ONF, autisme et déficience en classe
Natif de l’Abitibi et fier père de famille, Martin Lejeune fait partie du Réseau d’enseignants et enseignantes ONF depuis 2019. Il a enseigné au secondaire pendant 17 ans avant de devenir titulaire de classes spécialisées (autistes avec ou sans déficience intellectuelle) au Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys. Passionné par le cinéma et les nouveaux médias, il s’en sert comme d’outils pour stimuler l’apprentissage et motiver les enfants qui apprennent différemment. Martin a écrit sur certaines des ressources de l’ONF qu’il aime utiliser avec ses élèves et a aussi présenté du contenu de l’ONF lors d’une conférence. Nous sommes extrêmement fiers de collaborer avec lui et de souligner ses riches contributions à l’éducation. Nous tenons à le féliciter chaleureusement, ainsi que tout le personnel enseignant, non seulement en ce jour, mais aussi tout au long de l’année !
Depuis deux ans, j’utilise certaines ressources interactives de l’ONF pour varier les activités des élèves de ma classe. Ces enfants autistes avec ou sans déficience intellectuelle sont âgés de six à huit ans. Ce sont des garçons et des filles qui s’expriment verbalement ou non en utilisant des mots, des images (pictogrammes), des signes et des gestes particuliers pour comprendre et être compris. Pour eux, les routines quotidiennes peuvent devenir une source d’anxiété, et venir à l’école devient un enjeu essentiel à leur développement. Prendre l’autobus, se déplacer dans les corridors, se rendre aux toilettes, utiliser le micro-ondes, accrocher ses effets personnels dans le casier, choisir le bon matériel scolaire, le ranger dans le pupitre, suivre un horaire, accepter la fin d’une activité, partager les jouets, comprendre les consignes de l’enseignant ou de l’enseignante, accepter la présence des autres : tout cela peut facilement désorganiser l’élève et le groupe. En classe, ils sont appelés à vivre des expériences structurées et adaptées aux objectifs de chacun. Ces objectifs peuvent consister à communiquer et à interagir avec les autres de façon adéquate, par exemple.
C’est au moyen d’activités signifiantes (préparer un sandwich), d’exemples à suivre (traverser la rue), de comportements sociaux adéquats (interpeller l’adulte), de la généralisation des relations entre individus (attendre son tour) et d’observations de ce que les autres font en classe pour le répéter à la maison que ces enfants deviennent un peu plus autonomes. Pour faciliter ces apprentissages, il existe plusieurs outils, moyens, approches et stratégies qui sont efficaces tout en assurant la quiétude, la sécurité et le bien-être de l’élève.
Que ce soit à l’arrivée en classe en matinée, une quinzaine de minutes après le dîner, pour soutenir une période de travail ou bien pour faire un simple visionnage, les documents visuels de l’ONF font partie intégrante de certains apprentissages en lien avec les programmes de formation en adaptation scolaire. C’est à coups d’essais, d’observations, de modifications et d’adaptations que j’ai découvert plusieurs vertus au site de l’ONF. Le but de ce billet de blogue est de vous permettre d’essayer une pratique gagnante quand bon vous semblera tout en évitant de commettre les mêmes erreurs que moi.
J’aime et je n’aime pas
Pour mes élèves, j’ai présenté différents courts métrages interactifs au tableau blanc interactif : J’aime les patates, OK Google, L’atelier McLaren, Bla Bla (Nous sommes désolés que Bla Bla ne soit plus disponible mais nous vous invitons à consulter notre page sur les productions interactives et les applications éducatives pour trouver d’autres ressources pertinentes pour votre salle de classe). Ces visionnages ont été répétitifs, c’est-à-dire que deux à cinq périodes dans la semaine étaient consacrées à ce « travail ». Le premier visionnage laisse les élèves pantois. Par la suite, ils savent ce qui sera présenté, et l’on peut percevoir un certain engouement selon les intérêts de chacun. De cette liste de titres, c’est sans contredit Bla Bla qui a eu la cote chez mes élèves. L’interaction avec le personnage principal crée une complicité avec l’élève, ce qui suscite sa motivation et sa participation.
Imaginez la scène : un sablier d’une minute bien en vue, des élèves patients, assis à leur façon, qui attendent leur tour. Un élève est nommé, se lève, se rend devant ce grand tableau blanc et observe l’immense visage du personnage principal. D’instinct, il touche l’écran, y glisse son doigt et constate que les yeux du personnage suivent ses mouvements. Il n’en faut pas plus pour que l’enfant se mette à glisser son doigt dans tous les sens, appuie sur l’écran pour le nourrir, le faire grandir et rapetisser, l’entendre babiller et lui répondre.
