L’Apollon de Gaza : Découverte et disparition d’un trésor national
Lorsque j’ai appris la découverte subite de l’Apollon de Gaza, puis sa tout aussi soudaine disparition, c’est tout naturellement que je me suis questionné sur les enjeux qui pouvaient entourer cette incroyable histoire. À travers la quête de l’Apollon, j’ai voulu interroger l’histoire d’une région, mais aussi celle d’hommes et de femmes qui l’ont faite et la font encore aujourd’hui.
Tourné à Gaza et à Jérusalem, L’Apollon de Gaza se déploie comme un film-enquête lancé sur les traces de ceux et celles qui se sont approchés ou qui ont entendu parler de ce trésor national, objet de nombreuses convoitises. Œuvre de faussaires ou vraie bénédiction des dieux pour un peuple palestinien en mal d’espoir ? Qu’est-il advenu de cette mystérieuse statue dont la valeur historique pourrait être inestimable ? Entre ceux qui obéissent à de purs intérêts mercantiles et ceux qui sont animés avant tout par des considérations artistiques et de préservation, une guerre sourde semble engagée et tous les pouvoirs, officiels ou occultes, s’affrontent à l’abri des regards.
Au-delà d’un portrait des prétentions et des rivalités politiques locales ou internationales, j’ai pensé L’Apollon de Gaza comme une réflexion sur le passage du temps et les cycles de l’histoire. Une histoire qui a vu, au fil des siècles, naître, s’épanouir et mourir de grandes civilisations, et ce, dans une région du monde aujourd’hui en proie à l’interminable conflit israélo-palestinien, dont la bande de Gaza assiégée continue de payer lourdement le prix.
Alors que des images de guerre et de misère économique ne cessent d’être associées à Gaza par les médias du monde entier, il m’apparaissait primordial que L’Apollon de Gaza nous immerge dans un territoire méconnu où la vie, insoumise, subsiste envers et contre tout. Même si elle n’a traversé le ciel de Gaza que comme un « météore » laissant dans son sillage un peu de lumière et de beauté, la statue d’Apollon redonne une part de dignité à tout un peuple, tout en réveillant par son histoire exaltante une fierté nationale trop souvent bafouée. « Ce qui se forge dans l’adversité sera solide », déclare l’un des intervenants. De fait, aussi fugace soit-elle, l’irruption de cette œuvre d’art dans le quotidien tourmenté des Gazaouis a eu l’insigne mérite de susciter l’émergence d’un renouveau culturel.
À sa manière, cette découverte archéologique au secret non encore élucidé remet l’histoire en mouvement là où celle-ci a justement été souvent négligée et oubliée. Pour les nouvelles générations, l’énigmatique Apollon de Gaza pourrait servir de lien entre passé et présent, tout en pavant la voie à un avenir plus radieux. À l’instar de l’entrepreneur et collectionneur Jawdat N. Khoudary, qui surveille amoureusement l’éclosion de ses fleurs, le film invite à la patience, seule garante d’une paix à venir qui finira bien un jour par s’installer sur ce rivage abandonné de tous. De tous, sauf peut-être d’Apollon, l’improbable messager des dieux soudainement réveillé par la mer.
Après avoir abordé la région et ses enjeux sous l’angle du politique (L’accord, 2005), puis donné la parole aux femmes et aux hommes qui y vivent (Aisheen, 2010), je me suis attelé, avec L’Apollon de Gaza, à la question plus philosophique, voire métaphysique des dieux et des esprits qui l’habitent. En ce sens, j’aime considérer qu’il s’agit d’une trilogie. L’Apollon de Gaza se révèle ainsi le point d’orgue d’une démarche entamée en 2003 et achevée en 2018, soit 15 ans plus tard. Le temps d’aller au bout, je l’espère, de l’exploration d’une terre, certes, mais aussi d’un territoire à la fois politique, psychologique, cinématographique et poétique.
VISIONNEZ L’APOLLON DE GAZA :
L’Apollon de Gaza, Nicolas Wadimoff, offert par l’Office national du film du Canada