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Enseignement supérieur | En attendant Raif

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Enseignement supérieur | En attendant Raif

En attendant Raif, un documentaire engagé sur l’épouse du blogueur saoudien emprisonné Raif Badawi

Mots-clés : Arabie saoudite, droits humains, prisonnier d’opinion, Raif

En attendant Raif, Luc Côté et Patricio Henríquez, offert par l’Office national du film du Canada

Un titre parfait !

Le titre du long métrage documentaire de Patricio Henríquez et Luc Côté est particulièrement bien choisi. En attendant Raif raconte l’histoire du prisonnier saoudien Raif Badawi, désormais célèbre au Québec, mais surtout celle de son épouse, Ensaf Haidar, et de leurs trois enfants et de ce qu’ils vivent à Sherbrooke, où la famille s’est réfugiée « en attendant Raif ».

Des cinéastes engagés

Alors que le blogueur commence à purger sa peine de 10 ans de prison pour « insulte à l’islam » et craint l’application de la sentence de 1000 coups de fouet à laquelle il a été condamné, les cinéastes Patricio Henríquez et Luc Côté s’embarquent dans une aventure qui durera huit ans. Ils tournent plusieurs centaines d’heures d’images qu’ils réussissent à condenser en un peu plus de deux heures.

Ces deux réalisateurs n’en sont pas à leurs premières armes en matière de film engagé, ayant produit Vous n’aimez pas la vérité – 4 jours à Guantanamo, sur l’histoire d’Omar Khadr. Patricio Henríquez connaît bien les régimes dictatoriaux, ayant lui-même fui en 1974 le Chili du général Pinochet pour se réfugier au Québec. En quoi les médias et l’art peuvent-ils donc jouer un rôle important dans la défense des droits humains et la sensibilisation aux enjeux mondiaux ?

Le combat d’Ensaf

Les cinéastes suivent Ensaf Haidar dans son adaptation au Québec, dans son combat pour faire connaître le sort de Raif et pour obtenir, espère-t-elle, une libération anticipée de son conjoint, ainsi que dans sa propre transformation en personnalité publique. Henríquez et Côté filment au plus près le quotidien de la famille à Sherbrooke, les premiers jours d’école des enfants, les voyages d’Ensaf à l’étranger pour représenter Raif, qui reçoit des prix de droits humainin absentia.

Le documentaire est engagé auprès de la famille sans être complaisant. Les cinéastes n’hésitent pas à montrer certains moments plus délicats, comme la candidature d’Ensaf pour le Bloc québécois aux élections fédérales de 2021 ou ses hésitations lorsqu’elle lit un discours en français.

Ensaf métamorphosée

La métamorphose d’Ensaf Haidar, qui passe du statut d’épouse de Raif Badawi à celui d’activiste et de défenseure des droits humains constitue un des axes principaux du long métrage. La jeune mère de famille, qui semble parfois dépassée au début du tournage, gagne en assurance au fil des ans. Son personnage devient central. Cela nous amène à nous demander comment la transformation d’Ensaf Haidar, de l’épouse d’un prisonnier à une militante, reflète les forces motrices qui peuvent pousser les individus à s’engager activement pour les droits humains.

Des enfants éloquents

Rapidement, une communauté se crée qui épaule Ensaf et lui permet de se consacrer à la cause de son mari. Les enfants Badawi (deux filles, Najwa et Miriyam, et un garçon, Tirad dit Doudi) grandissent au fil du tournage et deviennent des porte-parole éloquents pour obtenir le droit de serrer à nouveau leur père dans leurs bras. La séquence de leur entrevue avec l’animateur André Robitaille est particulièrement touchante.

Le pouvoir saoudien

En parallèle de l’histoire familiale, les cinéastes traitent du contexte géopolitique particulier qui entoure les relations du Canada et de l’Arabie saoudite. Les hommes et les femmes politiques qui, un jour, font des égoportraits en compagnie d’Ensaf et des enfants approuvent le lendemain des ventes records de blindés au régime saoudien. Cette histoire se déroule sous les gouvernements Harper et Trudeau, qui, malgré leurs apparentes différences d’opinions, soutiennent les ventes d’équipement militaire au royaume saoudien, même en temps de guerre au Yémen.

Les autorités canadiennes auraient-elles pu en faire plus pour Raif Badawi ? Les droits fondamentaux comme la liberté d’expression doivent-ils passer après les contrats militaires et les emplois dans les firmes du Canada qui exportent en Arabie saoudite ? Est-il possible de concilier les intérêts économiques et commerciaux avec les valeurs éthiques et les droits humains ? Quelle est la responsabilité des gouvernements dans ces situations ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions que soulève ce documentaire.

Une communauté mobilisée

Un autre aspect de l’affaire Badawi qu’aborde En attendant Raif est l’engagement de la communauté sherbrookoise et d’organismes de défense des droits humains, en particulier Amnistie internationale, dans le combat pour la libération de Raif. La constance des soutiens de Raif, qui, quelles que soient les conditions météorologiques, tiennent une vigile extérieure tous les vendredis pendant huit ans devant l’hôtel de ville de Sherbrooke, est réelle, bien que difficile à croire.

On dit que nous vivons dans une société de l’éphémère, où la durée moyenne de concentration d’un adulte est inférieure à 30 minutes. En quoi l’engagement soutenu de la communauté sherbrookoise remet-il en question les stéréotypes selon lesquels la société moderne favorise l’attention éphémère et superficielle ? Qu’est-ce que cela nous enseigne sur le potentiel de persévérance et de mobilisation de la société ? L’engagement constant pendant huit ans des cinéastes Patricio Henríquez et Luc Côté est également remarquable, puisqu’ils ne savaient pas au départ combien de temps cette histoire allait durer.

Pour toutes les questions qu’il soulève et pour sa force dramatique et politique, En attendant Raif mérite d’être présenté dans les établissements d’enseignement supérieur.

Une suite ?

Au fil du film, on espère que cette chronique ne se transformera pas en répétition d’En attendant Godot. Comme spectateur ou spectatrice, nous passons par toutes les émotions que vivent Ensaf, Najwa, Doudi et Miriyam. Qu’est-ce que l’avenir réserve à la famille Badawi au cours des prochaines années ? Y aura-t-il une suite à En attendant Raif et, dans l’affirmative, quel en serait le titre ? La réponse à ces questions, personne ne la connaît encore.

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Gilles Sabourin est un membre actif d’Amnistie internationale depuis plus de 40 ans et était vice-président du conseil d’administration d’Amnistie internationale Canada francophone pendant l’incarcération de Raif Badawi. Ingénieur retraité et communicateur scientifique, il a écrit le livre Montréal et la bombe (2020), qui a gagné le prix Hubert-Reeves pour la qualité de sa vulgarisation scientifique. Passionné de cinéma, il a lancé avec son épouse le ciné-club Outrepont à Saint-Lambert en février 2023.

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