Ciné-vendredi | De Grandes émotions … issues d’un Court de l’animation

Je suis productrice exécutive du Studio d’animation français de l’ONF. Le cinéma d’animation fait partie de ma vie depuis plus de vingt ans et j’ai le bonheur d’être programmatrice invitée dans des festivals internationaux.

J’ai une réelle passion pour le cinéma d’animation. Elle se vit dans le cadre de mes fonctions, bien sûr. J’accompagne les cinéastes dans leur pratique artistique et je prends part à leur fascinant processus de création. Mais c’est d’abord à titre de spectatrice que l’animation m’a interpelée, m’a fait vivre de grandes émotions et a changé le parcours de ma vie.

C’était en 1999. Tel que le veut la tradition à l’ONF, lorsqu’un film se termine, les employés sont invités à visionner la dernière nouveauté produite lors d’un «playback » au théâtre de mixage sonore. Ce jour-là, je ne savais pas ce qui m’attendait, je me suis assise dans le cinéma, disposée à recevoir ce nouvel opus de Michèle Cournoyer que je connaissais à peine. Puis six minutes ont défilé… Six minutes pendant lesquelles des milliers de dessins noir et blanc se sont enchaînés, de métaphores en métamorphoses surréalistes, avec une puissance, une violence, une beauté graphique aussi époustouflante que troublante. Six minutes d’inconfort, de malaise … et d’incompréhension. Je venais de voir Le chapeau, un film abordant le thème de l’inceste.

Le chapeau, Michèle Cournoyer, offert par l’Office national du film du Canada

Aussitôt la projection terminée, j’ai dû me réfugier seule dans un bureau pour laisser sortir l’émotion et permettre aux larmes d’exploser. Comment un film d’animation, si court et si minimaliste techniquement pouvait-il me faire vivre une telle émotion? Ce court métrage a littéralement changé mon parcours professionnel. En effet, je me devais de répondre à cette incompréhension et la manière d’y arriver a été d’entrer à pieds joints dans l’analyse de l’ensemble du corpus cinématographique de Michèle Cournoyer par le biais de la rédaction d’un mémoire de maîtrise en études cinématographiques à l’Université de Montréal.

Ce travail de recherche et d’écriture m’a également permis de m’intéresser de manière plus spécifique à l’écriture féminine dans le cinéma d’animation, thématique que je m’emploie à approfondir et à promouvoir depuis, par le biais de la rédaction d’articles, de programmation, de participation à des tables rondes ou encore par la préparation d’activités spéciales. Tout cela découle directement de cette projection, il y a 16 ans!

Cette expérience personnelle me semble intéressante à partager pour montrer à quel point le court métrage d’animation d’auteur –  qui se bat encore contre des préjugés le destinant au jeune public – peut, par son pouvoir d’évocation, sa force graphique et son langage propre, devenir un réel vecteur de changement, être véritablement porteur de sens et même… changer des vies!

Julie Roy
Productrice exécutive / Studio d’animation français