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Entrevue avec le cinéaste Chris Dainty : Shannon Amen et l’art comme thérapie

Entrevue avec le cinéaste Chris Dainty : Shannon Amen et l’art comme thérapie

Entrevue avec le cinéaste Chris Dainty : Shannon Amen et l’art comme thérapie

Shannon a été amenée à se sentir mal à l’aise d’être gaie. Ce film provoquera chez vous un malaise, mais c’est la raison pour laquelle son histoire revêt une telle importance.

J’espère qu’en le visionnant, les gens réfléchiront au fait que leurs actions, leurs paroles et leur attitude d’acceptation peuvent avoir des répercussions profondes sur la santé mentale d’une personne, sur la façon dont elle se sent, dont elle pense et jusque sur sa perception d’elle-même. Il est un reflet de Shannon, de son art et de son déchirement intérieur, auquel les personnes qui ne font pas partie de la communauté LGBTQIA2+ n’ont peut-être jamais réfléchi, en particulier celles pour lesquelles être gai est un péché. Je souhaite que ce film devienne un catalyseur de changement et enclenche un dialogue à l’échelle des communautés sur l’importance d’accepter les autres tels qu’ils sont. Ce film est une élégie à une formidable amie disparue trop tôt, et il nous rappelle que la société a un rôle à jouer dans la santé mentale de chacun.

— Chris Dainty, réalisateur de Shannon Amen.


Pour en apprendre davantage sur le film, voici une entrevue avec Chris Dainty réalisée par Chris Robinson, directeur artistique du Festival international d’animation d’Ottawa.

Après le tragique suicide de Shannon Jamieson, y a-t-il eu un élément déclencheur qui vous a poussé à réaliser un film pour l’amie que vous veniez de perdre ?

L’une des dernières choses que j’ai dites à Shannon, c’est que j’allais réaliser un film d’animation sur elle. Ç’aurait été une comédie, mais dans un contexte complètement différent. J’ai vraiment toujours eu ce sentiment que je voulais faire quelque chose à propos d’elle. Après sa mort, j’ai découvert tellement de ses créations artistiques que je n’avais jamais vues, que ç’a été pour moi comme une révélation. Il y avait tant de ses œuvres que personne n’avait vues. Des œuvres plus sombres qu’elle n’avait vraiment montrées à personne. Elle avait fait quelques expositions, mais ses créations plus récentes m’ont vraiment renversé. Dans un petit tableau, elle avait écrit « je me sens coupable » plus de cent fois en lettres minuscules. Cet ouvrage m’a bouleversé, parce que je n’avais jamais vraiment réalisé qu’à l’intérieur d’elle-même elle ressentait de la culpabilité pour ce qu’elle était. Elle donnait l’impression d’avoir une telle confiance en elle.

Et vous avez abordé le sujet différemment. Plutôt que d’opter pour une narration plus conventionnelle, vous vous êtes servi de son art comme guide et comme fil de narration.

Je voulais montrer autant d’elle que possible. Le film comporte au moins une centaine de ses œuvres. Il y avait un tel contenu. Tout à fait brut et authentique. Ce que les gens pensaient de son art ne lui importait pas. Elle le faisait seulement pour elle et elle avait ce besoin obsédant de créer.

Vous recourez dans le film à une diversité de techniques : le dessin en 2D, la prise de vue réelle, la icemation. Ça n’a pas dû être facile, non seulement de gérer ces éléments, mais de veiller à ce qu’ils s’adaptent au style ou au ton de l’art de Shannon. 

Dès le départ, je voulais animer avec de la glace. J’avais fait un essai d’animation de glace au Festival international d’animation d’Ottawa et je tenais à inclure cette technique de icemation dans un film. Je voulais me mettre au défi, et sculpter le corps humain dans la glace est particulièrement difficile. Il y a eu aussi l’animation en 2D, réalisée en partie de façon traditionnelle sur papier et en partie de façon numérique. Ensuite, nous avons procédé au nettoyage de chaque image, puis ajouté les œuvres de Shannon par-dessus comme des textures. Chaque image du film illustre l’art de Shannon d’une façon ou d’une autre.

Shannon utilisait son art comme une forme de thérapie, ou à tout le moins pour libérer ses souffrances cachées. La réalisation du film a-t-elle constitué une forme de thérapie artistique pour vous également ?

