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#MonONF : Ryan, l’angoisse et le glitch

#MonONF : Ryan, l’angoisse et le glitch

#MonONF : Ryan, l’angoisse et le glitch

Le véritable défi de la création, quel que soit le média, est de traduire de la manière la plus épurée et juste possible les émotions complexes. Celles-ci sont parfois le résultat de rencontres avec des individus ou des œuvres qui viennent toucher des parties inattendues de nous, comme la rencontre fantasmagorique entre Chris Landreth et Ryan Larkin, dans Ryan (2004).

#monONF | Cet été, nous vous avons lancé un appel de textes. Vous avez été nombreux à nous témoigner votre attachement aux œuvres de l’ONF. Vous pouvez accéder à tous les textes ici.

Landreth, aux prises avec ses propres traumatismes et mécanismes malsains, reconnaît en Larkin la même angoisse liée à la création. Comme chez sa mère Barbara, qui a fini par disparaître complètement, le mal-être a grugé le corps et le visage de Larkin pour ne laisser que des morceaux glitchés. Court métrage documentaire, Ryan s’intéresse aux conséquences de cette angoisse sur Ryan Larkin.

Créateur prodige prolifique qui a travaillé à l’ONF au tournant des années 1970, Larkin s’est retrouvé étranglé par l’angoisse de l’échec et a vécu longtemps en situation d’itinérance. Loin de la posture typique des sujets de documentaires victimisés, Larkin est représenté lucide et inspiré malgré sa figure décomposée. Ryan fait ainsi écho au court métrage posthume de l’animateur, Un peu de monnaie, s’il vous plaît? (2008), où il est un itinérant mystique et irrévérencieux qui navigue d’une manière contrôlée dans le chaos de la pauvreté et des rues de Montréal.

 

Ma découverte de ce film s’est faite en plusieurs étapes : adolescente, j’avais été fascinée par son esthétique en dépit de son aspect inquiétant. C’est au cégep, puis finalement dans un cours de cinéma au baccalauréat que j’ai pu réellement visionner et apprécier le film de Landreth. Le film est devenu marquant pour moi lorsque je me suis véritablement mise dans une posture d’écrivaine.

Je perçois chez Larkin et Landreth une émotivité semblable à la mienne, qui, bridée, permet de créer des œuvres inspirées, mais qui peut facilement nous submerger.

Dans des moments plus tragiques, j’écrivais que mes émotions étaient des ressacs qui laissaient mon corps érodé par l’humidité et un tas d’anguilles emmêlées dans ma poitrine. Un sentiment qui se rapproche des corps virtuels rongés et tentaculaires des protagonistes de Ryan.

Ryan , Chris Landreth, offert par l’Office national du film du Canada

Vous pouvez déjà vous douter que Ryan est une œuvre spéciale, c’est un véritable ovni sur le plan esthétique dans le catalogue abyssal de l’ONF. La puissance de la narration de Landreth est telle qu’elle nous fait presque oublier le body horror et la 3D uncanny. Je ne peux m’empêcher de comparer la 3D parfois grotesque de Ryan aux œuvres de l’artiste Web Brian Tessler. Son projet le plus populaire, Cool 3D Word (en collaboration avec Jon Baken), incarne l’essence du weird Internet par ses courtes vidéos surréalistes et perturbantes utilisant la 3D. Tessler explique que le spectacle des visages et des corps virtuels tordus accompagné de musique électronique serait une manière d’exprimer des émotions extrêmes difficiles à matérialiser1. Comme dans le film de Landreth, l’esthétique 3D surréaliste dérangeante permet à la fois de montrer l’effet physique des troubles neurologiques et de mieux illustrer le flux de pensée anxiogène des deux créateurs.

Alexandra Tremblay

Originaire de Colombier, sur la Côte-Nord, Alexandra Tremblay vit présentement à Montréal. Elle a fait une maîtrise à l’UQAM en recherche-création, laquelle portait sur la nostalgie technologique. Cinéphile, elle a découvert très tôt les films de l’Office national du film. Son esthétique ainsi que l’imaginaire rattaché à l’ONF ont alimenté très tôt sa création et se retrouvent encore aujourd’hui dans son écriture. Son premier roman, L’Épidémie de VHS, sera publié chez Del Busso Éditeur, au printemps 2020.

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