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Harry Mayerovitch | Découvrez l’artiste derrière les plus belles affiches de propagande de l’ONF

Harry Mayerovitch | Découvrez l’artiste derrière les plus belles affiches de propagande de l’ONF

Harry Mayerovitch | Découvrez l’artiste derrière les plus belles affiches de propagande de l’ONF

Quand j’ai commencé ma carrière aux archives de l’ONF, une affiche signée Mayo trônait au-dessus de mon bureau. Tous les jours, elle m’invitait plus d’une fois à des divagations ferroviaires. On y voyait un train, fonçant à vive allure avec son phare jaune, perçant la nuit.

 

Quelques années plus tard, je découvrais trois autres affiches dans un corridor de l’ONF. Elles étaient encore signées par le dit « Mayo ». Il n’en fallut pas plus pour piquer ma curiosité. J’ai décidé de me lancer dans une enquête pour découvrir qui était l’artiste derrière ces fabuleuses affiches.

Une carrière flamboyante

« Mayo » n’est pas un diminutif de mayonnaise, mais bien de Harry Mayerovitch. De parents roumains, il est né à Montréal le 16 avril 1910. Après avoir complété un baccalauréat en arts à l’Université McGill, il obtient son diplôme d’architecte en 1933. Avec une carrière flamboyante qui s’étend sur près d’un siècle, on peut dire qu’il en a vu passer, en tant que peintre accompli, éminent architecte (il a construit la résidence de Brian Mulroney), caricaturiste à l’ère Duplessis, accordéoniste, collectionneur, poète, auteur… Et affichiste de la Deuxième Guerre mondiale pour l’ONF.

Mayerovitch entre à l’ONF

En 1939, le Canada entre dans la Deuxième Guerre mondiale aux côtés de la Grande-Bretagne. Les projets d’architecture sont interrompus. Ne pouvant plus travailler, Mayerovitch décide de se tourner  vers la peinture. Il le fait si bien que l’un de ses tableaux, intitulé « Home Front », est exposé au Musée national des beaux-arts du Québec.

 

Home Front, de Harry Mayerovitch, 1940 (photo : MNBAQ)

Coup de chance! Sa peinture retient l’attention du célèbre critique d’art Robert Ayer qui décide d’en faire l’éloge dans sa chronique hebdomadaire du Journal d’Ottawa. Pour Ayer, ce tableau constituait l’une des peintures de guerre les plus fortes qu’il ait jamais vues. Deux semaines plus tard, Mayerovitch reçoit un appel. Une voix au bout du fil lui dit : « This is John Grierson speaking. Would you come up to see me?… ».

John Grierson par Mayo
John Grierson, fondateur et premier commissaire de l’ONF, était tombé sur le tableau de Mayerovitch dans le Journal d’Ottawa et souhaitait en discuter de vive voix.

Le temps d’un trajet à Ottawa, Mayerovitch est nommé directeur artistique de la Division graphique de la Commission d’information de l’ONF. Il n’avait encore jamais réalisé d’affiches. Grierson recherchait avant tout une attitude, une émotion, plutôt qu’une expertise, à une époque où la plupart des campagnes étaient menées par des agences de publicités. Grierson aurait dit : « La vérité, c’est qu’on ne peut pas vendre l’effort de guerre comme si c’était des Corn Flakes »…

En avant Canada

Avec l’entrée en guerre, l’effort patriotique est mis de l’avant dans la production des films. La guerre change les façons de faire, les façons de voir… Même le cinéma d’animation, sous des airs de divertissement, se mêle de l’effort de guerre. Les combats se livrent outre-mer, mais les répercussions de la guerre s’étendent jusqu’au Canada, touchant l’ensemble du pays et sa population. De 1942 à 1944, Mayerovitch produit plusieurs affiches en lien avec la propagande de la Deuxième Guerre mondiale.

Inspiré par les illustrations du dadaïste allemand George Grosz et par le peintre mexicain Diego Rivera, il réalise notamment les affiches pour une série de courts métrages destinée aux salles appelée Canada Carries On / En avant Canada. Cette série, produite par Stuart Legg à un rythme mensuel à partir de 1940, vise à valoriser les réalisations canadiennes et mettre à l’avant-plan le Canada sur la scène internationale.

