Colin Low (1926-2016) | L’ONF perd un pionnier
Le Canada vient de perdre une légende du cinéma avec le décès de Colin Low, mort à Montréal le 24 février dernier à l’âge de 89 ans.
Né le 24 juillet 1926 à Cardston, en Alberta, Low est considéré un pionnier du cinéma dans tous les genres cinématographiques. Il a connu une brillante carrière à l’Office national du film, qui s’est étendue sur six décennies.
« L’Office national du film du Canada ressent une profonde perte aujourd’hui. L’ONF n’aurait jamais existé tel qu’on le connaît aujourd’hui, en tant que centre de l’excellence et de l’innovation, si ce n’était de l’énorme contribution de Colin Low. Il était un employé de la fonction publique remarquable et dévoué, et parlait souvent de la fierté qu’il ressentait à créer des œuvres cinématographiques au service des Canadiens et des Canadiennes. Il était inlassable, visionnaire, généreux et un réel gentleman : un grand Canadien et Albertain. Le Canada ne rencontrera plus jamais son égal et nous lui sommes à jamais redevables », a affirmé Claude Joli-Cœur, commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l’ONF.
Plus de 200 productions
Élevé sur un ranch dans l’ouest du Canada, Colin Low fait des études au Banff School of Fine Arts puis à l’Institute of Technology and Art, à Calgary. En 1945, Low entre à l’Office national du film à la faveur d’un programme de formation d’été créé par Norman McLaren qui voulait mettre sur pied un studio d’animation canadien. Ses premiers travaux consisteront à faire le lettrage des titres à la main.
À compter de 1949, Low est vraiment vu comme un cinéaste. Dès 1950 d’ailleurs, il est nommé chef de la section animation où il supervisera la production de certains des films les plus populaires de l’ONF, notamment Sports et Transports! (1953), qui remportera plusieurs prix prestigieux et sera le premier film d’animation de l’ONF à recevoir une nomination aux Oscars.
Sports et transports!, Colin Low, offert par l’Office national du film du Canada
Colin Low a collaboré à près de 200 productions, le plus souvent à titre de réalisateur, co-réalisateur, producteur ou co-producteur. Mais au-delà de la quantité de films, Low était au cœur d’un nombre impressionnant d’innovations pour le cinéma canadien.
Une carrière riche en accomplissements
Malgré son succès en animation, Colin Low se tourne vers le documentaire en 1953. Il réalise alors Corral, en éliminant le commentaire et la voix-off caractéristiques des films de l’ONF de cette époque. Corral remporte le premier prix à la Mostra de Venise et plusieurs autres prix. Capitale de l’Or (1957), son film suivant, est acclamé à l’unanimité par la critique internationale qui le trouve brillant, poétique et sans reproche, et lui octroie 17 prix.
Capitale de l’or , Colin Low et Wolf Koenig, offert par l’Office national du film du Canada
Chaque nouveau film semble être pour Low un terrain d’exploration sur le plan technique et esthétique. Ainsi, en 1960, il co-réalise Notre Univers avec Roman Kroitor. Cette œuvre allait inspirer Stanley Kubrick pour son film 2001, l’odyssée de l’espace, qui songera même à engager une partie du personnel du Studio d’animation de l’ONF pour l’aider aux effets spéciaux.
Notre univers , Roman Kroitor et Colin Low, offert par l’Office national du film du Canada
Précurseur du format IMAX
Pendant les années 1960, Colin Low utilisera en précurseur des formats cinématographiques qui seront exploités, par la suite, par l’industrie privée. Il co-réalise Dans le labyrinthe pour Expo 67. Ce film utilise à la fois du 35 et du 70 mm. Projeté sur plusieurs écrans à la fois, on le considère toujours comme le précurseur des formats IMAX et OMNIMAX.
Dans le labyrinthe, Roman Kroitor, Colin Low et Hugh O’Connor, offert par l’Office national du film du Canada
Low a ensuite co-réalisé avec Tony Ianzelo deux projets visionnaires pour l’ONF en format IMAX : la première production IMAX 3D, Transitions, pour l’Expo 86 à Vancouver – aussi reconnue comme étant le premier film d’animation stéréoscopique réalisé à l’ordinateur – et Momentum, le tout premier film en 48 images par seconde IMAX HD, réalisé pour le Pavillon du Canada à l’occasion de l’Expo 92 de Séville, en Espagne.
Momentum, Colin Low et Tony Ianzelo, offert par l’Office national du film du Canada
Après ce succès international, Low travaille avec des gens de Memorial University à Terre-Neuve au projet Challenge for Change/Société nouvelle, à une nouvelle approche du cinéma qui devait permettre d’utiliser le film comme outil de développement communautaire. Il s’agira d’enregistrer la réaction d’une communauté lorsque l’on filme ses problèmes et ses gens, et de lui projeter ce piétage afin de susciter les discussions et les critiques. Ainsi, les films qui composent la série Fogo Island feront date dans l’utilisation du film comme outil de changement social.
En 1972, Colin Low est nommé producteur exécutif du Studio C. En trois ans, il supervisera la production d’une centaine de documentaires, pour ensuite devenir, en 1976, le directeur de la Production régionale. Il est alors responsable de cinq bureaux de production dans diverses régions du Canada.
Son expérience à titre de cinéaste albertain a donné à Low une compréhension unique des réalités sociales et culturelles, qui rayonnent bien au-delà de l’Ouest du Canada. Il a su tisser des liens entre l’ONF et différentes communautés, des relations qui persistent encore aujourd’hui.
Prix et mentions honorifiques
Une grande part de ses recherches depuis le milieu des années soixante a trait au cinéma sur écran géant. Membre de l’Académie royale du Canada, ce doyen du cinéma canadien a remporté plus d’une centaine de récompenses pour ses films. Il a aussi reçu quelques doctorats honoris causa et d’autres prix et honneurs.
Tout au long de sa carrière, Colin Low s’est révélé un créateur inlassable, animé du désir de découvrir de nouvelles façons de faire les choses, d’essayer de nouvelles techniques et de produire des films de qualité. Son enthousiasme pour le cinéma ne lui a jamais fait défaut pendant les quelque 50 ans qu’il a travaillé à l’ONF. Toujours prêt à relever de nouveaux défis, Colin Low a expérimenté de nouvelles techniques dans le format IMAX 3-D HD.
Lors d’une cérémonie à Ottawa le 15 février 1996, Colin Low a été nommé membre de l’Ordre du Canada en reconnaissance de son extraordinaire contribution au cinéma tant au Canada qu’à travers le monde.
En décembre 1997, Colin Low a recu le Prix Albert-Tessier. Cet honneur lui a été décerné pour l’ensemble de son œuvre et pour son apport important au cinéma canadien.
Low laisse dans le deuil sa femme Eugénie et ses trois fils Alexandre, Ben et Stephen, qui sont tous, à leur tour, actifs dans l’industrie du cinéma à titre de scénaristes, directeurs et producteurs.