McLaren à Times Square, New York
Au début des années 1960, le cinéaste Norman McLaren s’est vu confié un projet hors du commun : la réalisation d’un film publicitaire sur le Canada pour un panneau-réclame situé à Times Square, célèbre quartier de la ville de New York.
La commande venait de l’Office de tourisme du gouvernement canadien, qui avait loué une enseigne géante à l’angle des rues Broadway et 46th Street pour une durée de treize semaines à l’été 1961. L’idée était d’y projeter un film faisant la promotion du Canada en tant que destination touristique incontournable.
Il en résulte un court métrage d’animation image par image de 8 minutes sans paroles, réalisé en équipe par Norman McLaren, Kaj Pindal, Ron Tunis et René Jodoin, avec la participation d’Arthur Lipsett au montage.
D’abord intitulé Welcome to Canada (Bienvenue au Canada), le film fut ensuite rebaptisé New York Lightboard lors du montage d’une version légèrement abrégée :
New York Lightboard, Norman McLaren, offert par l’Office national du film du Canada
Empruntant l’esprit des films de McLaren, qui jouissait déjà d’une renommée internationale à l’époque, la réclame est une combinaison d’écriteaux et de formes animés, réalisée à partir des techniques de papier découpé et de dessins animés. Elle fait la promotion des attraits du pays : le Festival de Jazz de Montréal, le Stampede de Calgary, les sports d’hiver, les Rocheuses canadiennes et plusieurs autres. À la fin du film, on retrouve également l’humour pince-sans-rire de McLaren : « Stop looking at this sign and come to Canada » (Cessez de regarder cette enseigne et venez au Canada).
Une enseigne spectaculaire
Faisant 30 x 32 pieds, l’enseigne électronique animée Epok se distinguait par son système unique d’éclairage photo-électrique, qui permettait de projeter des scènes animées sur une surface de 720 pieds carrés muni de 4 104 ampoules. Les ampoules étaient allumées par des cellules photo-électriques qui réagissaient à leur tour à la lumière qui traversait la pellicule cinématographique à mesure qu’elle se déroulait.
Visite de la Grosse pomme
Avant d’entamer le projet, McLaren et Jodoin se sont rendus à Times Square afin d’étudier le panneau-réclame de plus près. À leur retour, McLaren a affirmé qu’il fallait que la réclame soit « humoristique et d’intérêt humain » afin de se démarquer des autres affiches et attirer l’attention des passants et passantes.
« Le plus ennuyant est lorsque l’image est complètement statique. Même le mot le plus simple perd de l’intérêt lorsqu’il est arrêté. Nous avons développé une nouvelle technique, mais sommes revenus à ma vieille technique de dessins directement sur pellicule pour un meilleur résultat. » – Norman McLaren
Même si l’expérience a nécessité trois mois et demi de travail et plusieurs milliers de dessins, ce film était beaucoup plus agréable à faire que la plupart de ses autres films pour le cinéaste, puisqu’il ne présentait « aucuns problèmes, aucunes couleurs, aucuns sons ». En guise de trame sonore, le film empruntait plutôt l’ambiance tonitruante et sans cesse animée de New York.
Au moment de la présentation du film à l’été 1961, McLaren est retourné une fois de plus dans la ville qui ne dort jamais pour y tourner ce court métrage documentaire sur la réaction des passants devant le panneau-réclame animé à Times Square :
New York Lightboard Record, Norman McLaren, offert par l’Office national du film du Canada
En 1960, on estimait que près d’un million de personnes visitaient Times Square tous les jours. Même si ce chiffre semble élevé, on peut facilement affirmer que l’enseigne ait été vue par des millions de touristes américains et étrangers cet été-là, sachant qu’elle était projetée tous les jours, en boucle, de l’aurore jusqu’aux petites heures du matin.
Comme le dit si bien une découpe du journal Montréal-Matin du 7 juillet 1961 : « Si les New Yorkais et les millions d’Américains qui visitent la métropole américaine ne connaissent pas les attractions touristiques du Canada, ce ne sera certes pas la faute de l’Office de tourisme du gouvernement canadien. »
En effet, le projet était très ambitieux, même pour l’époque. On doute que l’Office ait les moyens d’un telle campagne aujourd’hui!