 

La forteresse de Churchill est certainement le film le plus connu de cette série. C’est d’ailleurs le premier documentaire de l’histoire à avoir remporté un Oscar! Réalisé en 1941, ce film de propagande nous plonge en plein coeur de l’action, alors que la Royal Air Force du Royaume-Uni résiste à l’armée de l’air du IIIe Reich allemand. Tout est mis en branle pour la défense : la marine, la garde côtière, la cavalerie et l’armée civile. Le film est ponctué d’images à couper le souffle avec une narration captivante comme il ne s’en fait plus. Vous pouvez le visionner ci-dessous. Hélas, je n’ai pas réussi à trouver l’affiche.

La forteresse de Churchill, Stuart Legg, provided by the National Film Board of Canada

Pour vous replonger dans l’ambiance de l’époque, voici un autre petit bijou de la série qui laisse entendre qu’une menace nazie plane sur le Québec. Rien ne va plus! Des sous-marins allemands sillonnent les eaux canadiennes. Des explosions de torpilles nazies se répercutent dans les Laurentides. Marc St-Pierre, notre analyste de la collection, vous parle de ce film dans cet excellent billet.

Québec, tremplin stratégique, Radford Crawley, offert par l'Office national du film du Canada

Après le succès fulgurant de Canada Carries On, une deuxième série voit le jour : The World In Action / Le monde en action. Cette fois, l’objectif est de proposer un point de vue plus international sur la guerre. Avec cette série, Grierson veut s’assurer que le public américain comprend bien la situation en Europe et appuie la cause de la Grande-Bretagne, du Canada et des Alliés. Mayerovitch emploiera ses talents à la promotion de cette série qui sera vue par plus de 40 millions de spectateurs dans le monde.

 

Si vous voulez en savoir davantage sur le contexte de production de ces films, il faut voir ce documentaire d’envergure de Robert Lower, qui retrace les débuts de l’ONF (1939-1945) et l’effort de propagande le plus important de notre histoire, à partir d’extraits de 500 films de notre collection. Un voyage passionnant au coeur de nos archives :

Propagande téméraire, Robert Lower, offert par l'Office national du film du Canada

Revenons à Mayerovitch. Après la Deuxième Guerre mondiale, il se recentre sur sa profession d’architecte et s’implique auprès de plusieurs comités liés à l’urbanisme. Il publiera ensuite plusieurs essais, livres, bandes dessinées et recueils de desssins. « J’ai essayé de m’assurer que tout ce que je faisais avait une utilité sociale », dira-t-il.

 

Harry Mayerovitch et John Grierson

En 2004, à l’âge de 94 ans, l’infatigable Mayerovitch est toujours actif. Il prend des cours de création littéraire à l’Université, deux fois par semaine, pour garder la forme. Deux semaines avant son décès, il faisait paraître « Way To Go », un recueil de dessins publié chez Drawn & Quaterly, qui présentait différentes façons d’être enterré élégamment. « Je ne serai pas ici encore bien longtemps, alors mieux vaut en rire »…

Il s’éteint le 16 avril 2004, le jour même de sa naissance.

« Le message doit s’illuminer dans le temps d’un clin d’œil, son sens doit exploser dans le cerveau. Il doit reproduire en miniature la crise qui lui a donné naissance. Cela entend la compression de l’idée à ses éléments essentiels – l’exclusion impitoyable du détail divertissant. » – Harry Mayerovitch

Sources :
  • Mayerovitch, Harry et Centre Saidye-Bronfman. 1989. Retrospective 1929-1989: H. Mayerovitch. Montréal : Centre Saidye Bronfman, 64 p.
  • Choko, Marc-H. Affiches de guerre Canadiennes : 1914-1918, 1939-1945, Édition du Méridien, 1994, p.73
  • Stacey, Robert. The Canadian poster book : 100 years of the poster in Canada. Toronto : Methuen, p.23
  • Louise-Musgrave, Sarah. « Montreal’s oldest living hipster », The Globe and Mail, 1er juillet, 2004
  • Musgrave, Sarah. « Wild About Harry », Montreal Mirror, 23-31 mars, 2004, vol.9, no. 40, p.11
  • McGillis, Ian, « A Line of Work », National Post, 6 avril, 2004, p.B6
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