses proches en se portant candidate aux élections fédérales dominicaines. Forte de ses convictions sur l’égalité, elle espère remporter la victoire en promettant aux enfants de migrants haïtiens nés en République dominicaine qu’elle se battra pour défendre leur citoyenneté. Le parcours de cette femme pleine d’amour et de bonnes intentions sera semé d’embûches.
ACTIVITÉ 1 : VISIONNER LE FILM ET DISCUTER
Pendant cette activité, les élèves découvrent ce que cela signifie d’être apatride et abordent la présence du racisme anti-Noirs dans les institutions gouvernementales et la société.
Avant de montrer la première séquence, qui porte sur le terme « apatride », posez aux élèves les questions suivantes pour les aider à se mettre à la place des Dominicains d’origine haïtienne qui sont privés de leur citoyenneté :
- Comment vous sentiriez-vous si vous n’aviez pas de pays ?
- Que ressentiriez-vous si on ne voulait pas de vous dans votre propre maison ?
- Que ressentiriez-vous si vous n’étiez chez vous nulle part ?
Après le visionnage de la première séquence, discutez avec les élèves de ce que signifie être apatride et des problèmes physiques, émotionnels et financiers que l’on peut avoir lorsqu’on n’est citoyen d’aucun État.
Dans la seconde moitié de la séquence, les élèves découvrent que la perte de citoyenneté et la violence bureaucratique sont liées à l’institutionnalisation du racisme anti-Noirs. Discutez avec eux de ce que sont le racisme institutionnel anti-Noirs et la violence bureaucratique.
Plus loin dans le film, le président de la République dominicaine prononce un discours dans lequel il tente de réfuter l’existence du racisme anti-Noirs. En classe, établissez des critères pour définir le racisme anti-Noirs. Demandez aux élèves de s’en servir afin de déterminer si les arguments invoqués par le président pour prouver qu’il n’y a pas de racisme anti-Noirs en République dominicaine sont convaincants.
Citation du président : « Comment peut-on dire que la République dominicaine est un pays raciste alors que 80% de notre population est constituée de Noirs et de mulâtres ? Comment peut-on dire que les Dominicains sont racistes envers les Noirs, alors qu’ils vivent et coexistent partout au pays ? » (10:19:27:00 – 10:19:45:07)
Vous pouvez également indiquer aux élèves que la plupart des Dominicains ont des ancêtres africains, mais refusent de le reconnaître. Comment cela se fait-il ?
Pour obtenir de plus amples informations sur la question ainsi que des exemples de racisme passé et contemporain à l’encontre des Dominicains d’origine haïtienne, voir :
L’afrophobie dans l’imaginaire dominicain
PROLONGEMENT DE L’ACTIVITÉ : Invitez les élèves à réfléchir à des exemples passés et présents de racisme institutionnel et de racisme anti-Noirs qu’ils ont vécus ou dont ils ont été témoins au Canada ou ailleurs dans le monde. Demandez aux élèves de réfléchir à la question suivante : vous sentez-vous pleinement protégés et reconnus comme citoyennes et citoyens canadiens ?
ACTIVITÉ 2 : RÉFLÉCHIR, DISCUTER ET PARTAGER
Dans cette séquence, les élèves écouteront un autre discours du président Danilo Medina et rencontreront Gladys Feliz et d’autres membres du mouvement nationaliste en République dominicaine. Ils commenceront par étudier le terme « nationalisme ». Si le nationalisme est parfois un moyen de rassembler les gens pour le bien commun, il se traduit souvent par l’exclusion de certaines personnes, qui n’ont alors plus droit à ce bien commun.
Demandez aux élèves de réfléchir individuellement aux questions suivantes, puis d’en discuter en binômes avant de partager leurs idées avec l’ensemble du groupe :
- Les nations sont-elles d’origine naturelle ou sont-elles artificielles ?
- Est-il bien de tirer fierté de sa nation ?
- La fierté envers sa nation peut-elle conduire à l’exclusion des autres ?
- Qu’est-ce qui détermine qui fait ou non partie d’une nation ?
- Doit-on faire preuve de loyauté envers sa nation ?
- Comment détermine-t-on qui fait partie et qui ne fait pas partie d’une nation ?
- Comment les frontières sont-elles délimitées et protégées — et pour qui ?
