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Jean Beaudin, un grand cinéaste de fiction | Perspective du conservateur

Jean Beaudin, un grand cinéaste de fiction | Perspective du conservateur

Jean Beaudin, un grand cinéaste de fiction | Perspective du conservateur

C’était en 2017, à la Cinémathèque québécoise. On m’avait demandé d’animer une période de questions après la projection du film Jeux de la XXIe olympiade (1977) de Jean-Claude Labrecque, Marcel Carrière, Georges Dufaux et Jean Beaudin, afin de souligner le quarantième anniversaire de la sortie du film.

Je n’avais pas eu grand-chose à dire ou à faire ce soir-là. Les questions des gens dans la salle avaient été nombreuses et les réponses des cinéastes Jean-Claude Labrecque et Marcel Carrière, qui étaient présents, longues et passionnées. Jean Beaudin, qui était là aussi, avait été plutôt discret.

J’avais discuté brièvement avec lui après la projection, m’étonnant de l’avoir si peu entendu. C’est alors qu’il m’avait confié : « Tu sais, j’ai tourné quelques plans dans le film olympique dont je suis fier, mais le documentaire, ça n’a jamais été mon truc! »

Jean Beaudin

C’est en parcourant sa filmographie, après avoir appris avec tristesse et stupéfaction son décès mardi matin, que je me suis souvenu de cette conversation.

Jean Beaudin était sans contredit un cinéaste de fiction. Ce qui tranche tout de même avec plusieurs cinéastes de sa génération, comme Denys Arcand, Jacques Leduc ou André Melançon, qui, tout comme lui, ont réalisé de la fiction, mais se sont aussi beaucoup intéressés au documentaire.

Il entre à l’ONF en 1964. Il travaille sur des films d’animation, réalise quelques films pédagogiques, puis passe rapidement à la fiction. Il signe d’abord un court métrage, Vertige (1969), et un premier long métrage, Stop (1971). Il tourne son film suivant dans le privé, Le diable est parmi nous (1972), mais ne connaît pas le succès escompté.

Il revient à l’ONF et enchaîne coup sur coup quatre courts et moyens métrages : Les indrogables (1972), Trois fois passera… (1973), Par une belle nuit d’hiver (1974) et Cher Théo (1975). C’est à ce moment qu’il commence à travailler avec le grand directeur photo et caméraman Pierre Mignot ainsi que le comédien et scénariste Marcel Sabourin, qui joueront un rôle important dans sa carrière.

Par une belle nuit d’hiver , Jean Beaudin, offert par l’Office national du film du Canada

Les quatre films tournés entre 1972 et 1975 préparent, en quelque sorte, les trois longs métrages suivants. En 1975, il entame le tournage d’un film coscénarisé avec Marcel Sabourin. Monique Mercure et Sabourin tiennent les rôles principaux et Pierre Mignot se charge des images. Ce sera J.A. Martin photographe (1976).

Le film est sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes et remporte deux prix : le Prix du jury œcuménique et le Prix d’interprétation féminine remis à Monique Mercure. Il connaît également un très grand succès auprès du public en tenant l’affiche à Montréal pendant 27 semaines! C’est le film qui révèle Beaudin. Un film qui deviendra un classique de notre cinéma!

J.A. Martin photographe, Jean Beaudin, offert par l’Office national du film du Canada

Deux ans plus tard, il revient avec un deuxième film coécrit avec Marcel Sabourin : Cordélia. Il s’agit cette fois d’une adaptation du roman de Pauline Cadieux La lampe dans la fenêtre. L’interprétation forte et inspirée de Louise Portal, dans le rôle d’une femme accusée d’avoir tué son mari avec la complicité de son amant, confirme le talent exceptionnel de directeur d’acteurs de Beaudin.

Au début des années 1980, il signe, avec Jacques Paris et Arlette Dion, l’adaptation du roman de Claude Jasmin La sablière. Mario (1984), tourné entièrement aux îles de la Madeleine, obtient plusieurs prix Génie, dont celui de la meilleure photographie décerné à Pierre Mignot. Un film magnifique (mon préféré de Beaudin), touchant, plein de poésie et porté par de superbes images.

Cordélia, Jean Beaudin, offert par l’Office national du film du Canada

Après avoir réalisé le long métrage et la télésérie Le matou (1985), qui connaissent beaucoup de succès auprès du public, tout comme le roman éponyme d’Yves Beauchemin dont ils sont l’adaptation, Jean Beaudin revient à l’ONF pour y tourner un court métrage, L’homme à la traîne (1986), qui fait partie d’une série de films sur des enjeux moraux et de société.

En 1992, il porte à l’écran la pièce de théâtre du dramaturge René-Daniel Dubois Being at Home with Claude, avec Roy Dupuis et Jacques Godin. Une coproduction de l’ONF et des Productions du Cerf dont il signe le scénario.

Par la suite, Jean Beaudin travaille beaucoup à la télévision. Il réalise plusieurs séries marquantes, dont Les filles de Caleb, qui reste, à ce jour, la série la plus populaire de la télévision québécoise. Il poursuit également son travail au cinéma en réalisant quatre films, Souvenirs intimes (1998), Le collectionneur (2002), Nouvelle-France (2004) et Sans elle (2005).

En 2016, il reçoit l’Ordre national du Québec et, l’année suivante, un Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle. La cinéaste Tara Johns a d’ailleurs réalisé un court métrage, Pour l’amour du combat (2017), afin de souligner la remise de cette récompense.

Pour l’amour du combat : Jean Beaudin, Tara Johns, offert par l’Office national du film du Canada

Avec le décès de Denis Héroux en 2015, celui d’André Melançon en 2016, des comédiens Albert Millaire et Gilles Pelletier en 2018, c’est toute une génération de cinéastes et d’acteurs qui, petit à petit, disparaît.

Jean Beaudin était assurément un grand parmi ces grands. Je vous invite à voir quelques films qui sont proposés dans ce billet afin de lui rendre hommage et surtout de découvrir l’œuvre d’un réalisateur qui a marqué notre cinéma, toutes générations confondues!

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