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Imaginez Notre univers : les 60 ans d’un classique de l’ONF

Imaginez Notre univers : les 60 ans d’un classique de l’ONF

Imaginez Notre univers : les 60 ans d’un classique de l’ONF

« Nous sommes partis du postulat selon lequel l’imagination peut voyager à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Et puisque l’imagination est une entité non mesurable, ce postulat ne semble avoir ébranlé aucune loi physique en cours de route. » – Sidney Goldsmith, concepteur, Notre univers (avec Colin Low)

Ancien producteur à l’ONF, Gerry Flahive (@gflahive) est aujourd’hui écrivain et consultant à Toronto. Pour lire la version originale de ce texte publié en anglais, cliquez ici.

Soixante ans après son lancement au Festival de Cannes (où il a remporté le premier d’une quantité de prix internationaux à venir, en plus d’une nomination aux Oscars), le court métrage documentaire de l’ONF Notre univers, réalisé par Roman Kroitor et Colin Low, demeure un classique vénéré. Son influence sur le cinéma, son approche poétique de la science et ses effets spéciaux révolutionnaires sont autant d’éléments qui incarnent l’engagement de l’ONF en faveur de la collaboration et de l’expérimentation. À certains égards, il s’agit d’ailleurs d’un film typique de l’institution, tant il a puisé le meilleur de ses traditions artisanales en matière de création d’œuvres d’animation et documentaires.

Vu en ligne dans au moins 146 pays, vendu à d’innombrables diffuseurs dans le monde entier et offert en de nombreuses langues (français, danois, portugais, norvégien, malais, suédois, allemand, serbo-croate, mandarin, finnois, espagnol, arabe, néerlandais, hindi, italien, japonais, coréen, polonais, russe, tamoul, thaï et cantonais), il a rayonné sur plusieurs décennies et à l’échelle de la planète. Notre univers pourrait bien être le film de l’ONF le plus regardé de l’histoire.

Notre univers a remporté un franc succès à la télévision américaine au début des années 1960 : il arrivait même qu’on le diffuse deux fois dans la même soirée.

Ce véritable voyage métaphysique s’amorce avec un survol de notre quotidien — la vue vertigineuse sur la circulation et les piétons affairés, les reflets de la lumière éblouissante du soleil sur sept fenêtres de gratte-ciel — pour se déployer jusqu’aux confins de l’univers. La proposition originale du film, banalement intitulée Astronomie (un titre qu’on croirait aujourd’hui choisi par un technocrate), laisse anticiper une aventure cinématographique qui n’est rien de moins qu’une exploration de l’âme humaine.

Et il tient ses promesses, tant sur le plan astronomique (un budget de près d’un million en dollars d’aujourd’hui et une durée de production d’environ sept ans, des chiffres pour ainsi dire astronomiques) que sur le plan philosophique. Même pour nos yeux blasés, habitués à un réalisme numérique sans faille à l’écran, l’étonnante animation du film impressionne encore, grâce, entre autres, à son utilisation habile de balles de ping-pong et de globes texturés. Sa musique aux accents parfois terrifiants accompagne le spectateur tout au long de ce spectaculaire parcours d’apprentissage. Le scénario se veut certes éducatif, mais il propulse Notre univers bien au-delà du didactisme pur. Et la voix du film, celle du regretté Douglas Rain[1], réinvente la narration pour l’époque. On y reconnaît la patience, la cadence et l’intelligence d’un acteur habitué du Festival de Stratford. Stanley Kubrick n’y est d’ailleurs pas resté insensible, puisqu’il a ensuite confié à Douglas Rain le rôle de l’immortel ordinateur HAL 9000 dans 2001, l’Odyssée de l’espace.

Des louanges pour Notre univers provenant de l’un des animateurs les plus reconnus de Disney, Ward Kimball, qui a notamment signé Man in Space (1955), Man and the Moon (1955) et Mars and Beyond (1957).

D’une impressionnante profondeur, certaines parties du film suscitent l’émerveillement : de gigantesques comètes nimbées de mystérieuses volutes s’accompagnent de commentaires comme « si nous pouvions nous mouvoir avec la liberté d’un dieu » et de faits troublants sur l’atmosphère irrespirable qui enveloppe Jupiter (« ce nuage, d’une épaisseur et d’un poids à broyer un humain »). Le film relie notre inconscience de Terriens à la réalité astronomique selon laquelle le sol sous nos pieds est la surface d’une planète qui tourne à des milliers de kilomètres à l’heure autour d’un soleil lointain.

