L’hydroélectricité : la meilleure avenue?
Un entretien avec Alexis de Gheldere, coréalisateur du film Chercher le courant
Sur la Côte nord, au Nord d’Havre Saint-Pierre, la rivière Romaine coule sur 500 km. Hydro-Québec a prévu y compléter en 2020, la construction d’un complexe hydro-électrique de 4 barrages. Est-ce une bonne idée? Existe-t-il d’autres ressources énergétiques moins coûteuses que cette installation? En quoi la construction d’un tel complexe affectera-elle l’environnement et notre chaîne alimentaire? Pour en savoir davantage, je me suis entretenue avec Alexis de Gheldere, coréalisateur – aux côtés de Nicolas Boisclair – du documentaire Chercher le courant.
Catherine Perreault : Quelle(s) question(s) se pose(nt) votre film par rapport à l’hydro-électricité?
Alexis de Gheldere : Le film suit deux quêtes parallèles. La première est de documenter l’écosystème de la grande rivière Romaine. Nous sommes quatre personnes à avoir parcouru en canot 712 km en 46 jours, afin d’archiver en audio visuel un des derniers cours d’eau encore vierge au Québec. Cependant, elle sera bientôt transformée par des barrages hydro-électriques.
La deuxième quête était de découvrir et de faire connaître les alternatives énergétiques. Après notre périple sur la Romaine, nous avons entrepris une quête de documentation des énergies, avec l’aide de Roy Dupuis, lui-même concerné par le sujet et impliqué auprès de la Fondation Rivières.
CP : Comment avez-vous fait le lien entre vos deux quêtes en construisant votre film au montage?
AdG : C’est une question qu’on s’est longuement posée avant le tournage. Au final, l’aller-retour entre les deux s’est fait facilement. On a réussi à trouver des ponts naturels entre les deux. Par exemple, il y a plusieurs lacs qui croisent la rivière Romaine. Lorsqu’on les atteignait, on installait une grande bâche sur notre canot et on s’en servait comme voile pour se déplacer plus vite. Il y avait beaucoup de vent. C’était notre pont avec l’énergie éolienne.
CP : Quelles sont les autres solutions alternatives au Québec?
AdG : Il y a plein de solutions. Il y a, entre autres, l’éolien, la biomasse, la géothermie, le biogaz, l’énergie solaire et l’efficacité énergétique. Au départ, nous voulions aller en Europe pour voir ce qu’ils font là-bas. Ils sont en avance sur nous. Faute de financement (l’équipe n’a eu que 5000 $ de la SODEC à l’étape de la scénarisation), nous avons dû rester ici. Ce fût un mal pour un bien, puisqu’on a réussi à trouver plein d’exemples de ce qui se fait au Québec en matière d’énergies alternatives.
Pour trouver des solutions alternatives, il faut penser en dehors des paradigmes. Dans cette optique, notre film se veut très informatif et éducatif. Nous croyons qu’il faut donner les outils nécessaires à la société québécoise afin qu’elle puisse débattre sur les meilleures façons de faire et décider ce qui est le mieux pour elle. On compare les énergies entre elles en termes de coût et de potentiel d’exploitation. Dans un projet comme la Romaine, le prix de revient coûte 5 fois plus cher par kilowattheure que pour celui de la Baie-James, par exemple. C’est important de mettre ça dans la balance. Les projets les plus abordables ont été faits dans les années 70, 80 et 90. Ceux qui restent à faire sont les plus coûteux. Par exemple, le projet de la Baie James coûte 2 ¢/KWh. La Romaine en coûtera 10 ¢/KWh.
À l’inverse, le prix des énergies alternatives sont de plus en plus compétitifs. Les prix sont décroissants, puisque la demande s’en va en augmentant. Il est donc important de se demander : combien ça va nous coûter et quels sont nos options?
CP : Votre film met aussi en vedette Roy Dupuis. Comment l’avez-vous approché?
AdG: Roy Dupuis, Fondation Rivières et d’autres organismes sont venus pendant 5 jours sur la rivière Romaine. Le but de leur expédition était de faire de l’échantillonnage de sol pour mesurer sa teneur en mercure. C’est important de le faire. Au moment de l’inondation du sol, lorsqu’on y installe un barrage, il y a beaucoup de mercure qui est libéré et qui vient contaminer la chaîne alimentaire. Cette contamination peut durer pendant plus d’une trentaine d’années.
Le voyage était long, alors on était heureux de croiser leur chemin! On a parlé à Roy Dupuis du film que l’on faisait. C’est une personne très rationnelle. Il a un parcours scientifique. Notre démarche l’intéressait. Il nous a donc proposé de participer à notre film et on a trouvé que l’idée était bonne puisqu’on avait la même vision, soit celle d’informer les gens sur les enjeux énergétiques.
CP : Dans la bande-annonce du film, vous dites : Si vous payez un compte d’électricité, vous devez voir ce film. Pourquoi?
AdG : Parce que si vous payez un compte d’électricité, il est important de savoir d’où elle vient, quels sont les impacts de cette ressource et quels sont ses coûts, autant économiques, que sociaux ou environnementaux.
CP : Quel est ton lien avec l’ONF?
AdG : Ça fait deux ou trois ans que je fais des contrats pour l’ONF. J’ai réalisé entre autres des vidéos pour le Web et interviewé des cinéastes, tels que Denys Desjardins, Jean-Claude Labrecque, Carole Laganière et Musa Dieng Kala. J’ai travaillé pendant cinq mois à l’ONF en 2008. Ça m’a permis d’économiser de l’argent pour pouvoir partir en expédition pour mon film.
CP : Tu as aussi déjà été assis dans ma chaise avant que j’arrive à l’ONF le printemps dernier. Tu assurais l’intérim à la rédaction Web. As-tu un conseil pour moi?
AdG : C’est une « job de chaise », alors je te recommande de faire comme moi et d’y intégrer du terrain. Ne reste pas enfermé sous les néons!
CP : C’est noté! Merci Alexis.
Le documentaire Chercher le courant sera présenté en première mondiale dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) le 13 novembre prochain. >> Horaire détaillé
Le film sera aussi bientôt présenté en salle.
***Retour sur les RIDM : le film a remporté le Prix du public remis par Canal D aux RIDM, en plus d’une mention spéciale dans la catégorie «ÉcoCaméra». Félicitations!