Après le visionnage de la séquence, vous devez évaluer le désir des élèves de mettre en question la clarté et le bien-fondé des affirmations du gouvernement et des membres du mouvement nationaliste (voir les énoncés ci-dessous). Placez les termes « d’accord » et « pas d’accord » sur deux murs opposés de la classe. Les élèves prennent position en fonction de leur propre jugement. Demandez-leur de justifier leur choix. Si les arguments présentés par d’autres amènent un ou une élève à changer d’avis, l’élève doit classer ces arguments sur une échelle de 1 à 5 (1 = bon argument, qui peut avoir quelques faiblesses ; 5 = argument très convaincant, sans faille). L’élève fait ensuite autant de pas vers le camp opposé à celui dans lequel il ou elle se trouvait avant de changer d’avis, que le chiffre correspondant au classement qu’il ou elle a attribué à l’argument.
- Leurs convictions et leurs valeurs sont-elles justifiées ?
- Leurs solutions constituent-elles une voie raisonnable pour atteindre l’objectif visé ?
- Les droits et les intérêts des divers groupes et individus sont-ils pris en compte équitablement lorsqu’il s’agit de décider de la marche à suivre et de la manière de procéder ?
Après l’activité, discutez avec les élèves de leur désir de tenir compte des points de vue opposés et de changer d’avis si les arguments avancés sont justifiés.
PROLONGEMENT DE L’ACTIVITÉ : Demandez aux élèves de réfléchir en groupe à ce que signifie être le citoyen ou la citoyenne d’un pays. Quels sont les droits et les responsabilités d’un citoyen ou d’une citoyenne ? Demandez aux élèves de trouver des raisons pour lesquelles des gens fuient leur pays natal pour venir demander la citoyenneté au Canada ?
ACTIVITÉ 3 : Le pouvoir de changer les choses
La lutte de Rosa Iris pour la justice a-t-elle changé les choses, même si elle a perdu la campagne électorale et a dû se réfugier aux États-Unis ? Aidez les élèves à établir une liste de critères permettant de déterminer si la lutte de Rosa pour la justice a eu un effet sur le cours des choses.
Exemples :
- Lorsqu’elle faisait campagne, était-elle considérée comme une candidate importante à l’échelle locale, nationale, internationale ?
- Dans quelle mesure ses efforts ont-ils bénéficié à la population locale ?
- Sa lutte a-t-elle fait naître un vent de changement en République dominicaine ?
- D’autres personnes se sont-elles battues à ses côtés ? Luttent-elles encore aujourd’hui pour que justice soit faite ?
Rappelez aux élèves que, le plus souvent, le progrès et le changement ne sont pas le fait d’un seul événement marquant, mais bien de plusieurs événements sur une très longue période. Invitez-les à réfléchir à d’autres groupes de personnes ayant lutté contre les injustices, par exemple le mouvement pour les droits des Noirs aux États-Unis, les mouvements pour les droits des femmes dans le monde entier et la lutte des peuples autochtones pour la justice au Canada et aux États-Unis.
Chaque critère défini par les élèves est classé selon une échelle de 1 à 5 (1 = pas du tout significatif ; 5 = extrêmement significatif). Les élèves doivent également justifier leur classement. Puis, en équipes, ils tentent de déterminer si la lutte de Rosa Iris pour la justice était un fait significatif, au moyen des critères établis en classe. Les équipes font ensuite part de leurs conclusions au reste de la classe.
PROLONGEMENT DE L’ACTIVITÉ : Lorsqu’ils ont terminé l’examen des critères en équipes et en classe, les élèves peuvent rédiger leur propre réponse quant à savoir si la lutte de Rosa Iris pour la justice était un moment décisif. Vous pouvez également les inviter à réfléchir à la manière dont ils réagiraient s’ils étaient placés dans la même situation. Vous souhaiterez peut-être réfléchir avec les élèves à d’autres formes d’engagement que les citoyens et citoyennes peuvent employer pour lutter contre l’injustice systémique.
Revue des notions
Apatridie
Une personne qui n’est reconnue comme citoyenne d’aucune nation est apatride. Cette personne n’a pas de pièces d’identité (par exemple, un passeport) et, par conséquent, n’a pas de nationalité. C’est comme si elle était invisible. L’absence de nationalité entraîne des conséquences politiques, économiques, sociales et culturelles, telles que l’absence de droits et libertés et l’impossibilité de bénéficier de l’aide de l’État, de faire des études, d’obtenir un emploi régulier ou des soins de santé, de voter, de se marier, de posséder des biens, d’ouvrir un compte bancaire, etc. En outre, lorsqu’un parent est apatride, il ne peut déclarer la naissance de ses enfants ni à l’état civil du pays où ils sont nés ni à celui de son pays d’origine. L’apatridie est ainsi transmise d’une génération à l’autre. La cause principale de ce problème est la discrimination fondée sur la race, la religion, l’origine ethnique ou le sexe. Cela se produit généralement lorsqu’une nation disparaît, que de nouveaux États sont constitués et que de nouvelles frontières sont tracées, donnant lieu à de nouvelles lois pouvant priver certaines personnes de la citoyenneté du nouvel État. Le film Apatrides montre comment le gouvernement de la République dominicaine a révoqué la citoyenneté de quelque 200 000 Dominicains descendants d’Haïtiens, de 1929 à nos jours. Pour un pays, la seule façon de résoudre le problème de l’apatridie consiste à modifier ses lois et à accorder la citoyenneté aux personnes qui en ont été dépossédées.