Selon le magazine Aeon, « Notre univers a changé le cours de l’évolution du cinéma ». Profondément impressionné par le film, Kubrick l’a visionné près de cent fois, au point d’user sa copie 16 mm à la corde, puis a tenté d’embaucher toute l’équipe d’animation et d’effets spéciaux de l’ONF (un de ses membres, Wally Gentleman, a en effet travaillé sur 2001, mais a finalement détesté le résultat). Le cinéaste a même confié à Colin Low qu’il songeait à la possibilité de tourner son odyssée de l’espace dans les studios montréalais de l’ONF.

À un certain moment, Kubrick a aussi envisagé d’appeler son film Universe. Son collaborateur, l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke, a même écrit qu’« une suite possible était prévue pour le film, et qu’elle s’intitulerait Universe pour décrire “l’échelle du cosmos”. »

On ne peut pas regarder 2001 sans établir de correspondance visuelle avec Notre univers.

Au cours d’une entrevue avec Marc Glassman, Colin Low a noté que la course spatiale américano-soviétique avait permis au film de franchir la ligne d’arrivée : « Le Spoutnik russe a été lancé en orbite en 1957, alors il y a eu une pression pour terminer le film. La direction de l’ONF a également cessé de se plaindre des dépassements de coûts. » La NASA elle-même a été tellement impressionnée par le film qu’elle en a commandé 300 exemplaires. Des années plus tard, en 1976, William Shatner a fait la narration d’une pâle réplique de Notre univers financée par la NASA et intitulée, avec force imagination, Universe.

Comme c’est parfois le cas lors de collaborations artistiques dites légendaires, celle de Douglas Rain avec l’ONF n’allait pas sans heurts. Lorsque je lui ai parlé en 2014, l’acteur m’a dit qu’il avait le sentiment d’avoir fait un excellent travail dans Notre univers, mais qu’il n’avait pas particulièrement aimé la démarche : « Je recevais des notes de six personnes différentes de l’ONF en même temps, mais aucune n’avait de sens. Je leur ai dit que je ne suivrais les instructions que d’une seule personne. »

Sidney Goldsmith en coulisses de Notre univers (1960).

À l’ONF, comme les génériques de fin n’étaient pas toujours complets à l’époque, le nom de Douglas Rain ne figure même pas à l’écran : seul le nom de Stanley Jackson paraît au générique sous la mention « documentation », ce qui, selon M. Rain, a fait en sorte que Stanley Kubrick a mis un certain temps avant de le retracer. L’histoire se termine quand même bien, puisqu’un mois avant la première du film à Cannes, Roman Kroitor a invité l’acteur à visionner une copie d’essai du film en lui disant : « le résultat nous semble assez bon. Nous aimons votre voix sur les images ».

Le résultat s’est certainement révélé assez bon aux États-Unis également, puisque Notre univers a obtenu un tel succès à la télévision américaine au début des années 1960, qu’il arrivait même qu’on le diffuse deux fois le même soir. Un fan du film se souvient de l’avoir vu sur la chaîne de télévision locale WPIX à New York en novembre 1963, immédiatement après la diffusion des funérailles du président Kennedy.

Notre univers reste non seulement l’un des films de l’ONF les plus vus en ligne, il constitue aussi une source d’images pour les nouvelles productions. Même les chutes à caractère documentaire illustrant des rues de Montréal et de Toronto dans les années 1950 rendent à merveille la vie urbaine de l’époque au Canada. Selon Lea Nakonechny, chargée des ventes au Service des archives de l’ONF, il s’agit même d’un des rares films dont les cinéastes recherchent encore des extraits des séquences d’animation. Vous pourrez en outre admirer la beauté galactique de Notre univers dans une scène de la nouvelle série de la BBC Small Axe, du cinéaste britannique Steve McQueen, en ondes jusqu’à la mi-décembre.

En cette année marquée par l’incertitude et par une quête de sens globale qui va en s’intensifiant, Notre univers est peut-être le film dont nous avions besoin sans en avoir conscience. Il se conclut sur cette question, posée par Gilles Pelletier alors que nous survolons une magnifique galaxie inclinée : « Depuis l’aube des temps, sur toutes les planètes de toutes les galaxies de notre univers, combien de civilisations ont pu naître, plonger leur regard dans la nuit, poser les questions que nous posons et puis s’évanouir comme un souffle de vent ? » Suit une superbe image du soleil qui se lève derrière l’Observatoire David Dunlap. Les oiseaux gazouillent, la Terre s’offre à nos yeux.

[1] N.D.T. : La narration française est assurée avec autant de brio par le regretté acteur québécois Gilles Pelletier.


Visionnez Notre univers :

Notre univers , Roman Kroitor et Colin Low, offert par l'Office national du film du Canada

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