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Les multiples facettes de Theodore Ushev, alias mon père

Les multiples facettes de Theodore Ushev, alias mon père

Les multiples facettes de Theodore Ushev, alias mon père

La rédactrice invitée Alexandra Ouchev fait ici l’éloge de son père, le cinéaste d’animation de renommée mondiale Theodore Ushev, non sans s’amuser à lui décocher quelques pointes au passage.


Theodore Ushev, le cinéaste, m’envoie un message : « Alex, ma fille, je t’aime ! »

Ma réponse fuse : « Qu’est-ce que tu veux ? »

« L’ONF aimerait que tu écrives un texte sur moi… »

Franchement, je ne sais pas pourquoi on me demande cela, parce que je vais certainement me moquer de lui, mais je ne peux qu’accepter. J’ai là une occasion unique de l’embarrasser de la manière la plus respectueuse possible.

Mais je me permets d’abord de me présenter avant que mon père devienne l’unique centre d’intérêt, car en tant qu’artiste, moi aussi je veux de l’attention. Je m’appelle Alexandra Ouchev. Je suis sa fille. Je réalise des films de fiction en prises de vues réelles à l’université, et des films d’animation en parallèle. Je peins. Je joue et compose de la musique. En gros, je fais tout ce que fait Ushev, mais en mieux. Sauf la musique. Il n’a aucun talent dans ce domaine. C’est un chanteur compulsif terrible.

« Depuis mon plus jeune âge, j’ai vu mon père travailler sans relâche dans sa chambre, sans jamais faire de pause. Theodore Ushev n’est pas quelqu’un qui donne dans la prudence, que ce soit en art ou en politique. » – Alexandra Ouchev

Cependant, même s’il a une mauvaise oreille musicale, je ne peux pas nier que papa a un sens impeccable de la compréhension des rythmes, qu’il incorpore horriblement bien dans tous ses films. La trilogie animée Tower Bawher, Drux Flux et Gloria Victoria, qui comprend des pièces classiques de l’art constructiviste et expressionniste, se compose des films les plus marquants qu’il ait réalisés à mes yeux. La combinaison des images et de la bande sonore est hypnotisante, et lorsque chaque film se dirige vers un crescendo de formes géométriques chaotiques et de points culminants orchestraux, j’ai le sentiment intense d’être projetée dans le monde brutal de la propagande soviétique dont j’ai entendu parler pendant mon enfance. Theodore a une façon exceptionnelle et passionnée de parler de la société, de la guerre et de la mort, que j’adore et qui me fascine, mais qui me donne toujours envie de lui demander : « Ça va, papa ? »

J’entends souvent dire que les enfants ne connaissent pas le passé de leurs parents. Je pense que je connais assez bien mon père, car il parle toujours de son enfance, de sa famille, de ses professeurs, de la vie à l’époque socialiste, de son travail, etc. Cependant, avoir un paternel qui est une personnalité publique artistique peut être assez déroutant et vous amener, souvent, à vous demander qui est vraiment cette personne.

À quelques reprises, son statut public m’a laissée perplexe, notamment la première fois que j’ai regardé un documentaire sur lui, Theodore Ushev : liens invisibles. Voir un documentaire sur son père est une chose étrange. J’ai ma propre image de lui en tant qu’artiste, mais c’est l’artiste à la maison que je connais. Le film a révélé beaucoup de renseignements personnels que j’ignorais, comme certains éléments de son enfance dont il n’avait pas parlé auparavant et qui ont fait de lui la personne qu’il est aujourd’hui.

Alexandra Ouchev et Theodore Ushev

Je l’ai vu récemment donner une classe de maître sur l’animation et j’ai eu le même sentiment en l’observant d’un point de vue plus professionnel. Je suis habituée à l’artiste qui parle de manière informelle d’art et de politique toute la journée, à table, et à l’artiste avec lequel nous allons au musée, au concert et au cinéma. C’est une sensation bizarre de le voir présenter des films et de voir les gens l’aborder. Naturellement, devant toutes ces louanges, on peut toujours compter sur moi pour dégonfler son ego au cas où il dépasserait un peu la limite respectable.

Le film montre qu’il travaille dur, qu’il crée de plusieurs manières. Depuis mon plus jeune âge, j’ai vu mon père travailler sans relâche dans sa chambre, sans jamais faire de pause. Theodore Ushev n’est pas quelqu’un qui donne dans la prudence, que ce soit en art ou en politique. Il n’écoute jamais les gens qui lui disent de baisser d’un cran. Au contraire, cela l’incite à y aller encore plus à fond. Il n’hésite pas à défendre ses principes en tant qu’artiste et aime irriter et provoquer. Il est extraordinairement volontaire, motivé, passionné et intense. Le dernier mot que je choisirais pour le décrire est « neutre ». Il faut toujours qu’il choisisse un camp et qu’il le fasse savoir. Être apolitique est pour lui une grande insulte. Sa mère aurait été fière de lui, mais elle aurait fait un arrêt cardiaque si elle l’avait vu faire un discours, en excellent russe, sur la guerre en Ukraine lors d’un festival du film en Russie.

Je me rends compte que le texte que j’écris va plaire à mon père, parce que je le vante trop. Et ce n’est pas une bonne chose.

Je vais donc vous livrer quelques anecdotes personnelles à son sujet : sa chambre sent la ruche à cause de la cire d’abeille fondue pour la peinture à l’encaustique qu’il utilise dans ses films. Trop souvent, il n’est pas du tout d’accord avec moi, mais publie ensuite les affirmations que j’ai faites sur sa page Facebook. Il oublie tout le temps où il met les objets importants et oblige toute la maisonnée à les chercher, alors qu’ils se trouvent finalement à côté de son lit, sous un livre. Theodore Ushev est un vrai paresseux (vous l’entendrez peut-être l’avouer dans son documentaire). Enfin, ne lui demandez jamais de chanter l’aria Reine de la nuit de Mozart (vous aurez besoin de bouchons !).

Visionnez Theodore Ushev : liens invisibles de Borislav Kolev :

Theodore Ushev : liens invisibles, Borislav Kolev, offert par l’Office national du film du Canada

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