Racisme anti-Noirs
Le racisme anti-Noirs est l’ensemble des préjugés, des comportements, des idées préconçues et des mesures discriminatoires qui ont cours envers les Noirs. Il comporte deux volets : la macro-agression et la micro-agression. La macro-agression prend la forme d’un racisme structuré et systémique au sein de nos institutions qui prédestine les personnes d’origine noire à un statut socioéconomique inférieur. La micro-agression prend la forme d’insultes racistes proférées par un individu à l’endroit d’une personne noire. Ces insultes peuvent être verbales ou gestuelles, délibérées ou non, et découlent d’un comportement acquis. Il est important de noter que le préfixe « micro » n’est pas employé pour minimiser la gravité de la situation, mais plutôt pour montrer que l’agression se produit dans un cadre plus restreint entre individus. Les micro-agressions sont plus difficiles à reconnaître et à prouver, et sont donc souvent minimisées dans la société.
Racisme systémique
Le racisme systémique est ancré dans les politiques, les lois et les pratiques qui donnent lieu à une disparité dans l’accès aux débouchés au sein d’une organisation ou d’une institution en fonction de la race. Ces pratiques sont dans le prolongement de l’idéologie de la suprématie blanche et sont particulièrement illustrées par les lois de Jim Crow aux États-Unis, le régime des pensionnats indiens au Canada et l’apartheid en Afrique du Sud. Dans le film Apatrides, la nouvelle loi qui révoque la citoyenneté des Dominicains d’origine haïtienne constitue un exemple concret de racisme systémique. Ces lois dévalorisent et déshumanisent ouvertement les personnes d’origine haïtienne. Le racisme systémique n’est cependant pas toujours aussi flagrant et il peut souvent être minimisé. Les disparités salariales, la surreprésentation des Noirs dans le système de justice pénale et les taux moindres d’alphabétisation et d’acceptation à l’université en sont des exemples concrets. Le fait que le racisme systémique soit moins flagrant dans certaines lois, politiques et pratiques actuelles ne diminue en rien la gravité de ses répercussions sur les groupes racisés défavorisés.
Nationalisme
Le nationalisme valorise les intérêts collectifs de l’État. La notion moderne de nationalisme trouve son origine aux XVIIIe et XIXe siècles, dans les révolutions américaine et française ainsi que dans les unifications de l’Allemagne et de l’Italie, qui ont dans les deux cas conduit à l’autodétermination et à la libération de leurs populations. Malgré ses liens historiques avec la liberté, l’idéologie du nationalisme peut avoir des conséquences graves, puisque le groupe de personnes dont les intérêts sont le plus souvent défendus est celui dont les intérêts sont considérés comme ayant la plus grande valeur, et il s’agit souvent déjà du groupe prédominant. Le nationalisme est à la fois politique et culturel, l’identité nationale étant définie par une origine commune, une appartenance ethnique, des liens culturels et la légitimité de la citoyenneté. Il est donc souvent accompagné d’une impression de supériorité raciale, intimement liée à l’idéologie suprémaciste blanche qui a germé en Europe et s’est répandue avec la colonisation. Cette idée du nationalisme s’est depuis propagée dans le monde entier, comme en témoignent les mesures du dictateur dominicain Rafael Trujillo, lequel a ordonné le massacre de milliers d’Haïtiens en 1937 dans le but de « blanchir » la population de la République dominicaine.
Beverly Cameli est passionnée par l’enseignement. Au cours des deux dernières décennies, elle a enseigné diverses matières, notamment l’anglais, la géographie, l’histoire, la politique, les religions du monde, l’anthropologie, la psychologie et la sociologie. Pendant son premier cycle d’études universitaires, elle a eu l’occasion d’étudier l’Holocauste à l’étranger, aux côtés d’étudiants allemands et polonais. Elle a ensuite obtenu une maîtrise en sociologie et en études sur l’égalité à l’Université de Toronto. Elle s’efforce d’inciter ses élèves à devenir des citoyennes et des citoyens actifs d’une planète prospère où toutes les personnes sont traitées de manière égale.
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