 Oui, j’ai dû affronter bien des démons intérieurs. Je ressentais beaucoup de culpabilité en pensant à ce que j’aurais pu dire ou faire. Je l’ai vue deux jours avant sa mort et rien n’indiquait que quelque chose n’allait pas. Je revenais sans cesse aux photos de Shannon que j’avais prises dans la grange. Elles sont parmi les meilleures que j’ai réalisées et je les ai intégrées au film. Elle avait cette idée : elle voulait que je la photographie nue et pendue pour un projet d’art en vitrail. On ne faisait que plaisanter ; on faisait de l’art expérimental avec un nœud coulant et des plumes en jouant avec la lumière qui entrait par les lézardes de la grange. Les photos que j’ai prises étaient magnifiques, mais ç’a été troublant par la suite de savoir que c’est à cet endroit même qu’elle s’est enlevé la vie. Le fait de recréer ce moment pour le film m’a permis de le redéfinir pour moi-même. Le tournage m’a donné le temps de réévaluer ce que cela signifiait pour moi et la façon dont j’allais me remémorer ce chapitre et l’amitié qui nous unissait.

Shannon Amen n’est pas qu’un hommage personnel à votre amie : vous avez aussi demandé aux amis et à la famille de Shannon de participer.

Dès le début, la mère de Shannon (Ellie Forbes) a pris part au film à titre de consultante créative. Le frère de Shannon a lui aussi apporté sa contribution, même s’il était un peu plus réservé : il a filmé le dernier plan, les pages de la bible de Shannon qui se tournent. Mais Ellie s’est vraiment investie dès le premier jour. Nous avons eu beaucoup de conversations. Ses commentaires nous ont amenés à modifier certaines scènes. Elle était comme une autre représentation de Shannon et ses propos avaient une grande importance.

Et il y a eu aussi Lyndell Montgomery qui a créé une magnifique et envoûtante musique de violon pour le film. Lyndell et Shannon étaient amies, et Shannon admirait vraiment Lyndell en tant que modèle positif de lesbienne et en tant que musicienne. Elle est la dernière personne à avoir vu Shannon vivante. J’ai dirigé Lyndell en l’invitant à visionner le film et à improviser en laissant ses émotions la guider. Un autre ami de Shannon, Brett Despotovich, a également conçu des musiques imprégnées d’atmosphères plus sombres. Je pense que Shannon aimerait que ses amis aient participé.

On peut voir dans Shannon Amen un film sur le suicide et la souffrance, mais il s’agit en réalité d’un film sur l’amour. Il porte moins sur la mort de Shannon que sur la vie intense qu’elle a vécue.

 Sa mère m’a dit que le suicide ne définissait pas Shannon, et cela m’a vraiment frappé. C’est une partie de son histoire, mais je crois que l’art en est l’élément central. Ses créations artistiques m’ont époustouflé. Je vois ce film comme ma façon de prendre le public par la main et de lui présenter Shannon et son art. En découvrant ses créations et sa voix, j’espère que les gens souhaiteront en savoir plus à son sujet.

Bien que Shannon Amen soit un film très personnel, beaucoup de gens mènent un combat similaire à celui de Shannon. Nombreux sont les membres de la communauté LGBTQ+ qui ont lutté pour concilier leur sexualité et leur foi religieuse. Shannon était également aux prises avec des problèmes de santé mentale. Avez-vous espoir que le film pourra contribuer aux conversations actuelles sur la santé mentale et sur la position problématique de la religion en matière de sexualité ?

Shannon avait conscience de sa réalité et de l’ensemble des problèmes que peut entraîner le fait d’être gai et de grandir dans une communauté ayant de fortes convictions religieuses. J’espère que ses créations artistiques inciteront à la conversation, puisqu’elles captent parfaitement les combats et les émotions que partagent tant d’autres jeunes. Le fait de raconter des histoires authentiques et douloureuses suscite parfois l’empathie et permet à une société plus large de mieux comprendre ce qu’on ressent lorsqu’on n’est pas accepté, ainsi que les conséquences de cet état de fait sur la santé mentale d’une personne.


VISIONNEZ SHANNON AMEN

Shannon Amen, Chris Dainty, offert par l’Office national du film du Canada

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