À la mémoire de Clément Perron | Perspective du conservateur
Il y a vingt ans, en octobre 1999, disparaissait le cinéaste, producteur et scénariste Clément Perron. Son nom évoque peu de choses au grand public. Pourtant, il fut l’un des pionniers de l’équipe française à l’ONF, un ardent défenseur de l’autonomie de sa production, de la libre création et des droits de ses camarades cinéastes et techniciens.
Homme de plume, scénariste émérite, intellectuel engagé, réalisateur et producteur exigeant, il a mené une carrière de quarante ans à l’ONF et dans le privé. Ce billet voudrait réhabiliter sa mémoire en retraçant son parcours.
Scénariste et réalisateur
En 1957, après avoir fait des études littéraires et cinématographiques au Québec et en France, Clément Perron entre à l’ONF comme scénariste. Il écrit le commentaire de quelques courts métrages documentaires et le scénario et les dialogues de courts métrages de fiction.
Dès 1960, il passe à la réalisation en s’attaquant à des courts métrages documentaires et de fiction. C’est avec le film Jour après jour (1962), dans lequel il montre et décrit, à l’aide d’une narration poétique et inspirée, le dur labeur des travailleurs d’une usine de pâtes et papiers, qu’il se fait remarquer.
Jour après jour, Clément Perron, offert par l’Office national du film du Canada
Un homme engagé
En 1964, il dénonce, avec d’autres collègues cinéastes, dans la revue de gauche Parti pris, la « machine propagandiste de l’ONF ». Bien que critique envers l’institution, il décide tout de même d’y rester en se disant qu’il peut changer les choses de l’intérieur. La même année, il est l’un des membres fondateurs de l’Association professionnelle des cinéastes (APC), puis, quatre ans plus tard, du Syndicat général du cinéma et de la télévision (SGCT – ONF).
Il est aussi très impliqué dans la lutte que mènent les francophones dès la fin des années 1950 pour l’autonomie de la production française (1964) et, plus tard, dans celle pour la création du comité du Programme français (1968), qui permettra de redonner un peu plus de pouvoir et une plus grande liberté de création aux cinéastes.
Un voyage en Italie et un premier long métrage
En 1967, il coréalise avec Georges Dufaux — un cinéaste avec lequel il a déjà écrit et réalisé un court métrage de fiction, Caroline (1964) — un documentaire étonnant sur le néoréalisme italien.
À l’aide d’extraits de films et d’entrevues réalisées sur place avec les plus grands cinéastes et scénaristes italiens de l’époque, Cinéma et réalité tente de comprendre ce mouvement cinématographique qui a pris naissance à la fin de la guerre. Si le film reste assez classique dans son style, il vaut le détour pour les entrevues accordées en français par les cinéastes Vittorio De Sica, Roberto Rossellini, Francesco Rosi, Luchino Visconti, Michelangelo Antonioni et l’écrivain Alberto Moravia!
Cinéma et réalité, Georges Dufaux et Clément Perron, offert par l’Office national du film du Canada
La même année, Perron écrit et réalise, encore avec la complicité de Georges Dufaux, son premier long métrage de fiction, C’est pas la faute à Jacques Cartier; une satire de la société québécoise, avec Jacques Desrosiers dans le rôle d’un guide touristique fantaisiste accompagnant trois touristes américains lors d’un tour du Québec.
DÉCOUVREZ LES FILMS DE CLÉMENT PERRON
Mon oncle Antoine
De 1967 à 1969, Clément Perron agit à titre de producteur. Il produit notamment le premier film de Jean Pierre Lefebvre, Jusqu’au cœur (1968), avec Mouffe et Robert Charlebois, et celui de Jean Beaudin, Vertige (1969). Au début des années 1970, il fait un retour remarqué à l’écriture en signant le scénario de Mon oncle Antoine (1971).
Inspiré par ses souvenirs de jeunesse en Beauce, Perron raconte l’histoire des habitants d’un petit village du Québec dans les années 1940 et de l’oncle Antoine, croque-mort et propriétaire du magasin général, à travers le regard d’un adolescent de quinze ans, Benoît. Ce film, réalisé par Claude Jutra, reste une œuvre majeure de notre cinématographie.
Mon oncle Antoine, Claude Jutra, offert par l’Office national du film du Canada
Histoires de Beaucerons
Par la suite, il met lui-même en scène deux de ses scénarios, dont l’action se déroule dans sa région natale. Taureau (1973) raconte l’histoire d’une famille beauceronne marginale ostracisée par les habitants du village, qui tolèrent mal sa différence. Partis pour la gloire (1975) revient sur la résistance des Canadiens français à la conscription pendant la Deuxième Guerre mondiale dans un village de Beauce.
Retour à l’écriture
De 1975 à 1978, Clément Perron est directeur du comité du Programme français, un poste qu’il occupera de nouveau de 1980 à 1982. Entre-temps, il revient à l’écriture en signant la narration du documentaire La surditude (1981) d’Yves Dion. Il travaille ensuite au studio français de Winnipeg. Il y écrit trois scénarios de fiction, dont le très beau Le vieillard et l’enfant (1985), d’après un récit de l’écrivaine Gabrielle Roy.