Les autres suivent du regard ce visage expressif avec ce que je crois être des interrogations. Après une minute, c’est le temps de retourner à sa place et de laisser un autre élève vivre la suite de l’expérience. Allant de surprise en surprise, je constate qu’il y a quelque chose qui marche, qui fonctionne, qui est magique. Les élèves développent leurs habiletés et certaines compétences tout en s’amusant. C’est gratifiant.
Toutefois, ne commettez pas la même erreur que moi. Étant donné qu’il faut souvent plusieurs visionnages pour susciter l’intérêt, la concentration et la motivation à travailler, j’ai parfois mis de côté certains documents visuels en pensant que les élèves ne s’y intéressaient pas. Il faut offrir ces activités à des moments différents de la journée et même du mois pour constater une réaction chez tel ou tel élève. En outre, selon l’âge et les acquis, ce qui peut marcher avec l’un ne marchera pas avec l’autre.
Par exemple, l’application L’atelier McLaren semble complexe à utiliser chez les plus jeunes. Tandis que les élèves plus vieux (12 ans et plus) démontrent un enthousiasme particulier à manipuler et à créer leur propre film. Il faut donc donner du temps à l’élève pour qu’il puisse traiter l’information de ce que vous lui présentez. Cela peut se traduire en minutes, en semaines ou en mois. Il faut être patient, mais là, je ne vous apprends rien.
Productions interactives et interactions sociales
À mon école, le programme CAPS (compétences axées sur la participation sociale) est offert aux élèves de 6 à 11 ans. Et c’est en constatant la réaction positive des élèves pendant ces visionnages que j’ai eu l’idée d’y intégrer les compétences du programme. La communication, le fait d’agir avec méthode et de façon sécuritaire, l’interaction avec les autres et l’exploitation de l’information sont devenus des objectifs à intégrer, à développer et à améliorer pour assurer une émergence de ces habiletés.
Ainsi, plusieurs concepts sociaux ou liés à l’autonomie ont été ciblés : respecter le tour de rôle, attendre son tour, observer ce que l’autre fait, demeurer concentré, être motivé, servir d’exemple, encourager l’autre, le féliciter, l’applaudir, répéter le vocabulaire entendu et, ultimement, écrire ou copier les mots de ce même vocabulaire. J’écris « ultimement », mais la finalité pourrait être de raconter l’activité à la maison… à papa et à maman !
De plus, l’utilisation d’outils visuels (tour de rôle, pictogrammes, séquences) permet aux intervenants d’améliorer le lien de confiance avec les élèves tout en valorisant leur estime de soi. En fait, il s’agit de communiquer avec l’élève sans dire un mot. L’expression « Fais-moi un dessin » prend ici tout son sens. J’utilise une photo de la personne au lieu de dire son prénom. Je mime le geste d’action au lieu de dire le verbe. Je dessine ou désigne l’endroit au lieu de l’exprimer oralement. De la sorte, l’élève sait qu’il est compris, qu’il peut être entendu et qu’il peut communiquer selon son mode à lui. Je m’adapte à l’élève et non le contraire. Lorsque je parle, il y a tellement d’éléments à prendre en considération — expression du visage, ton de la voix, mouvements corporels — que cela peut perturber la compréhension. Lorsque je dessine ou montre une photo, la concentration est accaparée par une seule et simple information. Dans le cas de Bla Bla, l’information à traiter se résume à un dessin animé simple, facile à gérer et drôle. Les voir sourire, rire et s’émerveiller devant la réaction du personnage à l’écran donne une raison de plus à notre mission : apprendre par le jeu.
Vous laisserez-vous tenter ?
Dès la nouvelle année scolaire, j’envisage de faire d’autres découvertes à la suite du visionnage des projets de l’ONF. Et tranquillement, d’autres enseignants et enseignantes prendront le temps de visiter le site de l’ONF et de se laisser convaincre de l’utilité des projets suggérés. En effet, je présume que d’autres membres du corps enseignant utilisent déjà la section « Éducation » d’ONF.ca. J’aimerais bien vous connaître pour que nous partagions nos essais et nos erreurs. En fin de compte, ce sont les élèves qui en bénéficieront. Rien ne sert de réinventer la roue lorsque des collègues peuvent nous indiquer une route praticable. La nouvelle réalité en classe causée par l’actuelle pandémie permettra de repenser l’utilisation des documents visuels comme outils d’apprentissage. Je tenterai de vous suggérer d’autres pistes gagnantes après les avoir éprouvées, car tous les élèves peuvent apprendre… une projection à la fois.
Martin Lejeune : Abitibien d’origine. Père de famille. Bachelier en enseignement secondaire (français et histoire). Enseignant au secondaire pendant 17 ans. Titulaire de classes spécialisées (autistes avec ou sans déficience intellectuelle) depuis 2014 au Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys.
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