Les Prix du Gouverneur général : le sublime récompensé

La culture populaire peut souvent servir de rappel mesquin de notre vieillissement continu. Chaque semaine, des nouveaux visages envahissent nos écrans, avec leurs codes implicites compris par une poignée d’initiés, prêts à nous bombarder de messages conçus dans la pulsion, la vitesse, l’effervescence et parfois, la faim.

Alors que la découverte de nouveaux talents s’avère toujours enivrante, il faut parfois contempler l’œuvre des géants, qui nous côtoient depuis des décennies. Si la pulsion créatrice est incarnée par une jeunesse brillante et capable, la nature précise du sublime est parfois captée avec plus de précision, de nuance et de grandeur par des artistes chevronnés qui nous divertissent et nous font réfléchir depuis des lustres.

Les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle récompensent justement ces talents monumentaux, dont l’œuvre devient à peu près inévitable. Et depuis 2008, l’ONF dresse le portrait de ses illustres lauréats en produisant des courts métrages en leur honneur. Cette année, ce sont six films touchants qui servent de mise au point sur la carrière et les motivations de ces acteurs importants, qui réalisent, chacun à leur manière, une œuvre magistrale composée de travail et de magie.

Marie Chouinard

La chorégraphe Marie Chouinard appelle cette magie « l’état de grâce ». Ce moment précis et presque indéfinissable où le sublime semble palpable.

Marie Chouinard | PortraitOana Suteu Khintirian,Office national du film du Canada

Susan Aglukark et Ben Heppner

C’est aussi le souffle; celui qui habite le corps des danseurs avant le mouvement, celui qu’on utilise pour une performance de chant de gorge entre Susan Aglukark et Kathleen Ivaluarjuk Merritt au milieu d’un désert enneigé, ou bien encore, celui qui habite Ben Heppner, chanteur d’opéra, pour qui l’état de grâce, ou le sublime, se traduit par le frisson, initialement ressenti par l’artiste, et indiscutablement transmis au spectateur.

SoufflesNyla Innuksuk,Office national du film du Canada

Ben Heppner : à travers la musiqueRandall Lloyd Okita,Office national du film du Canada

Robert Lantos

Les portraits des récipiendaires du prix du gouverneur général inspirent tous, à leur propre manière, ce frisson. Il n’est pas nécessairement aussi direct que la voix d’un ténor se baladant allègrement jusque dans les oreilles des spectateurs. Comme c’est le cas pour le producteur Robert Lantos, la contribution au frisson peut être financière, voire institutionnelle. Barney’s Version, Léolo, Crash…comment contribuer plus précisément et essentiellement à la culture?

Robert Lantos : un métarécit abrégéJill Sharpe,Office national du film du Canada

John D McKellar

Il ne faut pas croire, non plus, que le sublime sépare les générations. Qu’il y en a une qui créé dans l’effervescence alors que l’autre conçoit dans le confort douillet de l’expérience et du réseau bien développé. À plus de 80 ans, John D McKellar siège ou a siégé sur à peu près tous les conseils d’arts dignes de ce nom au Canada. Et il souhaite visiblement outiller la jeunesse artistique pour développer son plein potentiel. Encore ébahi par les efforts de jeunes chorégraphes, il voit l’art comme un fil conducteur qui nous lie tous.

Conseil de danseurMary Lewis,Office national du film du Canada

Suzanne Lebeau

Suzanne Lebeau, auteure et dramaturge dont les pièces pour enfants ont été traduites en plus d’une vingtaine de langues et ont été adaptées dans encore plus de pays, explique la différence entre écrire pour des adultes et écrire pour des enfants. Dans les deux cas, il s’agit de jouer avec le conscient et l’inconscient. Mais quand on écrit pour les enfants, précise-t-elle, il faut ajouter une touche d’espoir.

Suzanne LebeauSophie Dupuis,Office national du film du Canada

Et en voyant l’œuvre de ces monuments, forgée et polie au fil du temps, on peut se dire que l’espoir est légitime, et qu’il n’est pas exclusif à la jeunesse.

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Voyez les films des éditions précédentes en visitant la chaîne Prix du Gouverneur général.