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Retour sur la Course destination monde avec Denis Gathelier

Retour sur la Course destination monde avec Denis Gathelier

Retour sur la Course destination monde avec Denis Gathelier

Au cours de mes rencontres avec Hugo Latulippe et Bruno Boulianne pour ma série d’entrevues sur la Course destination monde, j’ai remarqué que les deux cinéastes vouaient le même respect envers celui qui a monté tous les films de tous les participants de la Course : Denis Gathelier. Ils m’ont d’ailleurs tous les deux proposé d’aller à sa rencontre… C’est ce que j’ai fait! Denis était facile à rejoindre, puisqu’il travaille à l’ONF depuis 2002.

Entrevue avec un monteur de vocation.

Catherine Perreault : Avez-vous réellement monté tous les films de toutes les éditions de la course (Course destination monde, Course Europe-Asie, Course des Amériques, etc.)?
Denis Gathelier : Oui. J’ai monté au-dessus de 2000 films.

Comment avez-vous décroché ce contrat?
Par hasard. Je travaillais chez Bellevue Pathé à l’époque. Au départ, la course était une coproduction entre l’ONF et Radio-Canada. L’équipe de production cherchait un monteur et ils ont soumis une demande de postproduction à mon employeur. C’est comme ça que j’ai eu le poste.

Que faisiez-vous exactement?
Je recevais 8 enveloppes de courrier prioritaire chaque semaine, qui contenaient chacune deux cassettes SVHS ou mini-DV – selon l’année de la course – avec environ 40 minutes de piétage. Théoriquement, les coureurs devaient m’envoyer une seule cassette de tournage par film, mais on s’arrangeait tout le temps avec un peu plus. Disons que les règlements ont souvent été contournés!

Les candidats m’envoyaient aussi leur plan de montage, leurs instructions pour la musique et leurs commentaires. Je faisais leur montage, le sous-titrage, le mix, etc. Les films devaient faire 4 minutes au final.

Suiviez-vous à la lettre les indications des coureurs?
Je prenais quelques libertés! Je me rappelle d’un film de Denis Villeneuve qui faisait 7 minutes. Il contenait 2 personnages à l’origine et j’ai dû en couper un en entier au montage. Je leur ai tous fait ça à un moment donné. Je n’avais pas vraiment le choix.

Il y a des personnes que je préférais comme concurrent ou comme réalisateur, mais je les ai toujours traités de la même manière. Je ne me serais jamais permis d’en favoriser un plus qu’un autre. Selon moi, tous les films présentés à la télévision étaient bons. Les participants y mettaient beaucoup d’efforts. Je dirais même que tous les 100 concurrents qui ont participé à la course ont tous fait au moins un superbe film. Ils peuvent en être très fiers d’ailleurs.

Ils avaient beaucoup de détermination. Je me souviens que Manuel Foglia était allé en Afghanistan filmer les talibans. C’était du jamais vu à l’époque. Philippe Falardeau, de son côté, était allé en Syrie chez Hafez el-Assad. Tandis que François Prévost s’était rendu au Rwanda pendant le génocide. Ce n’était pas évident… Ils étaient très audacieux.

Ce fut pour moi une expérience incroyable. Les coureurs m’ont fait voyager. J’ai vu beaucoup de piétage que les gens ne verront jamais. Sur les 40 ou 60 minutes de tournage, le public n’en voyait que 4. J’ai vu tout plein d’éléments qui pourraient faire l’objet de plusieurs films. J’avais une position privilégiée.

D’ailleurs, pendant l’année de Denis Villeneuve et de Bruno Boulianne, j’ai été témoin des défis que les coureurs se lançaient entre eux. Ils devaient, par exemple, inclure des mots précis dans leurs films.

Est-ce que c’était connu des juges et du public?
Non. C’est ce qui est drôle! Ils m’indiquaient dans leur instructions de ne pas couper telle ou telle partie, parce qu’ils devaient inclure un mot en particulier dans leur film. Des mots compliqués, comme « crocodile », ou qui n’avaient pas vraiment rapport avec le reste de leur film.

Comme si la course n’était pas assez compliquée comme telle!
Je trouvais ça tellement drôle!

Souvent, les candidats se rencontraient dans les aéroports ou dans certaines villes, surtout au cours des premières éditions de la Course. Pendant celle des Amériques, par exemple, ils allaient souvent aux mêmes endroits. Je crois qu’il y a eu 8 films en Argentine sur la Place de Mai! Ce n’est pas évident lorsque tu mets le pied dans un nouveau pays et que tu n’as pas encore de contacts. Tu dois tout construire en quelques jours seulement. Heureusement qu’il y avait un beau réseau de solidarité autour d’eux. Beaucoup d’employés de compagnies québécoises, comme Alcan ou Hydro-Québec, positionnés à l’extérieur du pays, les recevaient et leur donnaient un coup de main. Même chose avec l’ambassade canadienne.

Certains coureurs préparaient leurs 18 films avant de partir. Ils avaient déjà tous leurs contacts et connaissaient exactement leur itinéraire. Ils avaient presque écrit leurs scénarios et leurs commentaires. D’autres y allaient plus à l’improviste ou ciblaient des régions en particulier.

