Enseignement supérieur | le nouveau documentaire canadien
L’équipe d’Éducation ONF est ravie de lancer une série de programmations mensuelles de niveau postsecondaire soigneusement préparées par des enseignants et enseignantes de ce niveau. Tous les mois, nous vous présenterons un ou une de vos collègues d’un établissement d’enseignement postsecondaire, ainsi que le cours que donne cette personne, et vous indiquerons la façon dont elle utilise les films de l’ONF en classe. Surveillez le premier épisode de la série réalisé par May Chew, professeure à l’Université Concordia, et dont le cours s’intitule Nouveau documentaire canadien.
L’hiver dernier, au plus fort de la pandémie de COVID-19, j’ai donné un séminaire en études cinématographiques à l’Université Concordia intitulé Le nouveau documentaire canadien. Nous y avons exploré les forces sociales, politiques, historiques et culturelles qui sous-tendent la production, la présentation et la réception des œuvres documentaires contemporaines dans ce qu’on appelle le Canada. Notre approche de la catégorie « canadien » était nécessairement critique et décoloniale, centrée sur les cinéastes autochtones, noirs, diasporiques, féministes et queers dont les œuvres offrent des outils conceptuels, esthétiques et politiques qui nous poussent à analyser la relation entre nation, production culturelle et pouvoir. Notre objectif était d’examiner de manière critique la façon dont le documentaire fonctionne comme un « genre national », souvent utilisé pour véhiculer certains récits sur ce qu’est et ce que fait le Canada. Dans le même ordre d’idées, nous avons également étudié la façon dont les supports non fictionnels émergents adoptent et adaptent les concepts durables de citoyenneté, de participation et d’appartenance.
Voici quelques-uns des films de l’ONF qui ont particulièrement animé nos discussions en classe.
Vous êtes en terre indienne, Michael Kanentakeron Mitchell, offert par l’Office national du film du Canada
Les films révolutionnaires de la série Challenge for Change/Société nouvelle (CFC/SN), issus du courant du cinéma vérité et reconnus pour leur approche militante et participative, nous ont permis d’évaluer le rôle du documentaire dans la construction et la promotion de conceptions particulières de l’identité nationale, de la citoyenneté et de la participation sociale, en particulier pendant les années 1960. Parmi les titres emblématiques de CFC/SN figurent Vous êtes en terre indienne (Michael Kanentakeron Mitchell, 1969) et Encounter at Kwacha House – Halifax (Rex Tasker, 1967) en anglais seulement. Ces films posent d’intéressantes questions sur la façon dont les mouvements sociaux en ébullition dans les années 1960 — notamment en ce qui concerne les droits civils, la souveraineté autochtone et la décolonisation — ont pu être canalisés et même tempérés par les promesses des médias participatifs et de la citoyenneté engagée.
Encounter at Kwacha House – Halifax , Rex Tasker, offert par l’Office national du film du Canada
Toujours dans la veine de la nation colonisatrice, nous avons également regardé Kanehsatake : 270 ans de résistance (1993), d’Alanis Obomsawin, qui porte sur la crise d’Oka en 1990, et discuté des façons dont la « nation » peut être mise en question par des épistémologies et des esthétiques autochtones. Produit il y a 30 ans, ce documentaire historique continue de mettre en évidence l’urgence des mouvements de restitution des terres en cours sur l’Île de la Tortue, ainsi que nos responsabilités en tant que colonisateurs et invités indésirables sur des terres autochtones volées. Kanehsatake a également suscité des discussions enrichissantes sur les complexités du travail « à l’intérieur » du système, de même que sur l’habileté de la réalisatrice à conjuguer les exigences de l’institution et du public plus large des colonisateurs et les impératifs de la résistance anticoloniale et de la souveraineté autochtone.
Kanehsatake, 270 ans de résistance, Alanis Obomsawin, offert par l’Office national du film du Canada
Un autre thème de notre cours a été celui des ethnocartographies du peuple noir, axées sur les cinéastes qui mettent en lumière les histoires et les communautés que le Canada a tenté d’effacer systématiquement au fil des ans par le capitalisme racial, le développement et l’embourgeoisement (Africville, à Halifax, et Hogan’s Alley, à Vancouver, sont deux de ces communautés). Si un certain nombre de films de l’ONF traitent de la question, notamment Home Feeling: Struggle for a Community (1983) en anglais seulement, de Jennifer Hodge de Silva, et, plus récemment, Notes d’espoir (2016), de Charles Officer, nous avons choisi de projeter Speak It! From the Heart of Black Nova Scotia (1992) en anglais seulement, de Sylvia Hamilton. Le film porte sur de jeunes Noirs qui créent un groupe de sensibilisation culturelle dans leur communauté d’Halifax. Comme beaucoup de films de Sylvia Hamilton, ce court documentaire fait valoir l’importance du mentorat noir, de l’attention intergénérationnelle et de la mémoire collective comme pratique vivante.
Notes d’espoir, Charles Officer, offert par l’Office national du film du Canada
Nous avons également inclus des films qui ont entrepris de remédiatiser, voire de subvertir les archives d’auteur et les récits officiels. L’un des films que nous avons projetés au cours de notre examen des archives et des contre-archives était Trois mille (2017), d’Asinnajaq, une réappropriation artistiquement et politiquement saisissante de plans d’archives, notamment des images tirées de la collection même de l’ONF et de films de propagande coloniale. Dans ce court métrage, la cinéaste inuite utilise la juxtaposition et l’animation comme méthodes de contre-archivage, superposant à certains moments des séquences trouvées à des séquences animées pour faire connaître trois millénaires de vie inuite, tout en proposant simultanément des spéculations sur l’avenir des Inuits.
Trois mille, Asinnajaq, offert par l’Office national du film du Canada
Malgré l’intitulé du cours, notre objectif ultime était de mettre en question le concept de « nouveau » et d’analyser plutôt la façon dont les films et les supports interactifs de non-fiction « émergents » reprennent des expressions antérieures des médias participatifs. Le projet Highrise, de Katerina Cizek, qui comprend One Millionth Tower (en anglais seulement) et Universe Within (en anglais seulement), porte le flambeau des modes et des idéaux participatifs épousés par le programme CFC/SN, tout en étendant ces formes de narration non linéaire et cocréative à l’horizon toujours insaisissable des hiérarchies floutées entre artistes et public.
Il s’est révélé providentiel d’avoir à portée de main le catalogue numérique de l’ONF pendant une année d’enseignement et d’apprentissage en ligne. Outre la flexibilité offerte par la plateforme, nous avons pu réfléchir au support technologique lui-même, une autre préoccupation de notre séminaire. Le portail CAMPUS de l’ONF nous a permis d’approfondir nos discussions sur l’importance des formes de participation et d’engagement rendues possibles par la technologie — de la caméra portative utilisée par la série CFC/SN dans les années 1960 aux plateformes web non linéaires plus actuelles — dans les récits répandus sur la nation et la citoyenneté. Bien que l’ONF n’ait pas été le seul point de mire de notre séminaire, il a fini par fournir un point de départ crucial pour examiner comment l’histoire et l’avenir des supports canadiens de non-fiction sont activement vécus et façonnés en ce moment même.
May Chew est professeure adjointe à l’École de cinéma Mel-Hoppenheim et au Département d’histoire de l’art de l’Université Concordia.
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