Croyez-vous que c’était une bonne stratégie que de se préparer à l’avance?
Je ne suis pas certain. Je trouvais que les films de ces candidats, au final, étaient beaucoup plus égaux et moins spontanés que les autres. Ça se sentait. On n’a pas vu de grosses surprises dans les films de ceux qui avaient tout préparé leur itinéraire au quart de tour.

Avaient-ils tous des façons de faire différentes?
Chacun avait sa technique. Patrick Masbourian m’enregistrait ses indications sur des cassettes audio. Je mettais ça dans ma voiture et j’écoutais Patrick me parler… Ce doit être pour ça qu’il est devenu un animateur de radio aujourd’hui! C’est son côté communicateur qui ressortait.

Il y en a d’autres qui étaient très visuels, comme Sophie Lambert. Elle me faisait toujours de petits dessins, un peu comme un story-board. D’autres étaient plus vagues et me disaient : « Au plan 3, trouve une séquence qui peut illustrer ça. » Tout était valable!

Qu’avez-vous retiré de cette expérience?
Ce n’était que du bonheur.  C’était vraiment une expérience unique en son genre. Du montage, j’en ai fait dans ma carrière. J’ai travaillé sur des films intéressants. J’ai monté entre autres 2 ou 3 films de Richard Desjardins. J’ai participé à beaucoup de beaux projets, mais rien comme cette expérience. Cette espèce de liberté que les jeunes avaient pendant les courses ne se retrouve plus aujourd’hui. De nos jours, les documentaristes se retrouvent avec tellement de contraintes. Ils n’ont certainement pas le même genre de liberté dans leur travail.

Vous souvenez-vous d’une partie de la course qui vous a semblé plus difficile à l’époque?
Pas vraiment. Dans l’ensemble, j’aimais vraiment cette émission et la relation que j’avais avec les candidats. Je leur en ai peut-être donné beaucoup, mais ils m’en ont donné encore plus en retour. J’ai voyagé beaucoup plus qu’eux, parce que j’ai voyagé à travers leurs yeux et leur caméra pendant 11 ans.

Gardez-vous contact avec les coureurs?
J’en revois quand même beaucoup. On s’appelle à l’occasion et on travaille ensemble. Nous sommes demeurés une sorte de confrérie (rires)! Nous avons certainement développé un réseau.

Ils sont nombreux à travailler dans le milieu du cinéma et de la télévision : Philippe Desrosiers, Sophie Lambert, Marc Cayé, André Gariépy, Sébastien Bage, François Dagenais, Karina Goma, Nathalie Cloutier, Catherine Fol, Danic Champoux (un des nouveaux cinéastes en résidence de l’ONF), Nathalie Martin, Stéphane Drolet, Maryse Legagneur, Denis Villeneuve, Philippe Falardeau, Guy Nantel, Patrick Masbourian, Marie-Julie Dallaire, Jennifer Allen, etc.

La course était une excellente école. Ils font partie d’une génération de jeunes cinéastes québécois qui filment avec de petites caméras et des équipes réduites. La course est arrivée en même temps que les vidéoclips à la télévision, ce qui a largement influencé ces cinéastes. C’était une nouvelle façon de filmer avec de courts plans. La course était une sorte de cinéma-vérité, où ils étaient tous seuls et devaient faire un film chaque semaine.

Lorsque je vois le temps que les cinéastes de l’ONF ont pour faire un film et le temps qui était alloué aux coureurs, je me dis qu’ils ont fait du sacré bon boulot! C’était un travail phénoménal. Pour tous. Même ceux qui n’ont pas continué dans le domaine de la réalisation par après.

Avez-vous monté certains films des coureurs devenus cinéastes après la Course?
J’ai travaillé sur le montage (en ligne) de plusieurs de leurs films à l’ONF au cours des dernières années. Entre autres :

Les justes de Stéphane Thibault et de Karina Goma

Un des premiers films que j’ai fait lorsque je suis arrivé à l’ONF.

Les justes, Karina Goma et Stéphane Thibault, offert par l'Office national du film du Canada

Junior (2007) d’Isabelle Lavigne et de Stéphane Thibault

Un excellent portrait du monde du hockey junior.

Junior , Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault, offert par l'Office national du film du Canada

Au nom de la mère et du fils (2005) de Maryse Legagneur

Un portrait documentaire du quartier St-Michel

Au nom de la mère et du fils, Maryse Legagneur, offert par l'Office national du film du Canada

Chers électeurs de Manuel Foglia

Un documentaire sur la vie politique avec Daniel Turp, député péquiste de la circonscription Mercier, et Charlotte L’Écuyer, députée libérale de Pontiac.

Chers électeurs, Manuel Foglia, offert par l'Office national du film du Canada

 

Pour finir, peut-on savoir sur quoi vous travaillez à l’heure actuelle?
Je travaille sur Wapos Bay, un film d’animation qui vient de la Saskatchewan. Il fait partie d’une série autochtone qui est diffusée sur les ondes du réseau APTN depuis 4 ans maintenant. Normalement, les épisodes font 23 minutes. On en faisait 7 ou 8 par saison. Actuellement, je travaille sur le long métrage de la série, qui doit faire environ 70 minutes. Ce sont tous des films d’animation de marionnettes.

En voici un extrait (en anglais seulement) :

Wapos Bay: The Hunt, Dennis Jackson et Melanie Jackson, offert par l'Office national du film du Canada

Merci Denis.
C’est moi qui vous remercie!

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